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L’étapisme, en politique, un moyen comme un autre pour arriver à ses fins

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Lorsqu’on n’a pas les moyens de franchir un obstacle, on doit parfois se servir d’une échelle pour l’escalader, une marche à la fois, étape par étape. Certes, entre deux points, la ligne droite restera le plus court chemin, à moins qu’au travers il n’y ait des obstacles infranchissables pour les moyens à notre portée. Alors, à défaut d’une échelle, d’une corde ou d’autres expédients du même genre, pour parvenir à les franchir, il nous faudra user d’astuces, quitte à emprunter un trajet un peu plus long, s’il le faut, des chemins détournés, à l’occasion, pour atteindre notre destination ultime. C’est ainsi que j’évalue, aujourd’hui, la signature par bon nombres d’opposants, de l’Accord pour une Gouvernance Apaisée et Efficace pour la Période Intérimaire, qu’a proposé le Premier Ministre de facto, Ariel Henry, à une pléiade d’acteurs politiques qui ont accepté de se commettre en le paraphant, afin de débroussailler le sentier et de poser les premiers jalons sur la voie du retour du pays à la normalité constitutionnelle.

Il est plus que vraisemblable que certaines des propositions d’Accord politique, qui se sont multipliées, ces dernières semaines, soient plus crédibles, plus méritoires que celle proposée par Ariel Henry, sauf que la sienne avait l’avantage d’émaner du pouvoir en place et de détenir la capacité de faire aboutir, effectivement et assez rapidement, certaines revendications maintes fois reprises par tous les secteurs politiques se réclamant de l’opposition. Prenons, par exemple, le renvoi de ce CEP non crédible, décrié par tous les acteurs de l’opposition et même par certains du pouvoir. C’était une condition essentielle pour amorcer un début de déblocage du processus de normalisation de la situation. La signature de cet Accord avec le PM de facto, Ariel Henry, était un acte de foi dont la matérialisation effective de certains éléments, dans l’immédiat, devait se faire rapidement, pour donner corps à cet Accord. Car, «comme le corps sans âme est mort, de même la foi sans les œuvres est morte,» disent les Saintes Écritures. (Jacques 2 : 26) Et les chantiers, en vue de construire sur cette foi fragile, professée sans grand enthousiasme par certains, et avec la plus grande circonspection par d’autres, ont commencé, tranquillement, tentativement.

D’abord, il y eut la révocation des trois mousquetaires, partisans jusqu’au-boutistes de la soi-disant orthodoxie «jovenélienne». Je veux parler du Commissaire de gouvernement de Port-au-Prince, Me Bed-Ford Claude, de son ministre de tutelle, Me Rockfeller Vincent, et du Secrétaire Général du Conseil des Ministres, M. Rénald Lubérice. Tous les trois, au nom de cette orthodoxie, menaient un combat d’arrière-garde et tentaient, par tous les moyens, de saper cette initiative qui, si elle réussissait, menaçait leur projet de prolonger et de consolider la mainmise de l’aile «jovenélienne» du PHTK sur les leviers du pouvoir politique au pays. Pour une fois, la logique rationnelle a prévalu. Non, en définitive, ce n’est pas la queue qui brasse le chien, juste le contraire, comme de raison. Exit donc, pour les trois mousquetaires, le PM leur a montré la sortie. Et ainsi il en fut fait. Mais le nettoyage n’est pas terminé, loin s’en faut, car il lui faut désamorcer les mines politiques, semées comme autant d’embûches sur sa route, les unes après les autres, et livrer la commande, si le PM de facto veut garder en vie cet Accord arraché de haute lutte.

