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Une page tournée ou presque…

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J’ai tourné la page sur l’épisode de la présidence de Jovenel Moïse, à la tête du pays. Pour moi, son temps est révolu. Il ne s’agit plus de savoir s’il va quitter le pouvoir mais plutôt de quand et surtout de comment cela va se passer. Et c’est sur ces questions que mon cerveau travaille, ces derniers jours. J’ai entendu, un peu comme tout le monde, son entrevue en exclusivité avec Radio Métropole, diffusée seulement hier matin, bien qu’elle fût réalisée samedi dernier. J’ai entendu ses réponses qui se voulaient des esquives pour rediriger l’auditoire et les spectateurs de Radio Télé Métropole, vers des gesticulations qui se voulaient des réponses à une actualité lancinante et totalement différente à laquelle il s’évertuait d’éviter de s’adresser. Néanmoins, je ne suis pas parvenu à me concentrer sur cet exercice. Mon esprit était déjà prédisposé à réfuter ses arguties qui se voulaient des arguments. Plus je l’écoutais, plus le Président me semblait déconnecté de la réalité que vit le pays au quotidien, depuis sept (7) semaines. Et ces décisions de la semaine dernière me paraissaient plus comme des gestes de désespoir, totalement inconsidérés politiquement, socialement et financièrement. Ce Président, serait-il en train de mettre le feu aux poudres et de saborder le navire, qu’il ne s’y prendrait pas mieux.

Je disais donc que j’ai tourné la page Jovenel Moïse, pour tenter d’apercevoir la transition qui se profile à l’horizon. Tranquillement, on commence à voir s’exprimer des doléances précises sur divers aspects de la vie politique, sociale et économique, en provenance de différents secteurs du pays. Les jeunes sont de plus en plus conscients de leur poids politique dans la société et veulent que l’État en tienne compte. La vague des Petrochallengers ne s’estompera pas au lendemain de la crise. Elle est là pour rester, et c’est tant mieux ainsi. Une partie de l’espoir de rédemption de notre société réside dans l’émergence de cette force, plus que jamais conscientisée et réaliste. Elle ne mordra plus à l’hameçon des sauveurs messianiques, porteurs de rêves brumeux, alléchants mais irréalistes et ne se reposant sur rien de vraiment concret. Cette jeunesse a vu ses aînés (es) s’abreuver au vin sirupeux de nos leaders d’autrefois, souvent mal préparés pour transposer leurs rêves dans la glaise de nos réalités. Elle les a vus déchanter, au lendemain de leur griserie politique, en proie à une solide gueule de bois économique, sociale et politique. Alors, désormais, cette jeunesse est devenue cynique, terre-à-terre et, avec raison, elle demande des preuves avant tout achat de proposition politique, et des justifications rigoureuses après toute transaction administrative de la part de nos gouvernants, même les plus banales d’entre elles. Et elle a bien raison.

Désormais, je ne veux plus rien savoir de ce que souhaiterait cette présidence et ce gouvernement qui ne nous mènent nulle part, sauf dans un chaos de plus en plus profond. Je suis intéressé à savoir, ce que propose l’Alternative Consensuelle pour demain, au départ de Jovenel Moïse et de ce gouvernement qui ne gouverne rien, ni personne, et cela, depuis déjà longtemps. Je veux savoir quelles personnalités sont pressenties pour assumer la présidence intérimaire de la République et quelles autres composeront ce Gouvernement de Salut Public et qui, ensemble, entameront le processus de décrispation de notre société, pour recommencer à fonctionner plus ou moins normalement. Je veux savoir, exactement, le pedigree de chacune d’entre elles, afin de m’assurer d’éviter les coups fourrés de 1986 avec un CNG truffé de prédateurs qui n’attendaient que le moment propice pour fondre sur nos naïvetés innocentes. Je veux savoir quel sera le budget du pays pour la balance de cet exercice financier, déjà mal engagé, et quels moyens exactement seront pris pour colmater les brèches et reconstruire notre édifice national.

