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Haïti, en cette période de NOËL, une vraie Cour des Miracles…

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Aussitôt la saga des otages américains et canadien terminée, une nouvelle s’entame. Une autre intervention étrangère en Haïti se prépare. Le vendredi 17 décembre dernier, le coup d’envoi a été officialisé par la convocation d’une réunion virtuelle, à l’initiative du Président américain, Joe Biden, à laquelle participaient ses homologues: le Premier Ministre canadien, Justin Trudeau, et le Président français, Emmanuel Macron, entre autres. Pour faire bonne mesure, on avait pris la peine d’inviter également les autorités haïtiennes qui y étaient représentées par le nouveau Ministre des Affaires Étrangères, Jean Généus, et l’Ambassadeur haïtien à Washington, Edmond Bocchit. Mais, avant de passer à cette nouvelle étape, il conviendrait, toutefois, de revenir sur la fin heureuse et combien insolite de cette prise d’otages.

Dans la nuit du 15 au16 décembre dernier, à la faveur de l’obscurité, le reste des otages encore en détention, (ils étaient 17 au départ, il en restait encore 12) sur la pointe des pieds, se seraient échappés, trompant la vigilance des 400 Mawozo. Et, bien qu’ils ne sachent pas vraiment les lieux, guidés par leurs prières, ils se sont dirigés à travers la nature, jusqu’à rencontrer, au petit matin, des gentils paysans qui les auraient rapidement conduits aux autorités locales qui les ont secourus. Très touchant, n’est-ce pas? Sur les réseaux sociaux, on peut même voir un de ces otages faire un témoignage très instructif sur les conditions de leurs détentions. Apparemment, les 400 Mawozo les auraient traités aux petits oignons. Ils auraient même eu un menu à la carte à leur disposition, où ils pouvaient choisir leur plat du jour, y compris des plats bien américains, parait-il. Et, même si le reste du pays nageait en plein black-out la plupart du temps, ils auraient disposé du courant électrique, 24 sur 24, toujours selon le témoignage, dans un créole «roulé», de l’un d’entre eux sur les réseaux sociaux. Le miracle que feu le président Jovenel Moïse promettait au pays, eh bien, pour eux, il s’était matérialisé. Mieux encore, même si le confort moderne des toilettes hygiéniques tarde à faire tache d’huile en Haïti, tout particulièrement dans l’arrière-pays, eh bien oui, ces otages en auraient été bien pourvus. Rien à dire. Quelqu’un, quelque part, s’était fendu en quatre pour le leur fournir. Tout bien considéré, ces otages se seraient-ils retrouvés dans un «resort 5 étoiles», disons de préférence, «5 hibiscus», tout fourni, qu’ils n’y auraient vu aucune différence. L’histoire ne nous dit pas, cependant, s’ils avaient eu droit aussi à la télé câblée ou par satellite. Après tout, on ne peut pas couper totalement des nord-américains du monde civilisé, pendant plus d’un mois. Ce n’est pas humain de leur imposer cela. Les Mawozo sont peut-être des bandits, mais ce ne sont quand même pas des sauvages. Ils ont quand même une certaine classe, surtout celles et ceux qui ont fait leur stage dans ce domaine spécialisé, en pays étranger. Bon nombre d’entre eux seraient, paraît-il, des déportés rompus aux arcanes de la grande criminalité, telle que pratiquée avec tact dans nos sociétés bien plus avancées.

