C’est l’industrie haïtienne la plus ancienne. Plus précisément, l’entreprise multinationale présente
sans discontinuité sur le territoire national. Elle travaille dans tous les secteurs d’activités mais
personne n’assume la responsabilité des résultats de cette entreprise. C’est la seule entreprise
traditionnelle, dotée d’un actionnariat ouvert, sans être cotée en bourse. La démolition en soi
n’est pas une activité interdite mais telle qu’elle se fait en Haïti, sans limite, il y a lieu de se poser
certaines questions. Une des questions fondamentales est comment fait-on pour détruire un pays?
La réponse à cette question vous permettra de savoir quels sont vos investissements dans cette
entreprise mortifère.
Il y a des méthodes rapides, comme les guerres, mais cela requiert beaucoup de moyens
et les résultats ne sont pas durables. Il y a les méthodes lentes dont les résultats sont moins
réversibles.
Le Comité International de la Croix-Rouge reconnaissait que «s’en prendre au patrimoine
d’un pays revenait à détruire son âme». Les attaques sur le patrimoine culturel haïtien ne
connaissent pas de répits. Quand ce ne sont pas des actes de vandalisme, l’État ne prend aucune
mesure appropriée pour protéger ou mettre en valeur ce patrimoine. Vider le pays de ses
ressources humaines. C’est une pratique séculaire dont les résultats sont garantis. Il y a eu le
départ des ouvriers agricoles vers Cuba, la vente des coupeurs de canne en République
Dominicaine, la vague de départs de professionnels vers l’Afrique et, depuis les années 80,
l’exode continue des Haïtiens vers des cieux plus cléments.
Dans un pays où l’on a appris: «lakay, se lakay», il faut beaucoup d’efforts pour obliger
les Haïtiens à fuir le pays. On constate depuis quelque temps que la tendance est inversée. La
stratégie pour rendre le pays répugnant a eu beaucoup de succès. En rendant l’État inefficace et
corrompu, ceux qui dirigent l’État ont fini par tuer l’espoir des jeunes et des moins jeunes de
vivre dans un pays où le bien-être de la population se reflète dans les politiques publiques. C’est
le clientélisme qui est la norme dans l’administration publique qui est incapable de résoudre le
moindre problème de la communauté. La capture de l’État pour favoriser toute sorte de trafics.
Au point qu’on ne se souvient pas de la dernière fois que l’État a eu un résultat probant, face à un
problème quelconque qui sévissait dans le pays.
Cette stratégie ne marche pas sans la version éducationnelle. Évidemment, il faut abrutir
le peuple. Mettre en place un système scolaire avec des programmes absurdes, favoriser la
tricherie, dès le plus jeune âge. Manipuler les médias pour rendre les gens plus idiots avec des
programmes qui flattent leurs bas instincts. Mettre en place une parodie de démocratie pour tuer
la démocratie et faire l’apologie des régimes autoritaires. Enfin, la prise du pouvoir, par des élus
corrompus et incompétents, finit par démotiver les citoyens d’exercer le droit de choisir ses
dirigeants.
Ce n’est pas une fatalité. Si nous prenions conscience que nous avions contribué à la
démolition du pays, sans le savoir, nous pourrions nous remettre dans le sens de l’histoire:
construire souvent, déconstruire quand c’est nécessaire et reconstruire des fois.
Guy Craan MD MSc.
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