Je ne veux plus entendre parler de cette armée-bidon, un ramassis de désœuvrés, en quête d’un simulacre de pouvoir à imposer, par la force de la baïonnette, à leurs concitoyennes et à leurs concitoyens demeurés dans la vie civile, un petit groupe de jeunes mal armés, manipulés par une poignée de nostalgiques des dictatures sanglantes d’autrefois. Je ne veux plus entendre parler de cette kyrielle de ministères, vidés de leur mission originale et sans moyens effectifs pour assumer leurs responsabilités. Je ne veux plus que leurs titulaires viennent, par la suite, nous raconter pourquoi ils n’ont pas pu mener à bien la mission qui leur était confiée. Je ne suis plus intéressé à écouter des jérémiades sur le comment et le pourquoi de tant d’échecs. Je ne veux plus que des redditions de comptes, claires, nettes et honnêtes, sur les résultats atteints et sur les échéances à respecter pour ce qu’on n’a pas pu encore obtenir, malgré les efforts consentis.

Je ne veux plus d’un Président qui se prend pour un expert en toute matière et qui s’exprime, en Magister Dixit, sur tous les domaines qui ne relèvent généralement pas de ses attributions normales et pour lesquelles, il n’a pas de compétence avérée non plus. «Que chaque bourrique braie dans son pâturage», disait sentencieusement un de nos doctes présidents d’autrefois. Il faudrait peut-être y revenir, tout en s’assurant que désormais, nos ministres et nos hauts fonctionnaires ne soient plus des «bourriques» qui se contentent d’ânonner des charabias, lors d’entrevues ou de conférences de presse, entendues avec des interlocuteurs plus ou moins complaisants. Il faut que nos dignitaires redeviennent des gens dignes de respect et dont la compétence et l’intégrité soient au-dessus de tout soupçon, de même que leur bonne foi. Il ne faut plus qu’ils se contentent d’être des ventriloques qui font simplement écho à quelques maîtres à penser, des idéologues dont ils ne sont que des caisses de résonnance, vides de toute réflexion critique sur les actes qu’ils sont appelés à poser, sans en comprendre le bien-fondé pour les contribuables qu’ils ont fait vœu de servir, au mieux de leurs intérêts.

Je sais bien, que pour le moment encore et peut-être même pour quelques semaines à venir, ce Président honni par ses concitoyennes et par ses concitoyens, dans leur vaste majorité, risque de traîner un peu dans le décor. Tous les débris ne sont malheureusement pas politiquement dégradables rapidement dans notre environnement. Ils ne disparaîtront donc pas, du jour au lendemain, de notre paysage politique, soyons-en assurés. À preuve, ou trouve encore, trente ans plus tard, des vestiges persistants de l’ère des macoutes. Il en existe même quelques variétés mutantes, tout aussi dangereuses et nocives que leur ancêtre initial, pour le développement normal et harmonieux de la société, et qui ont refleuri, l’espace d’un affaiblissement forcé de notre système immunitaire politique. Aussitôt que nous avons baissé un peu la garde, ils ont investi nos institutions, proliféré jusqu’à mener celles-ci au bord de la destruction totale et ont paralysé leur fonctionnement, déjà débilité par la longue convalescence de la période post-macoute. Même si on ne guérit pas totalement de ces maladies que sont la corruption et la mauvaise gouvernance, une fois qu’elle a été contaminée par un de ces virus, notre société peut quand même développer assez d’anticorps pour se prémunir de leurs effets les plus pervers, les plus virulents.

