Ariel Henry n’a pris «aucune disposition» pour la prise de fonction d’un président élu, le 7 février 2024, a critiqué Mirlande Manigat. Les violons ne s’accordent plus entre le Haut Conseil de la Transition (HTC) et le gouvernement. Le mercredi 1er novembre, lors d’une interview sur Radio Kiskeya, Mirlande Hyppolite Manigat a dénoncé le premier ministre Ariel Henry pour ne pas avoir pris des dispositions pour la prise de fonction d’un président élu, le 7 février 2024. La présidente du HCT qui regrette des retards dans le processus, estime que le 7 février 2024 marquera aussi «probablement» la fin du mandat du Haut Conseil de la Transition.
Les dernières sorties du Haut Conseil de la Transition ou encore de sa présidente, Mirlande Hyppolite Manigat, sont évocatrices d’un vrai malaise avec le gouvernement. Après avoir asséné Ariel Henry avec une lettre pour critiquer avec véhémence son indifférence par rapport à l’enlèvement du secrétaire général de l’institution, Mirlande Manigat est encore revenue pour ramener d’autres préoccupations sur le tapis.
Dans cette interview accordée à Radio Kiskeya, Mirlande Manigat dit avoir constaté des retards considérables dans le processus devant aboutir à l’élection d’un président, le 7 février 2024, conformément à l’esprit des prescrits de l’Accord du 21 décembre 2023. Elle tient pour responsable le premier ministre Ariel Henry qui, dit-elle, n’a pris aucune disposition à cet effet. «L’Accord du 21 décembre, publié dans Le Moniteur, prévoit l’installation d’un nouveau président le 7 février 2024. Il est évident qu’aucune disposition n’a été prise pour créer un autre conseil électoral, organiser les élections et proclamer les résultats pour qu’un autre président puisse prendre la charge. Nous n’en sommes pas encore là», critique Mirlande Manigat. Avec autant de retards accumulés dans le processus, la présidente du Haut Conseil de la Transition, Mirlande Manigat, estime qu’elle ne peut rien prédire par rapport à cette échéance.
Cette date aussi pourrait sceller la fin de la mission du Haut Conseil de la Transition, étant donné que cette institution avait la responsabilité de lancer des chantiers dont le dialogue entre les protagonistes, jusqu’à l’installation d’un président au Palais national, le 7 février 2024. À ce sujet, elle répond : «Probablement oui», pour affirmer que cette date peut sonner la fin du mandat du HCT. Plusieurs faits successifs ont soulevé la colère des membres du Haut Conseil de la Transition, créée pour épauler le premier ministre dans plusieurs domaines et participer dans la réforme de l’administration publique, la révision de la Constitution et la mise en place du Conseil Électoral Provisoire. Le premier fait ayant provoqué un tollé médiatique est la nomination des membres du nouveau Conseil d’administration de la Banque de la République d’Haïti, en début d’octobre dernier, sans le point de vue du Haut Conseil de la Transition, alors que les prescrits de l’Accord du 21 décembre veulent que celui-ci participe à toutes les nominations importantes de l’État. «Nous n’étions pas d’accord de la façon dont cela s’est passé. J’avais écrit au premier ministre sur la question», a fait savoir Mme Manigat. Dans ses dernières sorties, le premier ministre Ariel Henry met souvent l’accent sur le dialogue avec les protagonistes de la crise mais aussi le remaniement ministériel. Toutefois, rien n’est encore fait au sujet du remaniement, si l’on en croit les déclarations de Mirlande Hyppolite Manigat. «Jusqu’à présent non. J’ai l’impression que ce n’est pas encore décidé: la réforme du Conseil des Ministres», a confié la présidente du HCT répondant à une question relative à un éventuel changement de gouvernement, ajoutant que le HCT n’est pas encore impliqué dans une telle démarche.
Dans une correspondance adressée au premier ministre Ariel Henry, il y a quelques jours, le Haut Conseil de la Transition a fustigé son comportement affiché à l’égard de l’enlèvement du Secrétaire général de l’institution. Le HCT avait critiqué une certaine indifférence affichée par le chef du gouvernement dans cette lettre. Quelques jours après, le cadre de l’institution a été libéré, alors qu’une rançon de 2 millions de dollars américains avait été préalablement exigée.
La plus grande préoccupation du Haut Conseil de la Transition reste et demeure la question du local. Mirlande Manigat a été très critique, estimant qu’une institution comme telle ne peut pas se loger au 5e étage d’un ministère. «C’est un étage, il n’y a aucune entrée personnelle ni de sortie. Il y a beaucoup de choses qui ne sont pas conformes à ce qu’on croyait qu’on pouvait nous donner pour fonctionner normalement», dénonce une nouvelle fois Mirlande Manigat.
Les préoccupations de Mirlande Manigat, concernant la date du 7 février 2024, rejoignent celles du «Front Uni» réunissant plusieurs partis de l’opposition. Pour ce regroupement politique, le 7 février 2024 marquera la fin de la transition dirigée par Ariel Henry comme le stipule l’Accord du 21 décembre 2022. Ces partis, qui appellent à la démission du premier ministre Henry, à cette date, rejettent toute idée de parapher un nouvel accord avec lui pour pérenniser son pouvoir.
Tout semble donc indiquer que le violon ne s’accorde plus entre le Haut Conseil de la Transition et la Primature. La solution à la crise ne semble pas être pour demain.
À noter que le lundi 6 février 2023, le Premier Ministre de facto, Ariel Henry, avait procédé à l’installation des 3 membres du Haut Conseil de la Transition: Calixte Fleuridor, de la Fédération Protestante d’Haïti pour la Société Civile, Mirlande Manigat pour les partis politiques et Laurent Saint-Cyr pour le secteur privé.
De plus, pour Mathias Pierre, l’ancien Ministre délégué chargé des questions électorales, l’échéance du 7 février 2024, sans installation d’un nouveau Gouvernement, va provoquer une «débâcle». Pour lui, il était évident, depuis le mois de mars dernier, que des élections ne pourraient pas être organisées pour doter le pays de dirigeants élus au début de l’année prochaine.
Emmanuel Saintus