Cette première étape passée, en dépit des dénonciations opportunes et des tentatives de barrage de dernière minute du Secrétaire Général du Palais National, M. Lyonel Valbrun, il fallait publier dans Le Moniteur, le fameux «Accord Politique pour une Gouvernance Apaisée et Efficace pour la Période Intérimaire». Si c’était un tour de force, pour le Dr. Ariel Henry, d’obtenir la signature de ce document par une kyrielle de partis et de regroupements d’acteurs politiques (169), c’eut été quand même un échec de ne pouvoir l’officialiser dans Le Moniteur. Vint alors la lettre de M. Lyonel Valbrun, au Directeur des Presses Nationales, M. Ronald St-Jean, le sommant de ne publier, dorénavant, que les documents que lui-même, en sa qualité de Secrétaire Général du Palais National, lui aurait transmis, pour fins de publication officielle. Il va jusqu’à tancer, à la fois, le Ministre de la Communication, M. Jean Emmanuel Jacquet et même le Premier Ministre de facto, Dr. Ariel Henry, pour cette publication qu’il estime «illégale et abusive car elle ne rentre pas dans le champ des attributions constitutionnelles, régies par l’article 158 de la Constitution». Non content de tout cela, il en remet une couche en faisant la leçon au Premier Ministre de facto quant à «sa première mission, aux termes de l’article 149 de la Constitution de la République, (qui) est d’organiser des élections permettant d’assurer la Gouvernance légitime du pays.» Mais son geste fut vain et sa lettre, tardive. Le cheval était déjà sorti de l’écurie. L’Accord, paru dans Le Moniteur, était désormais officiel et liait le gouvernement aux dispositions y relatives, à moins d’un renversement, toujours possible, des rapports de forces, pour le moment encore, en faveur du Dr. Henry. Parions que M. Valbrun ne tardera pas à rejoindre la confrérie des jovenélistes en disgrâce, en rupture de ban avec une variante du pouvoir que le défunt président Moïse a instigué lui-même, en jetant son dévolu sur le neurochirurgien, pour faire écran. Déjà, Me Jean Tolbert Alexis, ancien Président de la Chambre basse, s’est positionné en adversaire de M. Valbrun et a dénoncé ces correspondances dérogatoires du Secrétaire Général de la Présidence. En effet, l’ancien député de la commune de Croix-des-Bouquets considère que ce dernier «n’a pas le droit de faire injonction» au Chef du Gouvernement.

En dépit de ces protestations de M. Valbrun, les Arrêtés continuent d’affluer au journal officiel de l’État et d’être publiés dans Le Moniteur. Le dernier en date est arrivé, hier. En effet, le lundi 27 septembre, un numéro spécial de Le Moniteur informe le public du renvoi pur et simple des membres du CEP, installé inconstitutionnellement par l’Arrêté du 18 septembre 2020. Donc, un an plus tard, et quelques millions de dollars dépensés en pure folie, la bande à Mésadieu tire enfin sa révérence et fait, à contre-cœur, ses adieux à cette institution stratégique pour le renouvellement de nos élus. Mme Guylande Mésadieu, la présidente, en poste jusqu’à hier, de ce CEP décrié presqu’à l’unanimité, en menait large aussi, ces derniers temps, tout comme ces quatre pistoleros mentionnés plus haut. Elle s’était même permise de rappeler à l’ordre l’actuel Premier Ministre de facto, lui disant qu’il faisait fausse route en estimant que le CEP qu’elle présidait manquait de légitimité. En réalité, il lui manquait également une certaine cohérence programmatique. Après tout, ce CEP en était rendu à son troisième ou quatrième report des élections et du fameux référendum. On y bricolait des calendriers, à la petite semaine, qui ne semblaient pas tenir compte des contraintes logistiques, impératives et incontournables, pour la bonne marche de ces exercices électoraux et référendaires. Personne ne sait au juste combien tout cela aura coûté à l’État, entre-temps. Tout comme, personne ne sait encore combien il nous en coûtera pour rétablir nos listes électorales et doter la population d’une carte d’identité autrement plus crédible que celle que Martine nous a léguée avec la DERMALOG.

Néanmoins, le «nettoyage des incuries» de Jovenel Moïse avance, tranquillement, à pas mesurés. Maintenant que le Comité Consultatif Indépendant, chargé de réécrire la Constitution, aurait finalement remis une énième mouture de sa profonde réflexion au Premier Ministre de facto, qu’il plaise donc à ce dernier de les en remercier chaleureusement et de les «libérer» également, avec grande effusion, s’il vous plait, pour leur contribution inestimable à la sauvegarde et à la stabilité éventuelles de la patrie. Et que grand bien leur fasse, à l’ex-Président Provisoire, Me Boniface Alexandre et à ses comparses qui ont collaboré à cette autre farce toute «jovenélienne». Tournons vite la page sur ces messieurs et dame, et renvoyons-les à leurs pompes et à leurs œuvres. Et puis, hop! Publions vite un autre Arrêté pour nous en défaire, une bonne fois pour toute. Plus vite on le fera, plus vite on coupera dans nos frais en pure perte, ou presque, à payer ces éminents penseurs pour leurs cogitations en circuit fermé et dont le produit est décrié à l’avance, pour avoir mal engagé le processus, dès le départ.