Je m’efforce encore de suivre le comportement et les actions de ceux qui se veulent être le Gouvernement du pays et le Président de la République. Ils ont encore, du moins, aux yeux de la Communauté Internationale, l’autorité légale sinon la légitimité nationale, pour entreprendre certaines actions qui pourraient nous nuire considérablement et pour longtemps, sur la scène internationale. Cela pourrait sérieusement entraver nos démarches pour corriger certaines de leurs erreurs délibérées. À cet égard, les dernières décisions de renier certains contrats de l’État avec des fournisseurs publics d’électricité, pourraient bien constituer un effort fait exprès pour saboter toute possibilité, dans un futur immédiat, d’obtenir la participation d’investisseurs privés, nationaux ou internationaux, à tout appel d’offres dans un partenariat public-privé, pour combler nos besoins dans divers domaines d’intérêts nationaux supérieurs, comme: l’énergie, la communication, les voies publiques, les ponts et chaussées, la construction de grands bâtiments publics, la construction de parcs immobiliers pour loger notre population en croissance constante. Car, après de tels reniements de contrat, quel investisseur privé voudra bien se risquer à contracter avec un État qui s’est révélé être un mauvais coucheur ? Ainsi, une fois cette perspective compromise pour tout gouvernement intérimaire, sans moyens intrinsèques ni recours possibles à un appui privé, local ou international, il leur serait ensuite plus facile de paver la voie à un retour en force, sous le prétexte fallacieux que l’alternative à leur pouvoir n’aura pas pu faire mieux, dans un temps record, comme d’ailleurs ils le laissent entendre, par rapport au gouvernement intérimaire Privert – Jean-Charles.

Si j’ai tourné la page sur Jovenel Moïse et ses tortueuses démarches administratives, économiques et politiques, je ne donne pas pour autant un blanc-seing à l’opposition. Car, si celle-ci a été capable de mobiliser la population contre le gouvernement, elle s’est révélée impuissante pour effectivement provoquer le changement réclamé par la population, jusqu’à présent. Elle a été incapable de fédérer les opposants en un seul faisceau pour maximiser l’impact de sa charge contre le pouvoir en place. À preuve, il y a, aujourd’hui, au moins trois branches de l’opposition, militant pour le même objectif mais chacun dans son coin. À l’Alternative Consensuelle, principal fer de lance de l’opposition militante, dite radicale par les mauvaises langues, s’est ajoutée récemment une nouvelle «Passerelle» qui aligne un nombre intéressant de personnalités connues et crédibles mais insuffisantes, à elles seules, pour servir de levier efficace, en vue du changement visé: la démission du gouvernement. Il y a aussi, cette nouvelle entité mise sur pied, le «Mache Kontre», également, opposée au gouvernement et visant essentiellement les mêmes objectifs, en utilisant sensiblement la même rhétorique et les mêmes prises de positions. Mais elle, non plus, ne fait pas le poids, toute seule. Et même sa capacité de convocation est à questionner. Alors, à quoi cela sert-il donc, de multiplier des particules d’une opposition non fédérée, si ce n’est qu’à affaiblir le mouvement, en tant que tel, et de faire durer l’agonie de ce gouvernement qui ne tient plus que par un fil mais qui profite de ce syndrome bien en place chez nous, et qui remonte depuis la nuit de notre préhistoire nationale. Entre-temps, ce sont les plus vulnérables de la société qui en pâtissent le plus. La grande majorité sinon la totalité des victimes de la répression du Pouvoir contre l’opposition se retrouve immanquablement dans cette couche sociale défavorisée.

Moi, j’ai tourné la page sur l’épisode de la présidence de Jovenel Moïse. Il symbolise l’échec absolu du pays, dans tous les domaines, et son recul, à tous les points de vue. Néanmoins, il nous reste à juguler et à transcender notre propension à balkaniser nos luttes et à entreprendre invariablement des approches sectaires, pour résoudre nos problèmes fondamentaux de société. Et cette tâche n’est pas mince. Tant que nous n’aurons pas appris à le faire, nous continuerons à patauger dans l’immobilisme, à végéter dans les bas-fonds et à remporter, coup-sur-coup, le record d’épithètes peu enviables, d’entité ingouvernable, de pays le plus pauvre de l’hémisphère ou parmi les plus corrompus. J’ai hâte de pouvoir tourner la page sur cet aspect aussi de notre société qui nous fait tellement mal et qui nous caractérise encore dans le concert des Nations du monde.

Pierre-Michel Augustin

le 29 octobre 2019

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