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«Est-ce une erreur de ne pas identifier tous les habitants du continent américain comme des Américains?

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La présente réflexion est issue d’un débat qu’a suscité une publication que j’ai faite sur ma page baptisée CrAy (Chronique de la Renaissance d’Ayiti) autour du Rêve Américain, au regard d’un immigrant comme moi, un Ayitien formé, qui a abandonné sa famille originelle ainsi que sa carrière professionnelle et son Ayiti qu’il chérit tant, en vue de vivre «the American Dream». Alors, partons de la logique que plus on nous fait ruminer quelque chose, plus nous avons tendance à y croire, jusqu’à en faire notre réalité. C’est exactement ce qui s’est passé dans le cas du continent américain, dont un seul pays a décidé de faire main mise sur le nom, sans que personne d’autre n’ait droit à la contestation pour ainsi revendiquer la filialité, si ce n’est naturelle ou légitime, au moins par adoption. La dénomination ou l’appropriation du nom d’un continent tout entier à un seul pays relève donc d’une escroquerie, portée sur les fonts baptismaux, des plus scandaleuses.
Ainsi, l’épithète d’américain est donc perçu comme étant l’héritage de «jure» d’un pays du sous-continent d’Amérique du nord, les États-Unis d’Amérique, ainsi connu, et qui fièrement s’en approprie, envers et contre tout partage et toute controverse. Pour avoir la conscience tranquille, on parle hypocritement et ironiquement de deux autres sous-continents dans la même région également, à savoir : l’Amérique latine et l’Amérique centrale. Cependant, paradoxalement, cela n’autorise pourtant aucun autre État du continent d’en porter le nom. En effet, il va de soi et cela peut se comprendre aisément, de par l’origine même du nom porté par le continent, venant de Américo Vespucio, un marchand florentin, explorateur et cosmographe, naturalisé castillan en 1505, qui a participé à au moins deux voyages d’exploration vers le Nouveau Monde, soit l’actuel continent américain, ainsi baptisé en son honneur. Par cet acte abominable et discriminatoire, les sud-américains ne sont point des américains à proprement parler, mais plutôt des latinos (latins). Les centres-américains, les caribéens ou antillais et encore moins le reste des nord-américains du Canada et du Mexique ne s’appelleront pas américains non plus. Ces deux pays sont considérés, respectivement, comme une extension de la Grande-Bretagne dans le même sous-continent, alors que le Mexique est rattaché au reste de l’Amérique latine.
Nous sommes-nous déjà arrêtés une seconde pour nous demander pourquoi cette appropriation et cette privation arbitraires? Pensez-y ! Si par hasard cela vous intéresse encore d’approfondir le sujet, il n’y a donc aucun inconvénient à ce que l’on continue à faire couler même un océan d’encre, en vue de consolider nos convictions, du choc de nos réflexions. À mon humble avis, je pense qu’il est trop tard pour tout État, autre que les États-Unis, à l’heure où nous sommes, de vouloir revendiquer son américanité. Sans folklorisme ni démagogie, il faut reconnaître, qu’en dépit du fait qu’il soit une seule et même terre, le continent américain n’est pas un seul et indivisible territoire, avec une identité qui lui est propre, une même maternité ascendante, une même idiosyncrasie, une seule et même vision du monde, une même conception, une même expression linguistique, une même ethnie, un même comportement, les mêmes traditions, les mêmes attitudes, les mêmes inspirations et aspirations, les même systèmes politiques et économiques, les mêmes goûts, la même culture, la même croyance et, bien sûr, une seule et même religion, etc., bien que tous unis par les horreurs d’un même passé colonial, dans la grande majorité des cas, et dont les plaies ne se sont jamais véritablement cicatrisées.
Je suis sûr d’accord avec ceux-là qui font semblant de réclamer leur américanité, c’est leur droit le plus entier. Cependant, la controverse, l’incohérence voire l’ironie résident dans le fait qu’ils n’ont aucune foi, ni loi, ni la moindre velléité encore moins la conviction de soutenir, dans les règles de l’art, une telle posture, même quand elle serait des plus légitimes. Il y a donc fort à parier que ceux qui se disent américains, au fond de leur subconscient, savent pertinemment qu’ils ne le sont que par le droit du sol… À la vérité, il s’agit d’une identité hors de toute singularité sans aucun sens d’appartenance ni d’adhésion collective, qui ne s’est jamais donné la peine de se construire et dont, paradoxalement, on voudrait se réclamer. Il s’agit donc du même scénario, même pour les pays qui ont une certaine affinité historique du climat, de la flore et de la faune, des indices de développement, des ressources naturelles et, n’en déplaise, du point de vue géopolitique, social et économique, si bien que leur ethnicité s’avère des plus diverses et variées. La vérité est que même au sens le plus restreint de la dénomination, il se révèle d’une extrême difficulté de parvenir à définir, avec cohérence et unanimité, une identité américaine, même régionale, ou à l’échelle de la nation étasunienne même, sans qu’il n’y ait de divergence et/ou de controverse. Aussi, ne conviendrait-il pas de se demander: qu’est-ce que la culture américaine?
