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Pétrochallenge, une lutte partielle contre la corruption en Haïti

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Ma vision du monde et mes convictions me découragent de supporter toute lutte partielle ou superficielle. Dans le cas de la lutte contre la corruption, ma position est pour une approche plus intégrale. Je ne saurais cacher une certaine sympathie au mouvement de PétroChallenge qui vise à exiger des comptes sur la gestion des fonds PétroCaribe. Mon voeu est tout simplement que justice soit rendue, en amenant, devant les tribunaux, quiconque aurait frauduleusement utilisé ces fonds, pour s’enrichir aux dépens des caisses de la République. Cependant, je constate tristement que cette bataille risque de nous aveugler sur les autres formes de corruptions destructrices pour la nation et dont on minimise l’importance. Je cite quelques exemples:

  •  les centaines de millions de dollars octroyés sous forme d’aide internationale à Haïti, après les tremblements de terre en janvier 2010;
  •  les fonds tirés des caisses de l’État, accordés comme des prêts non remboursables à des particuliers (AGRITRANS);
  •  les contrats d’exploitation de nos mines;
  •  les franchises douanières octroyées d‘une façon préférentielle;
  •  les contrats juteux de l’EDH avec des fournisseurs d’énergie;
  •  les milliers de chèques zombis dans l’administration publique;
  •  les dépenses millionnaires de la Caravane de changement qui reçoit des fonds en aide et des prêts, au nom de l’État haïtien.

À la suite des dizaines de manifestations par les communautés haïtiennes à l’étranger, malgré les multiples convocations de grèves générales en Haïti, il semblerait que la victoire tant attendue des «Pétrochallengeurs» soit encore lointaine. Et même au cas où il y aurait des actions légales contre certaines personnes accusées de dilapidation, présenter des évidences pertinentes pour arriver à condamner ces personnes qui, sans nul doute, peuvent se payer une légion d’avocats haïtiens, sera encore un autre défi. En peu de mots, toute victoire des «Pétrochallengeurs» ne sera que partielle et cosmétique. Faut-il, pour autant, abandonner le Pétrochallenge? Non. Mais, il faut surtout éduquer les «Pétrochallengeurs» et réorienter la lutte. Car la nation est dévastée par cette pandémie nationale qu’est la corruption. Elle est dangereusement contagieuse. Et l’éradication du porteur, du corrompu et des victimes, exige des changements de comportements radicaux. Il faut un dépistage méthodique pour arriver à la source et stopper la propagation. Certes, certains «Pétrochallengeurs» qui n’ont pas les mains souillées, peuvent jouer le rôle des agents de santé financière, de promoteurs des bonnes pratiques au niveau de la transparence dans la gestion des deniers publics.

Pour des résultats profonds et définitifs, on doit entamer des actions, c’est un écosystème qu’on doit changer. Ceux-là qui, malheureusement, se trouvent dans un état critique, méritent d’être mis en quarantaine immédiatement, en faisant usage de la force punitive de la Justice, car au stade de démence, la raison et la morale ne suffiront pas pour les guider. Les récidivistes résistants aux antibiotiques, les incorrigibles doivent être empêchés d’infecter davantage la communauté. Les citoyens concernés, engagés, supportés par les forces de l’ordre public, ont pour devoir de mettre hors d’état de nuire, ces incorrigibles.

Le reste de la population, jusque-là immune de ce cancer social, doit se porter volontaire, en offrant leur aide patriotique ainsi que leurs maigres ressources, pour participer activement dans une nouvelle forme de lutte qui permettra de finir avec la corruption, en joignant leurs efforts pour entreprendre les actions ci-après énumérées:

  1. Dissolution immédiate de la Chambre des Députés;
  2. Dissolution immédiate du Sénat;
  3. Annulation de toutes élections et réélections pour la Chambre des députés;
  4. Annulation de toutes élections et réélections pour le Sénat;
  5. Annulation du poste de Président de la République d’Haïti;
  6. Proclamation d’un Conseil National de Gouvernement ayant à sa tête un Premier ministre avec un mandat de 3 ans, renouvelable, et un conseil d’État de 10 membres;
  7. Organisation des élections pour les 10 nouveaux membres (conseillers) du CNG avec un représentant par Département;
  8. Réallocation des fonds alloués au Parlement, à la Justice, à la Recherche et au Développement;
  9. Renforcement du Système Judiciaire;
  10. Création d’une commission technique, pour combattre la corruption pour une meilleure coordination avec les organes existants de l’appareil de l’État (CSCCA, ULCC, PMP).

