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Les temps sont durs pour le Président Jovenel Moïse…

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Le Président Jovenel doit avoir bien hâte à novembre car ce mois d’octobre ne semble pas lui porter chance du tout.  La semaine dernière fut une vraie « hebdomas horribilis », à tous les points de vue.  C’est comme si les astres étaient alignés et s’étaient ligués contre lui et son gouvernement.  Tout semble aller de travers, tout d’un coup.  Il est vrai que ce n’est pas comme si tout roulait comme sur des roulettes avant cela, mais il y avait encore des semblants de repères qui pouvaient faire espérer que le meilleur était peut-être en route.  Qui sait ?  Peut-être qu’au prochain détour, un soleil chaud poindrait à l’horizon et nous réconforterait de tous les sacrifices que nous endurons depuis si longtemps.  Toutefois, depuis le début du mois d’octobre, des mauvaises nouvelles tombent en cascade sur le gouvernement.  Il n’y a plus vraiment de prétextes pour s’accrocher à des miracles qui, décidément, ne seront pas au rendez-vous.

Le 28 septembre dernier, le Président revenait de sa semaine à New York pour participer à l’Assemblée générale annuelle des Nations Unies.  Ce n’était pas tout à fait une semaine de relâche, mais c’est tout comme.  Il s’était éloigné de l’écrasante pression à laquelle il est soumis depuis quelques temps.  Mais, aussitôt de retour, les problèmes sont revenus l’assaillir de toutes parts.  D’abord, au 1er décembre, le Conseil Supérieur du Salaire minimum transmettait son rapport au gouvernement.  Il était venu le temps de trancher et de publier le tableau des salaires minimums, effectifs à partir du 1er octobre.  Le Président avait déjà choisi son camp mais il n’y a que les fous qui ne changent pas d’idée, n’est-ce pas?  Restait à savoir si le nouveau gouvernement Moïse/Céant allait tout simplement s’en accommoder ou faire la différence et infléchir cette décision dans les limites du raisonnable.  Devinez quoi ?  C’est le Président qui a eu le dernier mot, et les nouveaux salaires minimums décrétés seront « économiquement acceptables » pour les patrons, comme il l’avait annoncé.  Quant au monde des travailleurs, en ce qui concerne leurs justes revendications d’un salaire revu à la hausse jusqu’à un objectif de 1 000 gourdes par jour, Eh bien, il leur faudra repasser et prendre leur mal en patience.  Première écharde au pied du gouvernement.

Il y avait bien eu, le 3 octobre, la survenue d’un gros fait divers, étalé sur un arrière-fond politique.  La mairesse de Tabarre, elle-même une proche du pouvoir en place, avait été sévèrement battue par son concubin, lui-même un autre proche du pouvoir et du gratin politico-financier en général.  Il serait un intime de cette gente Tèt Kale qui dirige le pays, ces dernières années.  Voilà qu’il défraie les manchettes pour les mauvaises raisons.  Tout le monde proteste et condamne cet acte lâche et odieux d’un homme à l’égard d’une femme.  Certains y voient un défi lancé à une autorité élue de la place.   Le statut de mairesse de la victime donne une dimension inattendue à ce fait divers qui devient viral sur les réseaux sociaux.  Toutefois, bizarrement, personne ne pipe mot du côté du Pouvoir.  Sauf peut-être un courageux porte-parole qui ose quelques plates condamnations, tout le monde, dans ce secteur, est occupé à vaquer aux affaires sérieuses de la République, qui ne peuvent plus souffrir de retard.  Cela ne serait qu’une bévue, une autre de plus dans le panier du Pouvoir. Juste une mauvaise gestion de communication.