Parler de la culture américaine, même au strict sens du territoire étasunien, n’est pas chose aisée. C’est quoi la culture américaine, qu’inspire-t-elle et que projette-t-elle? Qu’est-ce qui la compose? Qu’est ce qui caractérise son quotidien, pourrait-on se demander? Après environ six années d’émigration vers les États-Unis, mon expérience personnelle est qu’il n’existe presque pas un canevas de catégorisation du peuple qu’on appelle: «américain», par abus de langage et d’obsessions hégémoniques, sans objection ni rejection collective. Des zones côtières, en passant par le centre, pour aboutir au périphéries du pays, la dichotomie tend à se marquer avec une exactitude inquiétante. En effet, les États-Unis sont le pays des controverses et, bien sûr, de l’unité dans la diversité. Une sorte de kaléidoscope culturel et ethnique, en constant devenir, tissé d’un flux migratoire donnant une saveur particulière à son histoire très différente, d’un bout à l’autre du pays. Surtout, rappelons-nous toujours les origines de ce pays si singulier, comme tous les autres d’ailleurs. D’une part, les origines migratoire du pays. On connaît tous l’histoire des colons «religieux» – là on pourrait parler de colonisation de conviction religieuse – en quête d’exil, en raison de leur volonté d’exercer leur foi en toute liberté et loin des intolérances britanniques. Dans cet ordre d’idée, c’est un pays qui a pour fondation les idéaux de liberté, de justice et du bien-être. D’où le fameux concept de American Dream qu’ils continuent de vendre, à cœur joie, au reste du monde. Cependant, mes questions sont les suivantes : sont-ce les «américains» le seul peuple en Amérique à s’être attaché de manière passionnée et irréversible à sa liberté et à son bien-être? Quel peuple n’aurait pas aimé avoir des dirigeants qui font tout pour garantir le bien-être de sa population? Et pour finir, sont-ce les pays américains qui doivent adopter la «culture américaine» pour être considérés comme des américains? Ou du moins, cet américanisme ou américanité dont on parle, doit-elle être la résultante d’un long processus de cet art catalytique et de cristallisation du vécu, de l’idiosyncrasie, des traditions, de la culture et des us et coutumes de la région?
Il s’agit là d’autant d’interrogations auxquelles nous ne répondons pas toujours et de façon unanime. Cependant, une chose est certaine, c’est que ce débalancement et/ou déséquilibre de l’équation des États américains se prolonge et persiste en fonction des constantes et des variables de valeurs référentielles, des facteurs culturels, comportementaux et caractériels, entre autres. Certes, nous nous baignons, pour la plupart, dans les mêmes eaux de catégorisation et de différenciation d’identité culturelle et ethnique, indépendamment des us et coutumes des différents regroupements, par critères de rapprochement, de ressemblance, de distanciation et de dissemblance. C’est pareil, et encore plus compliqué, même pour ceux-là qui se réclament de l’Amérique du nord dont les États-Unis, le Canada, le Mexique, pour les mêmes raisons. Il s’agit de trois souches ethniques et culturelles différentes et qui sont, bizarrement, unies par trois langues romaines différentes: l’anglais, l’espagnol et le français. Aisément, on peut les comparer, comme en mathématique, à trois ensembles distincts, avec pour dénominateur commun, la terre. Le Mexique, en dehors des composantes et/ou héritages de la colonisation espagnole, est le seul à être un État autochtone qui, postérieurement, partagera un peu avec les États-Unis, l’espagnol. Et, avec les États-Unis et le Canada, malgré leurs similitudes, ces trois pays se perçoivent comme des entités à parts entières, charriant, chacun derrière soi, son lot d’identité culturelle, propre à soi-même.
