Burkina Faso : pourquoi plusieurs ONG étrangères sont brusquement interdites d’exercer ?
Le Burkina Faso a suspendu plusieurs ONG étrangères pour non-respect de la convention d’établissement. Officiellement administrative, cette décision révèle une volonté politique plus large de contrôle et de recentrage souverain dans un pays en pleine reconfiguration diplomatique.
Au Burkina Faso, les autorités ont récemment révoqué l’autorisation d’exercer de près d’une dizaine d’organisations non gouvernementales (ONG) et d’associations internationales. Cette décision, prise par le ministère de l’Administration du territoire, est annonciatrice d’un durcissement notable du régime envers les acteurs de la coopération internationale. Officiellement, ces structures n’auraient pas respecté une obligation administrative pourtant essentielle : la signature de la convention d’établissement. Une formalité qui, dans ce contexte tendu, devient un levier de contrôle politique.
Une convention obligatoire ignorée ou négligée
Au cœur de la controverse, la fameuse “convention d’établissement”, un document juridique qui conditionne l’exercice légal de toute organisation étrangère sur le sol burkinabè. D’après le ministre Emile Zerbo, les associations visées n’ont pas respecté cette obligation, soit en omettant de signer la convention, soit en négligeant de la renouveler dans les délais requis. Cette rigueur administrative intervient dans un climat politique caractérisé par une volonté affichée de reprendre la main sur tous les secteurs, y compris celui de l’aide humanitaire et de la coopération internationale.
Parmi les structures visées figurent des noms bien connus du paysage humanitaire et du développement international. C’est notamment le cas de la Fondation Appel de Genève (Geneva Call), du Tony Blair Institute (ORGIIS Ghana) ou encore de l’Institut de recherche sur la paix au Sahel. Ces entités, souvent actives dans des domaines sensibles comme la consolidation de la paix ou la gouvernance démocratique, voient leurs activités brutalement stoppées. Déjà, en juin dernier, une première vague de suspensions avait touché plus d’une dizaine d’ONG pour les mêmes raisons.
Un « ménage » assumé dans le secteur associatif
Du côté des autorités, cette série de révocations est assumée comme un « ménage » nécessaire. Selon une source gouvernementale à Ouagadougou, il s’agit de remettre de l’ordre dans un secteur jugé parfois trop opaque ou incontrôlé. Ce discours s’inscrit dans une logique de souveraineté accrue, souvent mise en avant par le régime du capitaine Ibrahim Traoré. La suspension récente de la Communauté de Saint Egidio et de l’ONG Diakonia, pour une durée de trois mois, témoigne d’un climat général de défiance croissante à l’égard des structures étrangères.
Au-delà de l’aspect administratif, cette décision envoie un signal politique clair aux partenaires internationaux : l’État burkinabè entend désormais imposer ses règles sans compromis. Cela pose un jalon supplémentaire dans la redéfinition des rapports entre le Burkina Faso et les acteurs extérieurs.
Élection présidentielle camerounaise 2025 : Paul Biya candidat, le corps électoral convoqué pour le 12 juillet
Le Président du Cameroun, Paul Biya
Alors que la campagne d’inscription sur les listes électorales bat son plein, la candidature du président sortant Paul Biya vient d’être officiellement confirmée par Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence. Cette annonce intervient quelques jours avant la convocation officielle du corps électoral prévue pour le 12 juillet 2025.
La convocation du corps électoral camerounais a été officiellement confirmée pour le 12 juillet 2025, date qui ouvre de façon officielle le calendrier électoral et marque la fin des inscriptions sur les listes électorales, soit exactement trois mois avant l’élection présidentielle d’octobre. Cette annonce intervient au moment où ELECAM, l’agence électorale du Cameroun, multiplie les points d’inscription dans le pays, accompagnée par de nombreuses initiatives citoyennes qui mobilisent massivement pour l’inscription des électeurs camerounais.
Une stratégie de proximité sans précédent pour l’inscription des électeurs
L’agence électorale ELECAM déploie une stratégie de proximité sans précédent à travers le territoire : centres de santé, marchés, carrefours… À quelques jours de la clôture du processus d’inscription, les agents d’ELECAM occupent le terrain. Le processus électoral suit un calendrier précis et contraignant, cette convocation marque un tournant décisif dans la préparation de l’élection présidentielle.