Puis vint le tremblement de terre du 6 octobre qui réveilla les cauchemars qui hantent encore les esprits des nombreux survivants du « Goudou-Goudou » de 2010.  À 5,9 sur l’échelle de Richter, cela vous ébranle même les plus stoïques.  Et dire qu’il y a à peine dix jours, le Président de la République, du haut du podium à l’ONU, proclamait à toute son assistance et au monde entier, que sous son administration, désormais, Haïti était en mesure de faire face à n’importe quelle catastrophe.  Je n’en revenais pas.  La nature a probablement voulu le prendre au mot et tester la validité de sa déclaration péremptoire et un peu osée, quand on connaît l’état de délabrement du pays et de ses institutions.  Évidemment, dès les premières heures après ce coup de semonce important, on a vite vu que ce n’était que du bluff et beaucoup d’impros.  De l’impro qui devient de la témérité comme : s’aventurer dès le lendemain du séisme dans un édifice en béton, en compagnie de nombreux hauts dignitaires et autres responsables du gouvernement, exposant une bonne partie de l’Exécutif aux aléas d’une réplique sismique.  Et cela arriva effectivement.  Une réplique à 5,2, qui aurait pu faire tomber un édifice préalablement ébranlé dans ses fondations par le séisme de la veille, fit trembler la ville de Gros-Morne où se trouvait le Président et son entourage.  On l’a échappé belle, pour cette fois, il n’y eut pas de dommage, sauf peut-être pour l’amour-propre des accompagnateurs du Président qui l’auraient tous, ou presque, laissé en plan pour se mettre à couvert, dans un sauve-qui-peut qui a mis à nu les déficiences du système de sécurité qui doit protéger notre Président.  Et puis, les secours qui n’arrivent pas, ou si peu.  Et les populations des zones sinistrées de Port-de-Paix, de Chansolme, de St-Louis-du-Nord et de Gros-Morne qui n’entendent pas être abandonnées à leur dénuement et qui expriment haut et fort leur désarroi et leur insatisfaction devant le peu d’aide que le gouvernement leur octroie.  Comme quoi, « twou manti pa fon », n’est-ce pas ?  Deuxième vraie tuile, celle-là, et elle est d’importance !

Quand on est mal entouré, même en voulant bien faire, vos comparses finissent par vous mettre dans le pétrin, dans leur diligence pour appliquer les bonnes consignes au mauvais moment.  Ils font du zèle et appliquent les règles sans discrétion, surtout sans discernement.  En témoignent cette lettre publique des Sœurs de la Congrégation de Ste-Croix au Cap-Haïtien, qui se plaignent de la rigidité et de l’insensibilité inqualifiables de quelques officiels du gouvernement qui viennent de mettre en péril la capacité de cette institution à offrir le « pain de l’instruction » à des jeunes avides de savoir, pour une affaire de canaux de drainage à curer.  Allez donc comprendre quelque chose !  C’est comme si, tout d’un coup, il sévissait une épidémie frappant nos décideurs, les portant à détruire des locaux un peu partout, à Pèlerin 5, au Cap-Haïtien et ailleurs.  Nos démolisseurs ont le pic agile et il leur démangerait de s’en servir profusément.  Et ce n’est pas tout.  Dans la même période, il y a aussi le fisc qui s’en prend à un Révérend d’une église importante, surtout appuyée, semble-t-il, par un nombre imposant de fidèles qui n’entendent pas se laisser faire.  Le bon Pasteur harangue ses ouailles et les incite même à prendre part aux manifestations qui se préparent pour le 17 octobre prochain, si le fisc le contraint, même avec raison, à payer son dû à l’État.  C’est un comble.  Tout le monde s’en prend au pauvre gouvernement qui ne sait plus où donner de la tête.  Une autre bourde peut-être ?  Tout est dans le timing, dans le choix du moment d’être intransigeant envers ses commettants.  Quand on est au bord du précipice, ce n’est peut-être pas le moment de jouer au matamore.

