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Haïti et la malédiction des veuves

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Quelquefois, on a l’impression que l’avenir de ce pays s’est joué aux dés, en pensant à certains
évènements qui auraient donné d’autres orientations à la nation. C’est le syndrome d’Orphée. On
se demande, comment Dessalines, dans la guerre du Sud, puis Christophe, dans la bataille de
Sibert, ont pu laisser échapper Pétion. On dirait qu’il y a une condamnation de ce pays au
malheur, pour un quelconque écart commis.
Dans la culture populaire, on parle de «madichon tete gòch», comme le plus terrible sort
qu’on puisse souhaiter à quelqu’un. Est-ce que ce mauvais sort serait attribuable à la façon dont
nous traitons les veuves dans la société. On a une bonne idée de la grandeur d’une nation, selon
la façon dont elle prend soin des plus vulnérables.
On ne dispose pas de données fiables sur la protection sociale en Haïti mais il y a des cas
emblématiques qui donnent un aperçu de la situation des veuves. On entend souvent les
suppliques des femmes de policiers, décédés en accomplissant leurs devoirs, et le peu de
considération qu’elles bénéficient de la part des autorités. Dans cette société inégalitaire, les
policiers et leurs veuves ne sont pas au haut de la hiérarchie sociale, on peut questionner le
caractère emblématique de ces exemples.
Voyons le cas des veuves de Président. Claire Heureuse, veuve de Jean-Jacques
Dessalines, l’Empereur Jacques 1 er , elle n’a pas eu droit de mettre son mari dans une sépulture et
encore moins d’organiser une cérémonie d’adieu. Il fut interdit de citer le nom de Dessalines
durant 40 ans dans le Pays. Les historiens ont retrouvé une lettre que Pétion aurait adressé à
Claire Heureuse pour lui annoncer qu’elle bénéficierait d’une certaine protection. Antonio
Gramsci écrit dans ses Cahiers de prison: «Souvent, celui qui veut consoler, être affectueux etc.
est en réalité le plus cruel des bourreaux».
La Reine Marie Louise vit Boyer faire égorger son fils, Victor Henri. Et, plus récemment,
la veuve de Dumarsais Estimé, considéré comme un des plus progressistes chefs d’État à diriger
le pays, a été assassinée à Port-au-Prince, sans que le coupable soit retrouvé ou puni pour le
crime.
Toutes les veuves ne sont pas en odeur de sainteté. Il y a eu certainement des Agrippine.
Cependant, un simple regard sur le sujet laisse entrevoir que la cruauté dans notre société est
sans borne. La responsabilité est personnelle. Quelles que fussent les fautes commises par leurs
maris, on ne pourrait pas leur faire subir les conséquences. Je ne sais pas si l’abus de faiblesse est
considéré comme une infraction pénale en Haïti. Il y a des vautours qui rôdent autour de
certaines veuves, et la société reste impassible, en attendant la commission de l’irréparable.
Soyons sérieux, suivez mon regard, nagez pour sortir du bourbier…
Guy Craan MD, MSc.
[email protected]

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