Pour ceux qui se demandent quels seraient les motifs pour dissoudre le Parlement et éliminer le poste de Président de la République, ils peuvent facilement choisir de cette liste réduite, des causes justifiant de pareilles décisions:

  1. Dépenses excessives,
  2. Privilèges abusifs,
  3. Travail inefficient,
  4. Complicités avec le Parlement, dans l’octroi de généreux privilèges bénéficiant aux deux parties, au détriment des intérêts nationaux,
  5. Obstruction à la Justice dans les enquêtes relatives à la dilapidation des Fonds PétroCaribe,
  6. Générateur d’instabilité politique,
  7. Sous-développement,
  8. Complicité avec la communauté internationale dans l’appauvrissement d’Haïti,
  9. Complicité avec des forces étrangères, favorisant l’occupation militaire et politique du pays,
  10. Non-respect de la Constitution mère qui vise à la protection des vies et des biens du citoyen,
  11. Trafic d’influence dans l’octroi des contrats aux firmes privées et étrangères,
  12. Incapacité de protéger nos frontières terrestres, aériennes et maritimes, contre les actions hostiles de nos pays voisins,
  13. Incapacité de créer les conditions de sécurité nécessaires à l’investissement et au développement économique du pays,
  14. Octroi illégal de franchises douanières à des particuliers, au détriment des intérêts nationaux,
  15. etc.

En ce moment, peut-être que vous vous posez la question à savoir si je ne suis pas fou avec ces propositions qui paraissent fantaisistes, voire même utopiques? Je confesse que je me suis posé des questions similaires, quant au défi de PétroCaribe. Comment demander à ses propres bourreaux d’être justes, quand ils sont payés pour vous faire du mal? Comment accepter que les mêmes personnes, accusées de crimes financiers, deviennent à la fois vos défenseurs et vos juges? Pourquoi a-t-on fait la sourde oreille quand le Président de la République lui-même, a déclaré avoir succombé aux pressions des corrupteurs, en approuvant cinquante juges corrompus? Le citoyen #1, soi-disant protecteur de la nation, est un inculpé dans un dossier de blanchiment d’argent. Il représente COMPENHER, une compagnie citée dans le rapport de PétroCaribe, ayant reçu des fonds de l’État, sans avoir exécuté le projet totalement payé. Pas la peine de mentionner le pouvoir législatif qui est devenu un allié de l’Exécutif plutôt qu’un facteur d’équilibre pour contrebalancer les actions du gouvernement en place.

Bref, le PétroChallenge s’est transformé en un mouvement qui dérobe le peuple de ses jours fériés, une lutte sectorielle contre la corruption, des cris de colère qui posent la même question «kot kòb PétroCaribe a», et dont on connait déjà la réponse: «Kòb la kraze lontan», des mobilisations sur une plateforme sociale digitale à laquelle les couches défavorisées n’ont pas accès, une stratégie axée sur des manifestations dont le gouvernement doit préalablement autoriser le motif, le parcours, l’heure et la fin.

Tout est conditionné pour attendre longtemps, avant d’accoucher des résultats appréciables. Et plus le temps passe, plus les évidences s’effacent ou disparaissent. Il est temps de changer nos fusils d’épaule. Les revendications à caractères populistes, réformistes, doivent faire place aux actions révolutionnaires. La nation a  besoin de sang neuf, de nouveaux leaders pour mener la lutte totale contre la corruption, une fois pour toutes. On ne doit plus s’attendre à des saints pour diriger un pays dans un état malsain, bourré de malandrins. Cessons de faire figure de puritains dans une telle bataille pour la survie d’un peuple. Des fois, quand on veut un meilleur lendemain, pour son pays ainsi que les siens, il faut tous apprendre à se salir les mains, en empruntant la voie de la révolution et du développement !

Vive Dessalines!

Vive notre indépendance!

Vive Haïti!

Rodelyn Almazor

[email protected]

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