Alors, pour donner le change, surtout pour dégonfler un peu l’orage social qui s’annonce, le gouvernement verse dans l’intimidation.  On fait courir les rumeurs d’un coup d’État armé, ourdi par les têtes brûlées de l’opposition.  On ressort du placard, un bonhomme-sept-heures nommé Chamblain.  On lui met une veste et une cravate pour qu’il soit un peu plus présentable, pour qu’il ne fasse pas trop peur aux enfants.  Octobre, c’est quand même le mois de la santé mentale. Il faut faire attention à nos enfants et éviter de les exposer indument à certains stress.  Mais, les oripeaux de la peur de M Chamblain, ne seraient pas trop loin, ses armes non plus, et il menacerait même d’en faire bon usage, au besoin, pour voler au secours de son gouvernement légitime.  Après tout, le pays a une Constitution, et celle-ci interdit les coups d’État à quiconque.  Il vient tout juste de s’en rendre compte, il paraît.  Ce Monsieur tient même des conférences de presse pour expliquer sa préscience, quant au complot qui se trame contre la sûreté de l’État.  Évidemment, il n’en fallait pas plus pour que le Commissaire du Gouvernement de Port-au-Prince, Me Clamé Ocnam Daméus, exprime ses préoccupations profondes et convoque quelques protagonistes au Parquet, pour se faire expliquer leurs discours hauts en décibels et en rhétorique fleurie.  On ne peut pas prendre ces menaces à la légère, surtout en se remémorant la débâcle des 6, 7 et 8 juillet.  On était passé proche d’une autre catastrophe et le bon Commissaire voudrait prendre tous les moyens pour en éviter une réédition.  L’un des protagonistes convoqués par le digne Commissaire a eu l’idée que sa sécurité devait être renforcée, elle aussi.  Après tout, « se mèt kò ki veye kò », n’est-ce pas?  Pour éviter toute tentative d’intimidation du Pouvoir, il a eu l’idée de se faire accompagner d’une imposante escorte pour se rendre à la convocation du Commissaire.  Sur le coup, c’est, paraît-il, celui-ci qui aurait eu la frousse de sa vie.  Notre chevalier sans peur et sans reproche aurait vite transmis un S.O.S discret au Directeur Départemental de l’Ouest (DDO) qui n’en demandait pas plus pour charger dans le tas, en plein parquet, paraît-il.  Résultat : un greffier rudoyé sévèrement avec ecchymoses et bosses au visage pour en attester, plainte formelle des avocats du barreau de Port-au-Prince, menace de grève des greffiers du Parquet.  Encore une fois, l’Exécutif est dans l’embarras, à cause du zèle de certains de ses bons serviteurs.

Mais toutes les fautes n’incombent pas toujours à d’autres.  Les ayant droit eux-mêmes y ajoutent leur grain de sel, de temps à autres, comme pour donner l’exemple.  Quelquefois, au plus haut sommet de la hiérarchie, on n’hésite pas à plonger aussi et à mettre l’épaule à la roue pour alourdir cette comédie d’erreurs grotesques.  Pour bien préparer ses troupes au déferlement social qui s’en vient le 17 de ce mois, le Président, paraît-il, aurait cru bon d’aller en personne faire un peu de « pep talk » aux policiers en devoir dans certains commissariats de police de la capitale, et leur distribuer généreusement, des milliers de gourdes en cash, pour stimuler leur intervention au jour dit et galvaniser les troupes.  Quelle idée géniale !  Plus gauche que cela, je demande des preuves.  Au lendemain du 17, s’il survenait une seule bavure policière, Dieu nous en préserve, devinez sur qui pourrait retomber l’accusation d’instigation aux violences ?  De mémoire, je me souviens d’un ministre d’un gouvernement antérieur, un certain Privert, qui a été écroué pendant environ deux ans pour avoir prétendument visité des belligérants à St-Marc, à la veille d’un affrontement funeste.  On n’a jamais su exactement la teneur de ses propos avec ceux-ci.  Toutefois, il avait été poursuivi devant la justice pour incitation à un prétendu massacre et avait été détenu dans une de nos geôles pendant assez longtemps.  C’était peut-être un revers politique, un retour de fortune mais, toujours est-il qu’un séjour en prison, en Haïti comme partout ailleurs, n’est jamais une partie de plaisirs.  Nos donjons sont loin d’être des sinécures, l’ex-Commissaire du gouvernement, Me Danton Léger, pourrait en témoigner, pour avoir assisté aux funérailles de tant d’incarcérés, au cours de son récent mandat.  Ils tombaient comme des mouches, de malnutrition, de manque soins, de mauvais traitements, de maladies e latrye.