J’ai hâte de passer aux autres étapes, notamment à la libération des prisonniers politiques et à la constitution d’un nouveau gouvernement intérimaire. En ce qui concerne la libération des prisonniers politiques, il conviendra de mettre à contribution les organismes de défense de droits humains, pour nous assurer de ne libérer, effectivement, que des prisonniers politiques et non pas des criminels de droit commun et des bandits de grand chemin, par la même occasion. La société en a déjà assez avec celles et ceux qui sévissent encore dans nos rues. Il faudra donc s’assurer que celles et ceux que nous avons mis hors d’état de nuire, le demeurent, en attendant que leurs collègues, qui traînent dans la Cité, ne les rejoignent en taule ou fassent le grand saut vers l’Éternité, pour ne plus revenir hanter les paisibles citoyennes et citoyens. C’est selon, et laissons-en leur le choix. Nos prisons regorgent de détenus. Ils sont au nombre d’environ 11 000, selon le dernier rapport de Human Rights Watch, daté de septembre 2021. 78% d’entre eux n’ont pas encore comparu devant leur juge naturel et demeurent donc en prison, sans jugement, en dehors des prescriptions de la loi, pour des raisons diverses. Mais cela ne veut absolument pas dire qu’ils devraient tous bénéficier d’un élargissement à titre de prisonniers politiques. J’insiste: seuls celles et ceux qui sont détenus pour causes politiques, effectivement, devraient être éligibles à cette mesure. Pour les autres, on devrait convenir d’une manière pour expédier les procédures, afin de ne garder incarcérés que celles et ceux qui le doivent, et après un jugement dûment prononcé.

Cependant, le nœud de vipères sera certainement la constitution d’un nouveau gouvernement, avec la bénédiction des signataires dudit Accord pour une Gouvernance Apaisée et Efficace. Bien des écueils l’attendent déjà au détour. Pour un, l’actuel Protecteur du Citoyen, Me Renan Hédouville, généralement abonné absent lors de récents massacres ou spectateur timoré dans les estrades, s’est découvert récemment une nouvelle mission: la défense avec plus de ferveur et la protection des citoyennes et des citoyens que kidnappent des bandits, à cœur de jour et n’importe où au pays: à deux pas du Palais National, devant l’Église de la rue de la Réunion, à Lalue, à Pacot, devant une banque. Pourtant, cela fait plus de quatre ans que la population endure cette situation mais elle vient juste de devenir insoutenable, aux yeux du Protecteur qui en impute la responsabilité au Premier Ministre de facto actuel et aux cosignataires dudit Accord qui auraient dû régler ce problème, aujourd’hui devenu endémique au pays, en deux temps et trois mouvements. Après tout, cela fait déjà 17 jours qu’il a été entériné. Il est donc grand temps qu’on en récolte les fruits. Bien dit, Me Hédouville ! Un peu tardif mais c’est quand même un bon point. Et dire que le bon Protecteur des Citoyens n’y avait pas prêté beaucoup d’attention depuis tout ce temps qu’il est en poste, depuis effectivement le 27 octobre 2017, bientôt quatre ans ! Mais mieux vaut tard que jamais. Soit dit en passant, c’en est un autre qui s’ajouterait bien à la bande de pistoleros mentionnés plus haut. Au lieu de s’occuper de protéger les Citoyens, comme c’est spécifiquement sa responsabilité et qu’il le découvre aujourd’hui, ne voilà-t-il pas qu’il était allé s’ériger en juge constitutionnel, pour donner son avis sur la constitutionnalité de ce référendum et sur la validité du travail dudit Comité Consultatif Indépendant. On aura tout vu.

Parmi les décisions attendues prochainement et qui sont plus ou moins facilement réalisables, il y a donc la libération des prisonniers politiques, les vrais, le renvoi pur et simple dudit Comité Consultatif Indépendant, la formation d’un autre CEP plus consensuel et crédible. Néanmoins, la formation d’un nouveau gouvernement de consensus sera certainement tout un défi à relever. Les paris sont ouverts et les délais courent inexorablement. Le succès de départ de cette initiative d’apaisement politique et social sera, chaque jour, remis en question, tant que la question sécuritaire ne sera pas résolue, d’une façon ou d’une autre. Pour une fois, j’ai un peu l’impression que le pays bouge un tant soit peu dans la bonne direction. Tout le monde ou presque semble approuver le renvoi du CEP de Mme Mésadieu. Cela n’avait que trop tardé. Mais, il faudra s’armer de patience et de courage car longue et ardue sera cette route sinueuse de l’étapisme politique. Chaque petite victoire compte et nous rapproche, étape par étape, de l’objectif ultime: le retour éventuel à la normalité constitutionnelle et au rétablissement de nos institutions, de toutes nos institutions.

Pierre-Michel Augustin

le 28 septembre 2021

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