Les mouvements citoyens « cartes d’électeurs » et « protège ton vote » intensifient leurs campagnes nationales, une stratégie qui s’articule autour de quatre axes : la campagne porte effectivement sur l’inscription massive sur les listes électorales, le deuxième point consiste à ce que les gens récupèrent leur carte d’électeur, le troisième point vise à ce que les gens aillent massivement voter et le quatrième point encourage les citoyens à s’engager à surveiller leur vote.
Paul Biya officiellement candidat : la pré-campagne électorale s’ouvre
Cette convocation s’effectue dans la foulée de la candidature de Paul Biya, officiellement confirmée par Ferdinand Ngoh Ngoh, secrétaire général de la présidence du Cameroun, ce samedi lors d’une réunion avec des élites politiques de la région du Sud. Déclarant avec fermeté que Paul Biya sera candidat à l’élection présidentielle d’octobre 2025, cette annonce attendue ouvre officiellement la pré-campagne électorale camerounaise.
Avec assurance, le secrétaire général de la présidence de la République a déclaré : « En octobre, le président Paul Biya fera un raz-de-marée dans le Sud », soulignant l’ancrage régional qu’il attribue au président sortant. Cette déclaration intervient après des consultations politiques intenses menées ces derniers jours par le secrétaire général de la présidence, qui a multiplié les rencontres avec des membres du gouvernement et des parlementaires issus de diverses régions du Cameroun. Ces concertations s’inscrivent dans la phase de préparation des stratégies électorales du parti au pouvoir, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), en vue du scrutin présidentiel.
La confirmation de la candidature de Paul Biya par un acteur clé de la présidence était attendue par de nombreux observateurs politiques. Cette confirmation ouvre la voie à l’intensification des activités des différents acteurs en lice pour la magistrature suprême.
Le timing de cette annonce, quelques jours avant la convocation du corps électoral prévue pour le 12 juillet, témoigne de la stratégie politique minutieusement orchestrée par l’équipe présidentielle. Dès lors, une question se pose : avec cette candidature tant attendue, la course à la présidence du Cameroun va-t-elle redistribuer les cartes sur la scène politique ?
La Guinée sous l’emprise de la peur
Un an après la disparition forcée de deux militants du FNDC, la répression s’intensifie en Guinée. Journalistes, avocats et opposants politiques sont systématiquement ciblés par des enlèvements et des actes de torture. Face au silence des autorités, 25 organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, tirent la sonnette d’alarme sur ce « climat de terreur » qui paralyse la société civile guinéenne.
Un an jour pour jour après la disparition forcée d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, deux figures emblématiques du Front national de défense de la Constitution (FNDC), la Guinée s’enfonce dans une spirale répressive inquiétante. Le 9 juillet 2024, ces deux militants ont été arrachés à leurs proches par des hommes armés au domicile d’Oumar Sylla à Conakry, avant d’être emmenés vers l’archipel des îles de Loos par les forces spéciales. Depuis, le silence des autorités est total.
Cette disparition forcée marque un tournant dans la dégradation des droits humains en Guinée. Selon Amnesty International et 24 autres organisations de défense des droits humains, les autorités guinéennes maintiennent « un silence insupportable » sur le sort de ces deux hommes, sans qu’aucune preuve tangible d’enquête sérieuse n’ait été apportée malgré les promesses officielles.
La multiplication alarmante des cas
Le cas d’Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah n’est malheureusement pas isolé. Le 3 décembre 2024, c’est au tour du journaliste Habib Marouane Camara, administrateur général du site d’information Le Révélateur, d’être enlevé à Lambanyi par des hommes en uniforme. Malgré la reconnaissance par le parquet de Dixinn que cette arrestation a été « effectuée sans ordres des autorités établies et hors les cas prévus par la loi« , ses proches restent sans nouvelles.
Plus récemment encore, en 2025, la répression s’est intensifiée avec des cas d’enlèvements suivis d’actes de torture. Abdoul Sacko, coordinateur national du Forum des forces sociales de Guinée, a été enlevé le 19 février 2025 puis retrouvé le même jour « dans un état critique, torturé et abandonné par ses ravisseurs en brousse« , selon ses avocats. Mohamed Traoré, ancien bâtonnier de l’Ordre des avocats de Guinée, a subi un sort similaire en juin 2025, retrouvé « le dos couvert de blessures » après avoir été enlevé à son domicile.
Un système de terreur organisé
Ces enlèvements et disparitions ne sont pas des actes isolés mais s’inscrivent dans ce que le Barreau de Guinée qualifie de « climat de terreur qui s’installe progressivement« . Les témoignages recueillis par les organisations de défense des droits humains dressent un tableau glaçant de la situation.