L’on comprend mieux, dès lors, que le Président Biden et le Premier Ministre Trudeau soient allés, la tête bien reposée, participer aux agapes de Glasgow, sans trop se préoccuper du sort de leurs concitoyens qu’ils savaient, sans doute, être en lieu sûr et surtout bien servis. À la longue, ce genre de traitement, inhabituellement soigné, devient insoutenable, même pour des Mawozo qui, n’y tenant plus, finissent par montrer le chemin de la sortie à leurs encombrants prisonniers. Imaginez un moment, plus de 400 Mawozo, plongés instantanément dans un long et profond sommeil, et une douzaine d’étrangers se faufilant dans la nuit noire, à travers les fourrés et la végétation rabougrie des environs du Morne Cabrit, jusqu’au petit matin, sans que leurs gentils tortionnaires ne s’en rendent compte ni ne se précipitent à la recherche de leurs précieux otages, ces poules-aux-œufs-d’or qui devaient leur rapporter, au bas mot, pas moins de 17 millions de dollars verts. Je vous le dis, c’est vraiment un miracle. Ils ont traversé, à pied et de nuit, le fief entier des Mawozo jusqu’à la liberté, jusqu’à l’autre Haïti, celle de la PNH un peu brouillonne, des autorités officielles, gaffeuses et des représentants des Corps diplomatiques tatillons mais qui se gardent bien de se mêler des affaires internes des gangs. Ces groupes de bandits sont dûment enregistrés et répertoriés par l’État et aussi par le BINUH. Sur leur territoire, ils mènent leurs affaires, font du «social» et «correspondent» avec l’étranger, d’où leurs proviennent armes et munitions, et aussi des contacts utiles. D’ailleurs, ces gangs, du moins certains d’entre eux, recevraient même des «octrois» de l’État, sans doute pour leurs bons services sociaux et leurs efforts de développement local. Et lorsqu’ils en seraient privés ou qu’il y aurait un retard dans le transfert des fonds qui leur seraient dus ou qui leur auraient été promis, alors ils ne sont pas contents du tout et ils le laissent savoir bruyamment, en faisant aller leur artillerie ou en augmentant le nombre de kidnappings. Alors, cela ne prend pas beaucoup de temps pour que l’État n’obtempère à leurs requêtes instantes. Voilà, en quelque sorte, le genre de dangereux criminels auxquels ces étrangers, qui baragouinent à peine le vernaculaire local, auraient pu échapper, sans encombre, sans égratignure et sans coup férir. Un miracle, je vous le dis, un vrai miracle, celui-là. À moins que cela ne soit qu’un autre coup monté, avec les experts de l’Oncle Sam. En tout cas, on l’aura échappé belle, une autre fois. Capitaine America n’aura pas eu besoin de venir faire son numéro avec Rambo et le Terminator, à la rescousse des pauvres otages, tout en massacrant deux ou trois d’entre eux en prime, à titre de dommages collatéraux, mais, par-dessus tout, pas sans avoir rasé toute la zone de Croix-des-Bouquets, pour ce faire. Généralement, ainsi sont faites les omelettes. Et tant pis pour la couvée, les oisillons et leurs parents qui n’ont pas su garder au nid et en bon ordre, les voyous qui s’en échappent pour aller créer le bordel aux alentours.

Mais le pays ne s’en sortira pas tout à fait indemne de ce mauvais pas. L’initiative du Président Biden est un signal clair de ses intentions de sanctionner cette impertinence. Oser kidnapper des honnêtes citoyens américains, qui mieux est, en mission d’entraide, de solidarité et de charité chrétienne ! Impardonnable! Quelqu’un va devoir payer pour cet affront. Et pour cela, il veut mettre à contribution les autres États qui, comme le sien, ont contribué, à un titre ou à un autre, à la dégradation de la situation sécuritaire dans notre pays. S’il est hors de question d’y envoyer son armée, cela ne veut surtout pas dire que les Mawozo emporteront leurs forfaits au paradis, sans rien payer en conséquence. Et tant qu’à faire le ménage, on pourrait certainement passer la vadrouille au complet, sans avoir à envoyer les fantassins sur le terrain. En 2022, une année électorale de mi-mandat, ce ne sera pas le moment d’encourir une quelconque égratignure à l’image des États-Unis, ce qui viendrait compromettre davantage un contrôle chambranlant du Parti Démocrate, au Capitole. Le Président Biden va donc le jouer de façon prudente et il va demander aux autres d’envoyer leurs ouailles au casse-pipe, si tant est il y en aurait un risque quelconque, dans ce pays. Quant aux fonds pour financer cette équipée, puisqu’on l’on pourrait se buter à l’intransigeance de la Chine et de la Russie dans le concert des Nations Unies, autant ne pas y recourir et se contenter de mettre à contribution les bons amis de la Démocratie dans le monde. Plusieurs se sont déjà avancés pour ne pas être contraints de faire face à une demande plus exigeante à laquelle ils auraient mauvaise grâce de refuser de souscrire. C’est le cas du Japon, par exemple, qui annoncerait déjà, en marge de cette réunion virtuelle au sommet, qu’il contribuera un montant de 3 millions de dollars pour construire des logements et d’autres installations, entres autres, médicales, destinées à accueillir les forces de l’ordre qui pourraient y avoir recours. Les Français, les Anglais et les Canadiens seraient en train de réfléchir à leur contribution spécifique pour renforcer la capacité des forces de l’ordre pour assurer la sécurité intérieure du pays. C’est d’ailleurs exactement ce que demanderait la représentation haïtienne à cette réunion. Le nouveau Chancelier haïtien a dérogé à la demande exprimée antérieurement par son prédécesseur, Claude Joseph, pour faire écho à celle clairement exprimée par le Premier Ministre a. i., Ariel Henry, lors de la cérémonie de graduation, le même jour, de la 31e promotion de policiers formés à l’Académie de la Police Nationale. Essentiellement, Haïti ne demande pas l’envoi d’un nouveau corps expéditionnaire militaire pour résoudre les problèmes d’insécurité posés par les gangs armés qui foisonnent au pays. Haïti a besoin d’une aide en équipements, en armes, en formation pratique, en conseillers techniques et en renseignement pour former sa police (et non pas son armée), de façon à s’occuper elle-même de ce problème. Mais ne nous y trompons pas: «chat konnen, rat konnen, barik mayi a ap ret la, fwa sa a.» C’est un peu le message des autorités américaines, à cette réunion au sommet. Certes, il faudra mettre la main à la poche pour renforcer la PNH, mais la gouvernance de ce nouvel appui ne sera confiée ni en tout ni en partie aux autorités haïtiennes. On avait bien compris le jeu des vases communicants qui se faisait auparavant. Les Américains disent avoir contribué des dizaines de millions de dollars au renforcement de la Police, seulement pour constater, après coup, que même des salaires n’avaient pas été versés aux membres de cette force, contribuant ainsi largement à leur démobilisation sur les terrains d’opération.