Aujourd’hui, le pays vit dans une expectative fiévreuse.  Tout pourrait survenir au cours des prochains jours : n’importe quoi ou rien du tout.  L’opposition a fait monter les enchères.  Le gouvernement n’a rien fait pour calmer la tempête, bien au contraire.  Même qu’il a maladroitement accumulé bourdes après bourdes, aggravant encore davantage les perspectives.  Pourtant, il lui aurait été facile de jeter du lest, par exemple, en accordant un salaire minimum moins outrageant que les 420 gourdes par jour aux travailleurs de la sous-traitance.  Même des employeurs notoires, de cette catégorie de travailleurs, entre autres, conviennent de la nécessité, sinon de l’opportunité d’accorder un salaire dans une fourchette allant de 600 à 700 gourdes par jour.  D’une part, cela aurait atténué les tensions sociales et réduit la participation de bon nombre de travailleurs aux manifestations attendues pour le 17 octobre, pour commémorer en tempête et dans une fronde populaire rageuse, le 212e anniversaire de l’assassinat du Père de la Patrie, Jean-Jacques Dessalines.  Ce n’était point le moment non plus de se mettre à dos d’autres secteurs de la population car, comme le veut un adage créole, « anpil pise krapo konn fè larivyè desann ».  Au lieu de cela, le gouvernement, que dis-je, le Président lui-même arbore une posture de défiance et de bravade.  Dans les temps de crise, il est toujours de mise que les pouvoirs supérieurs du pays gardent la tête froide et agissent en responsables ultimes de la sécurité publique et de la stabilité politique.  La voie du dialogue est toujours celle à privilégier et, pour cela, il faut savoir garder ouvertes les passerelles de communication et non couper les ponts après soi et se cantonner dans un état de siège qui ne pourra pas durer éternellement, du moins, pas sans préjudices graves à la santé économique déjà précaire du pays.

Par ailleurs, l’opposition devrait aussi agir avec prudence et bien mesurer l’étendue des engagements auxquels elle invite la population.  Les politiques de rechange, les replis tactiques et stratégiques n’ont jamais été le fort de nos Oppositions.  Pas de plan B, encore moins de plan C.  On mise sur un seul cheval, quitte ou double.  C’est tant mieux si l’on gagne car, si c’est le cas, on rafle toute la mise.  Mais chaque fois qu’on échoue, même par un tout petit peu, alors c’est la déroute totale, et pour un bon moment.  Je revisite un peu le débarquement de 1958 et des autres tentatives ratées sous Duvalier.  Ce que cela nous a valu de déboires et de retards dans la lutte pour le renversement de cette dictature ?  Même plus récemment, les tentatives précipitées contre Martelly nous ont conduits à l’impasse dans laquelle nous sommes aujourd’hui.  Certes, il faut agir pour contrer l’adversaire, limiter les dégâts et hâter l’avènement du changement réel appelé de tous nos vœux.  Encore faut-il avoir la patience d’attendre que le fruit soit mûr et, surtout, qu’on soit prêt à faire face aux aléas auxquels une telle entreprise pourrait exposer la population et le pays.

Par les temps qui courent, le Président Jovenel Moïse vit des temps difficiles, et rien ne dit que les semaines à venir lui seront plus faciles.  Il est adossé au mur de la réalité sociale, économique et politique qui a toujours été le lot de nos politiciens qui se sont échinés à le contourner sans y parvenir.  En face du Président, il y a toutes les illusions qu’il a cultivées à coup de promesses, les unes plus alléchantes que les autres, mais qu’il ne peut tout simplement pas concrétiser, faute de moyens, faute de stratégie économique adéquate, faute de réalisme et d’intelligence politiques tout court.  Les Pouvoirs acculés sont toujours dangereux dans leurs derniers soubresauts.  Mais le vent de la colère populaire gronde et s’enfle à vue d’œil.  À chaque jour qui passe, il semble que le Président découvre de nouveaux moyens de se mettre à dos un autre secteur de la population.  Il arrivera bientôt le temps où il fera l’unanimité contre lui.  Et alors, rien ni personne ne pourra lui épargner les affres de la défaite amère et de la déchéance politique.  Serait-ce lors du rendez-vous fatidique du 17 octobre 2018 ?  Seul l’avenir nous le dira.

Pierre-Michel Augustin

le 16 octobre 2018

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