Un avocat confie : « Depuis que j’ai commencé à défendre certaines personnes critiques du gouvernement, j’ai reçu au moins quatre appels confirmant que je suis sur la liste des personnes dont l’enlèvement est planifié. » Un défenseur des droits humains raconte avoir été alerté par des contacts au sein du système judiciaire qu’il serait « le prochain sur la liste » après avoir dénoncé l’enlèvement de Mohamed Traoré.
Face à ces menaces, nombreux sont ceux qui vivent dans la clandestinité. Un cadre d’un parti d’opposition vit caché depuis plusieurs mois, changeant fréquemment de domicile et d’itinéraire. Cette stratégie de la peur paralyse efficacement toute forme d’opposition ou de critique du pouvoir en place.
L’inaction complice des autorités
Malgré les annonces répétées d’ouverture d’enquêtes « minutieuses et complètes » par le procureur général, aucun résultat concret n’a été communiqué. Cette absence de réaction des autorités judiciaires, dénoncée par le Barreau de Guinée, alimente les soupçons sur l’implication directe ou indirecte de l’appareil d’État dans ces exactions.
Le contexte politique guinéen éclaire cette dérive autoritaire. Le FNDC, dissous en 2022, militait pour un retour à un régime civil. Oumar Sylla, son coordinateur national, avait appelé à manifester le 11 juillet 2024 contre la répression des médias et la cherté de la vie, quelques jours seulement avant sa disparition.
Face à cette situation alarmante, 25 organisations guinéennes et internationales de défense des droits humains, dont Amnesty International, lancent un appel pressant aux autorités. Elles exigent que la lumière soit faite sur tous les cas d’enlèvements et de disparitions à travers des enquêtes « rapides, indépendantes et transparentes« .
Ces organisations demandent également à la Guinée de ratifier sans réserve la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, et de respecter ses engagements pris devant le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en avril 2025.
Une démocratie en péril
La multiplication des enlèvements, disparitions forcées et actes de torture en Guinée révèle une dérive autoritaire profonde qui menace les fondements mêmes de l’État de droit. Le ciblage systématique des voix critiques – qu’il s’agisse de militants politiques, de journalistes, d’avocats ou de défenseurs des droits humains – dessine les contours d’un régime qui ne tolère aucune forme de dissidence.
L’impunité dont bénéficient les auteurs de ces crimes renforce le sentiment d’insécurité et d’abandon ressenti par la population. Sans une réaction forte de la communauté internationale et une mobilisation continue de la société civile, la Guinée risque de s’enfoncer davantage dans cette spirale répressive.
Togo : une enquête judiciaire ouverte après des décès suspects lors des manifestations
Cinq corps retrouvés à Lomé dans un contexte de manifestations violemment réprimées : les autorités togolaises ouvrent une enquête judiciaire. Tandis que le pouvoir évoque des noyades, l’opposition et la société civile pointent du doigt des exactions possibles des forces de sécurité.
Au Togo, les manifestations de juin contre la réforme constitutionnelle de 2024, la hausse du prix de l’électricité et les arrestations d’opposants continuent de faire des vagues. Ce 6 juillet, le parquet a annoncé l’ouverture d’une enquête judiciaire après la découverte de cinq corps dans deux cours d’eau de Lomé. Les autorités évoquent des décès par noyade, tandis que la société civile et l’opposition soupçonnent une implication des forces de sécurité.
Des corps repêchés dans des conditions troublantes
Le procureur de la République, Talaka Mawama, a détaillé les faits à la télévision nationale. Le 27 juin, deux jeunes Béninois de 23 et 25 ans ont été retrouvés sans vie dans le quatrième lac d’Akodessêwa. Selon les constatations initiales, ils seraient morts par noyade 48 heures avant les premières manifestations. Le même jour, deux autres corps ont été repêchés dans la lagune de Bè : un élève de troisième, immédiatement inhumé par sa famille sans autopsie, et un adolescent de 15 ans dont une expertise médico-légale a confirmé la noyade. Le 28 juin, un cinquième corps, celui d’un Gabonais de 21 ans, a également été retrouvé dans la même lagune.
Face à l’émoi provoqué par ces décès, une enquête contre X a été officiellement ouverte. L’opposition et plusieurs ONG, dont Amnesty International, demandent des investigations indépendantes. Elles dénoncent aussi un usage excessif de la force lors des manifestations, ainsi que des arrestations arbitraires et des violences commises par des miliciens pro-régime. Certains estiment que le bilan officiel est sous-évalué et évoquent au moins sept morts liés aux protestations.