La réalité est que l’idée d’une Amérique unitaire n’a jamais fait l’unanimité dans la mosaïque ethnique et culturelle des peuples qui se partagent le continent. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas que les États-Unis à s’y opposer et, conséquemment, à s’imposer. Il faudrait encore des siècles d’histoire pour se forger une identité commune. Cependant, Dieu seul sait à quel prix! Les séquelles de la colonisation font, qu’outre les États-Unis, aucun pays de la région n’a jamais revendiqué son appartenance à cette identité chimérique américaine. Cela aurait-il quelque chose à voir avec l’historique ségrégationniste et génocidaire du continent dont les États-Unis, plus que jamais, en constituent le symbole? Les faits historiques peuvent parler de par eux-mêmes. Que ce soient les deux autres États de l’Amérique du Nord, ceux de l’Amérique Latine, de l’Amérique Centrale ou des Caraïbes, ils ne se considèrent pas américains, par le simple fait de leur situation géographique. Se disent pour eux Américains, les descendants des Européens en Amérique, en grande partie Anglais et Irlandais, initialement, qui par la suite s’ouvriront plus largement à l’immigration des peuples de toutes latitudes, de toutes les attitudes et de n’importe quelles habitudes dont : juifs, allemands, italiens, latinos en fort pourcentage et indigènes et noirs en très faibles quantités (nécessité économique oblige). Ainsi, à tort ou à raison, les États-Unis, dans ce cas précis, les «Américains» incarnent le souvenir inoubliable d’une époque de terreur, faisant d’eux, aujourd’hui encore, un bourreau à l’échelle géopolitique qui châtie, à la moindre désobéissance n’allant pas dans le sens de ses intérêts hégémoniques. Qui ne se souvient de la Doctrine du Big Stick, l’incarnation même de la politique étrangère impérialiste, menée par le président Theodore Roosevelt au début du XXe siècle, et qui visait à faire assumer aux États-Unis une place de véritable police internationale par l’imposition de ses lois au reste des États des Amériques, et de l’Amérique Latine en particulier. L’objectif premier de cette doctrine prédatrice est de garantir les intérêts économiques des États-Unis dans les Amériques qu’il juge être siennes. Cela a favorisé un accroissement exponentiel étasunien, non seulement au niveau économique mais également au niveau de la nouvelle superpuissance mondiale. En cas d’échec diplomatique de la persuasion économique, le recours à des représailles militaires est donc envisagé. Ainsi, l’Amérique était perçue tantôt comme l’arrière-cour ou la propriété privée des États-Unis d’Amérique. Ce désir effréné de pouvoir et de gloire était cristallisé comme suit : «L’Amérique aux “Américains”…»
Maintenant qu’on a fait la lumière sur la vraie problématique, j’espère donc que nous sommes en mesure de comprendre pourquoi aucun autre pays des Amériques n’a jamais revendiqué son authentique américanisme. Si quelqu’un a une opinion contraire, ce sera la guerre des arguments, les uns les plus convaincants et plausibles que les autres, pour prouver sa thèse ou son hypothèse. À preuve, je conclurai avec l’extrait qui suit, d’un article sur Wikipédia. «Les Américains, ou le peuple américain, sont les habitants et les citoyens des États-Unis. Le pays est marqué par une grande diversité ethnique du fait qu’il se soit principalement et majoritairement construit sur l’immigration. Par conséquent, les Américains forment une nation au sens civique du terme, et non pas au sens ethnique. » Fin de citation.
Ainsi, je suis de ceux qui croient que l’acte d’appropriation par les États-Uniens de l’étiquette américaine pour eux-mêmes et par eux-mêmes, ne relève que du cynisme sans civisme et de l’imposture sans la moindre posture et que, malheureusement, si aucun État autre que le géant Nord-Américain n’a jamais eu le courage ni la décence de la revendiquer, cela témoigne de l’inexistence d’une identité historique et territoriale commune et, jusqu’à une certain égard, culturel, caractériel et comportemental. Fort de toutes ces considérations, ne conviendrait-il pas de conclure, tel qu’on l’a introduit, en revenant à la case de départ et nous demander : Est-ce une erreur de ne pas identifier comme Américains, tous les habitants du continent américain? La réponse est à la fois oui et non, en raison de tous les arguments que nous venons d’évoquer, dans un sens ou dans un autre. En effet, on peut considérer que le positionnement géographique doit, en tout état de cause, l’emporter sur les facteurs de mise en valeur des traits caractéristiques de la culture états-unienne, aux dépends de ce projet commun de comportement visant à l’application scrupuleuse de la loi de la métonymie, c’est-à-dire: prendre le tout pour la partie et la partie pour le tout. Ainsi, nous pouvons tous être Américains ou non.
28/08/20 20
Jean Camille Étienne, (Kmi-Lingus )
Arch. Msc. en Politique et Gestion de l’ Environnement
[email protected]

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