Une autre fois, le «vini vit», lancé par une autorité haïtienne, s’effectuera assez à retardement pour conforter celle qui lui aura succédé. Claude Joseph, Laurent Lamothe et consorts avaient appelé à une intervention musclée, tous azimuts, mais les Américains leur avaient répondu: très peu pour nous, merci. Pour eux, la situation ne nécessitait pas le déploiement de troupes militaires sur le terrain. Il s’agirait d’une affaire de police. Et quelques bons SWAT Teams devraient faire l’affaire. En attendant de constituer quelques équipes locales assez bien formées pour mener efficacement ces opérations, il resterait assez de Bérets Verts ou de Commandos SEAL, désaffectés ou en chômage technique, pour satisfaire ces exigences et remplir ces missions, bien sûr, sous contrat privé. Mais ne comptez surtout pas sur l’armée régulière américaine pour venir faire le sale boulot à notre place. Cela n’arrivera pas, particulièrement pas en cette année électorale.

Ainsi, cette période de NOËL s’ouvre avec un petit miracle: l’évasion invraisemblable des otages. Elle se poursuit en un montage international pour venir nous aider à nous délivrer des affres de nos gangs, fédérés par les bons soins de l’État, par le biais de la CNDDR, et avec la bénédiction de nos tuteurs du CORE Group, par l’intermédiaire du BINUH. Maintenant semble venir le temps de se défaire de nos bandits. Leur mandat serait rendu à terme. Certains d’entre eux ont le nez fin et semblent avoir déjà reçu le message 5 sur 5. Par exemple, on entend de moins en moins parler du chef du G-9. Jimmy Chérizier, ci-devant Barbecue, aurait compris, semble-t-il, que: «tout jwèt se jwèt men kwòchèt pa ladan l.» Il semble avoir laissé le podium aux autres Ti Lapli et consorts qui ne paraissent pas avoir décodé pleinement ce qui se prépare. Même Lanmò San Jou joue le jeu. Lui et sa troupe tout entière, ils faisaient dodo gentiment, lors de l’évasion rocambolesque des otages des Christian Aid Ministries dans les hauteurs du Morne Cabrit, dans la nuit étoilée et fraîche du 15 au 16 décembre. Les 400 Mawozo, eux aussi, ont compris le message: «zòrèy pa fèt pou pi long pase tèt.» Ils se souviennent encore de la mésaventure de leur aîné sur ce parcours périlleux, un certain «Grenn Sonnen». Ils se souviennent, ils ont compris et en ont pris bonne note. C’est ainsi qu’on parvient à durer, si l’on veut faire de vieux os dans ce métier dangereux.

Pour sa part, la CEH a déjà commencé à leur baliser la voie de sortie. Se regarder, les yeux dans les yeux, entre victimes et assassins, entre proies et prédateurs, puis demander et obtenir le pardon des offenses, sans contrepartie, sans pénalité, sans même une contrition des offenses. Et quelles offenses! Meurtres, viols, kidnappings contre rançon, suivis parfois d’assassinat malgré paiement, vols et détournements, terrorisme et grand banditisme. Tout cela et encore bien d’autres crimes, crimes de sang, crimes d’argent, perpétrés aux dépens d’un pays exsangue et dont la population est aux abois, livrée à la criée publique et aux aléas de l’aide internationale. Tout cela leur sera pardonné en se gardant bien de leur exiger de rembourser quoi que ce soit aux victimes qui le resteront pour le restant de leur vie et pendant encore plusieurs générations. C’est aussi cela, la Cour des Miracles, le Miracle de NOËL qui accompagne le pays et notre population en ces temps de fêtes de fin d’année. Qui sait ! Peut-être qu’à ce prix exorbitant, des temps meilleurs seront au détour de cette année qui laisse, derrière elle, un cortège de martyrs de tous ordres. Je ne demande qu’à le croire. Au demeurant, j’ai toujours été un peu Thomas, sur les bords. Je veux tâter d’abord, toucher du doigt avant de pouvoir croire. Je veux voir la lumière, au bout de ce tunnel interminable, éclairer cette terre pour l’exorciser enfin de toutes ces atrocités qui s’y sont abattues, de toutes nos errances qui nous y ont conduits.

Pierre-Michel Augustin

le 21 décembre 2021

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