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Haïti dans l’indifférence de la diplomatie culturelle

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Les États n’ont plus besoin, comme au temps de l’esclavage et de la colonisation, d’imposer leur culture (religion, modes de vie, croyances, mythes, etc.) par la force ou par la répression. Encore moins en élaborant des lois qui régulent les manières d’imprégner ou d’accepter leur culture. On n’est plus dans l’esclavage classique et la colonisation proprement dite. Mais, puisque la culture reste un moyen d’imposer la vision du monde d’un État sur un autre, pour attirer l’investissement, le tourisme, pour forcer sa consommation, il est donc devenu un impératif aux États de l’utiliser dans la politique étrangère. C’est ainsi que le soft power ou la diplomatie culturelle se développe et s’impose.

La politique étrangère est une prérogative régalienne de l’État, en vue de défendre ses intérêts sur la scène ou à l’échelle internationale. Pour ce faire, les États ont élaboré une politique étrangère. Ainsi, la culture s’en trouve très souvent au cœur. À cet effet, ils développent des partenariats d’échanges interculturels, des programmes de bourses d’études, des résidences littéraires et artistiques, et l’installation des instituts, des écoles, y compris des lycées, des Universités, des centres de recherches, etc. dans d’autres États, tout en organisant régulièrement des activités de rencontre, etc. Tout ceci s’inscrit dans une politique étrangère où la diplomatie culturelle ne cesse de s’imposer pour vendre le rêve de l’Autre.

En effet, la diplomatie culturelle est une politique publique qui vise, dans le cadre de la politique étrangère, à l’exportation de données représentatives de la culture nationale, et à des interactions avec d’autres pays dans ce même domaine culturel (Marie-Christine Kessler). Beaucoup de pays tels que la France, l’Allemagne, la Chine, le Canada et la Belgique, investissent dans la diplomatie culturelle. Certains implantent partout des instituts, écoles/lycées/universités et centres de recherches. D’autres privilégient des accords d’échanges interculturels. D’autres encore s’appuient sur des expositions conjointes et la mise en place des musées hors de leurs pays, car le patrimoine culturel ne peut pas se négliger dans une telle approche. Alors, quelle est la place d’Haïti sur la scène internationale à travers la culture? Haïti priorise-t-elle des conventions de coopération culturelle? Si oui, elle tire quoi comme profits ou quelles sont les données représentatives de la culture nationale qu’elle exporte?

La France installe partout des Instituts français et des Alliances françaises, sans compter d’autres conventions et partenariats à caractère culturel. L’Allemagne en fait de même avec les Instituts Goethe, et y alloue de fortes sommes, soit près de 360 millions d’euros pour l’année 2019. La Chine, depuis 2004, avec les Instituts Confucius, installés dans plusieurs pays, octroient près de 600 bourses d’études, incitent à parler leur langue (le mandarin) tout en délivrant des certificats, etc. L’Égypte, quant à elle, ouvre des musées dans d’autres pays dont l’Italie (Turin), donc son patrimoine est sujet de valorisation partout. Pour le cas d’Haïti, la culture a été toujours considérée, et l’est encore, comme l’organisation des carnavals et d’autres activités. Elle n’est jamais utilisée pour vendre ou pour soigner notre image à l’échelle internationale. Cette situation, fort malheureusement constatée, fait d’Haïti un grand consommateur culturel étranger, et donc victime de la diplomatie culturelle d’autres États. En effet, à chaque fois qu’on laisse un État offrir sa culture (implicitement comme supérieure) à vos citoyens (nes), on risque de les perdre. En fait, ces individus vont chercher à vivre les rêves offerts, en commençant par l’apprentissage de la langue comme symbolisme, et qui permettra l’intégration de communication. En bref, Haïti se livre à l’ignorance totale de l’importance de la culture dans la politique étrangère, de fait dans la diplomatie. Ceci peut se justifier par le fait qu’elle n’a pas des Instituts ou Centres de recherches dans d’autres pays. Elle n’a pas implanté, à l’initiative de l’État, de grandes activités culturelles, des expositions, des festivals, etc. à l’étranger. Au contraire, quand un (e) artiste haïtien (ne) va représenter le pays, le gouvernement s’en fout, puis après le succès il essaie honteusement de s’en accaparer, notamment par des louanges.

La diplomatie culturelle, c’est faire de la diplomatie une représentation politique. En la faisant sur la base des valeurs culturelles, c’est reconnaître les valeurs de l’Autre, la diversité culturelle, en vue de vendre son pays à travers un autre (Jean Odelin Casséus). L’État haïtien, semble-t-il, ne comprend pas ce qu’est cette notion et son importance. En fait, si l’État haïtien, et surtout à travers son Ministère des Affaires Étrangères, devant s’occuper de la politique étrangère (diplomatique, internationale),s’est plongé dans l’ignorance de la capacité de la culture à pouvoir se tailler une place sur la scène internationale, alors nos valeurs culturelles seront promues par qui? Pendant qu’on s’arrange pour gonfler nos ambassades et consulats à l’étranger par des proches incompétents (es), recrutés (es) sur la base de petits (es) amis (es) (cuissage), membres de famille proche, appartenance politique et autres, cet État s’autodétruit sur la scène internationale, car ce pays ne représente rien, et ne peut, en conséquence, influencer aucune grande décision. Ceci signifie que nos ambassades et consulats servent à nous permettre de rester sous la domination de la communauté internationale, parce qu’en fait, sur le plan international, notre pays est absent.

L’investissement dans la politique étrangère doit se faire aussi d’une manière rationnelle, ainsi l’État, à travers ses dépenses doit calculer ses rentrées (pas forcément de l’argent direct). De ce fait, la diplomatie peut servir de source de devises ou de rentabilité économique pour Haïti, et la diplomatie culturelle ou le soft power est incontournable dans une telle approche. Ainsi, il serait temps de sortir de cette indifférence, compte tenu de l’importance de la diplomatie culturelle.

Job Pierre Louis

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