Un climat politique de plus en plus tendu
Depuis le début du mois de juin, 114 manifestants ont été arrêtés, d’après le parquet. Dix-huit d’entre eux ont été condamnés à un an de prison, dont onze mois avec sursis. Neuf autres sont toujours détenus. Alors que le procureur accuse les manifestants d’avoir attaqué les forces de l’ordre, les leaders de la contestation appellent à de nouvelles mobilisations. Deux journées de manifestation sont prévues les 16 et 17 juillet, cette dernière date coïncidant avec des élections municipales controversées, que l’opposition souhaite reporter.
Le Togo traverse une période de tension politique exacerbée, où la défiance envers les institutions s’amplifie. Alors que l’enquête sur les cinq morts est en cours, la société civile reste vigilante, réclamant vérité et justice. Dans un pays marqué par des décennies de pouvoir sans partage, cette affaire pourrait raviver les frustrations populaires et renforcer la contestation face au régime de Faure Gnassingbé.
Kenya : attaque armée contre la Commission des droits humains en pleine conférence de presse
Alors que la société civile kényane s’apprêtait à célébrer la Journée Saba Saba, symbole de la lutte pour la démocratie, une attaque armée contre la Commission des droits humains a choqué le pays.
L’attaque, survenue le 6 juillet à Nairobi, illustre la tension croissante autour des droits civiques dans un Kenya en proie à des manifestations massives contre la corruption et les violences policières. Ce climat explosif révèle les fractures profondes d’un État sous pression.
Un assaut brutal à la veille d’un jour symbolique
Dimanche matin, une dizaine d’individus, certains armés de bâtons et de gourdins, ont fait irruption au siège de la Commission kényane des droits humains, alors qu’une conférence de presse s’apprêtait à dénoncer les brutalités policières. Malgré la porte verrouillée, les assaillants ont forcé l’entrée et accusé les participants d’« organiser des manifestations ». Le groupe a non seulement menacé les personnes présentes, mais aussi volé du matériel, notamment des ordinateurs et un système de sonorisation. Cette attaque survient à la veille du « Saba Saba », célébration annuelle du combat pour le multipartisme, ravivant de douloureuses réminiscences des années 1990.
Au Kenya, ces groupes armés sont communément appelés « goons », des bandes soupçonnées d’être rémunérées pour perturber les mobilisations citoyennes. Depuis plusieurs semaines, les manifestations contre la gouvernance de William Ruto sont fréquemment visées par ces milices. Le 17 juin, des centaines d’hommes à moto avaient déjà attaqué des manifestants, armés de fouets, sous la protection apparente des forces de l’ordre. Cette complicité présumée entre les autorités et ces milices alimente une colère populaire de plus en plus difficile à contenir. Selon l’ONG Women’s Collective, co-organisatrice de la conférence de dimanche, l’attaque n’est rien d’autre qu’une nouvelle stratégie d’intimidation pour faire taire les critiques.
Une répression qui renforce la contestation
Depuis un an, le Kenya connaît une vague sans précédent de contestations populaires. À l’origine : une loi budgétaire controversée, perçue comme injuste par une population déjà accablée par la stagnation économique et la corruption. Ces mobilisations ont culminé le 25 juin avec l’invasion du Parlement par des manifestants, durement réprimée par les forces de sécurité. Résultat : 19 morts, des centaines de blessés, et une réaction internationale inquiète. L’ONU s’est dite profondément préoccupée par « l’usage excessif de la force », tandis que les groupes de défense des droits humains dénoncent une stratégie délibérée de terreur. L’attaque contre la Commission s’inscrit dans cette logique de dissuasion brutale.
La résonance historique de cette attaque est lourde. En visant la Commission à la veille du « Saba Saba », le pouvoir semble renouer avec les méthodes autoritaires de l’ère Moi, marquée par la répression féroce des opposants. Mais comme le rappelle l’analyste Gabrielle Lynch, le contexte a changé : les Kényans sont désormais plus informés, connectés, et conscients de leurs droits. Les réseaux sociaux, aujourd’hui omniprésents, amplifient les voix dissidentes et rendent plus difficile la dissimulation des abus. Pourtant, le gouvernement Ruto, héritier politique de Moi, semble vouloir raviver une époque révolue, au risque de faire exploser une société déjà sur le fil.
Fousseynou Cissé sauve six personnes et rejoint Mamoudou Gassama au panthéon des héros de Paris
Sept ans après l’exploit de Mamoudou Gassama, un nouveau héros malien fait sensation dans la capitale. Fousseynou Cissé, 39 ans, a risqué sa vie pour sauver une famille entière lors d’un incendie dans le 18e arrondissement, ravivant le débat sur la reconnaissance des migrants qui s’illustrent par leur courage.
Le vendredi 4 juillet 2025, vers 17 heures, un incendie se déclare dans un immeuble du 49 rue de la Chapelle, dans le 18e arrondissement de Paris. Au sixième et dernier étage, six personnes – deux mères de famille, deux enfants et deux bébés – se retrouvent piégées par les fumées toxiques qui envahissent leur appartement.
C’est alors que Fousseynou Cissé, 39 ans, voisin malien de l’immeuble, accomplit un geste d’une bravoure exceptionnelle. Après être sorti par la fenêtre d’un appartement voisin, il s’installe en équilibre sur une rambarde en zinc qui relie les deux appartements à 20 mètres du vide, afin d’évacuer les sinistrés piégés par les fumées toxiques.
« Ce n’était pas calculé, c’est le cœur qui te dit : il faut y aller. Et du coup, moi, j’ai sauté pour leur venir en aide », témoigne-t-il auprès de franceinfo. Les images de son sauvetage, filmées par des témoins, deviennent rapidement virales sur les réseaux sociaux.
Les origines d’un héros
Fousseynou Cissé, âgé de 39 ans, est détenteur d’un titre de séjour et travaille comme agent d’accueil contractuel dans des collèges et établissements de la Ville de Paris. « Si tu n’as pas la nationalité (française), tu n’es pas embauché« , confie-t-il, regrettant sa situation administrative qui l’empêche d’obtenir un poste stable. Interrogé sur ses souhaits après son geste héroïque, il espère « que ça pourrait décoincer la situation, et que ça se décante« , afin d’être embauché par la Ville de Paris.
L’acte de courage de Fousseynou Cissé n’est évidemment pas passé inaperçu. Le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’il sera décoré pour « acte de courage et de dévouement« , une médaille destinée à marquer de tels actes lors d’opérations de sauvetage. « Fousseynou Cissé est un héros ! Par son courage exceptionnel et son sang froid, il a sauvé la vie d’une famille entière piégée par les flammes dans un appartement du 18e. Il fait la fierté de Paris ! Notre reconnaissance est immense« , a salué la maire de Paris Anne Hidalgo.
Plus symbolique encore, Emmanuel Macron lui-même a appelé Fousseynou Cissé pour le remercier et le féliciter. Le président l’a également invité au défilé du 14 juillet.
L’écho de Mamoudou Gassama
Mamoudou Gassama, survenue le 26 mai 2018. Le jeune Malien de 22 ans, originaire du village de Yaguine dans la région de Kayes, était alors sans papiers et avait escaladé à mains nues quatre étages d’un immeuble parisien pour sauver un enfant de 4 ans suspendu dans le vide.
Son exploit, immortalisé par une vidéo devenue virale, lui avait valu le surnom de « Spider-Man » et une réception à l’Élysée par Emmanuel Macron. Mamoudou Gassama avait obtenu la nationalité française le 12 septembre 2018 et reçu son décret de naturalisation le 6 novembre 2018.
Des parcours parallèles, des destins incertains
Les similitudes entre ces deux histoires sont frappantes : deux hommes originaires du Mali, résidant dans le 18e arrondissement de Paris, accomplissant des actes héroïques en escaladant des façades pour sauver des vies. Tous deux en situation administrative précaire au moment de leur exploit, tous deux reconnus et décorés par l’État français.
Cependant, l’avenir de ces héros reste incertain. Mamoudou Gassama, malgré sa naturalisation, n’a pas pu poursuivre sa carrière de pompier faute du brevet des collèges et en raison d’une pathologie incompatible. En 2021, trois ans après son exploit, il alternait entre chômage et travail précaire.
Pour Fousseynou Cissé, l’histoire s’écrit encore. Son geste héroïque soulève les mêmes questions que celui de son compatriote : comment la société française reconnaît-elle et accompagne-t-elle ceux qui incarnent ses valeurs les plus nobles, indépendamment de leur origine ? « Il a donné à deux familles une nouvelle vie » témoigne l’une des rescapées. Reste à savoir si la France saura donner à Fousseynou Cissé les moyens de construire pleinement la sienne.