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Le rodéo des amateurs, en haut lieu, se poursuit, invariablement

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Franchement, si la situation générale du pays n’était pas aussi tragique, il faudrait rire de tant de bêtises
de la part de celles et de ceux qu’on nous présente pourtant comme faisant partie de nos élites. Commettre
une gaffe, à l’occasion, personne n’en est épargné. Cela peut arriver à tout le monde, à l’occasion
s’entend, mais pas en les accumulant l’une après l’autre.
Vous devez vous demander mais quelle mouche m’a piqué, pour me lancer ainsi dans une telle
diatribe. Eh bien, je vous confesse avoir écouté, ces dernières semaines, une série de déclarations, en
cascade et d’horizon divers. D’abord, il faut remonter à une entrevue accordée, à toute Seigneure, tout
honneur, par la présidente du HCT, Madame Mirlande H. Manigat, au journaliste de Panel Magik, M.
Frantz Duval, le 7 mars dernier 1 . L’effet sur moi était des plus navrant, de constater autant de légèreté de
la part de cette sommité. Le plus naturellement du monde, elle confiait avoir accepté la charge de
Présidente du Haut Comité de la Transition, sans avoir pris la précaution de s’assurer des moyens de
réaliser la Feuille de Route attribuée à cette structure dont elle assume la présidence tournante. En effet, le
Haut Comité de la Transition (HCT) est censé conseiller le Gouvernement, sans pouvoir lui imposer quoi
que ce soit, en diverses matières, entre autres: le remodelage du gouvernement, la nomination des juges à
la Cour de Cassation, la nomination des titulaires des directions générales, la sélection des membres d’un
CEP, l’élaboration d’une nouvelle Constitution, la réalisation des élections, en vue de la passation des
pouvoirs politiques à des élus légitimes. Rien de moins. J’avais oublié la restauration de la sécurité
publique qu’il faudrait ajouter à cette liste. Avec tout cela, on n’avait pas pris la précaution de discuter du
budget de fonctionnement de cette structure, en charge de tant d’activités stratégiquement importantes.
Tout récemment encore, lorsque l’Organisation des États Américains débattait de la situation haïtienne,
c’est à la Présidente du Haut Comité de la Transition qu’il avait échu la tâche de réclamer, une énième
fois, une urgente intervention armée au pays à cette organisation régionale, comme si elle tenait lieu de
Cheffe de gouvernement. L’illusion était parfaite. Comme quoi, le Premier Ministre Ariel Henry s’arrange
pour que tout le monde se mouille comme il faut dans cette démarche. Les membres du HCT ne pourront
pas s’y dérober. Et ils jouent le jeu à fond. Néanmoins, dans le but de s’éviter les tracasseries
administratives, associées aux gestionnaires de fonds publics, les dignitaires du HCT se sont fait attribuer
d’avance une espèce de blanc-seing, un statut spécial qui leur éviterait d’être imputables devant les
instances de vérification financière du pays, de la gestion de fonds publics qui seraient mis à leur
disposition pour le fonctionnement de ce HCT. Voyez-vous la contradiction? D’une part, ils n’ont pas les
moyens nécessaires pour mener à terme le mandat qu’ils ont accepté et refusent d’être imputables de
quelconque ressource qui leur serait attribuée à cette fin, et de l’autre, ils s’en plaignent car ils se rendent
bien compte que, sans les moyens adéquats, ils ne seront que des potiches, incapables de faire quoi que ce
soit, pas même de se réunir et d’aboutir à des recommandations qui, de toute façon, n’auront aucune prise
sur le gouvernement. Comment peut-on être aussi incohérent, à ce niveau politique aussi élevé?
Ensuite, c’était au tour de Mme Émmelie Prophète-Milcé, la Ministre de la Justice et de la
Sécurité publique, de commettre sa bourde 2 . Évidemment, la gestion de l’État n’est pas l’affaire d’un
amateur. Ce n’est pas comme écrire un roman-fiction où l’on peut s’arroger quelques libertés, sans que
cela porte à conséquence. Dans la vie réelle, surtout en tant que femme d’État, les mots ont leur valeur et
les déclarations publiques d’une femme d’État peuvent porter à conséquence. Par exemple, lorsque
Madame la Ministre confesse en public que l’État, que le ministère qu’elle dirige, s’avoue incapable
d’assurer la sécurité publique dans des zones, nommément, elle abdique, de fait, ses responsabilités
envers les citoyennes et les citoyens de ces quartiers comme Martissant et bien d’autres zones qui sont
passées sous le contrôle de bandes criminelles. Pire encore, lorsqu’elle invite les citoyennes et les
citoyens à prendre eux-mêmes les mesures nécessaires pour assurer leur sécurité et invoque les
dispositions légales, généralement applicables en la situation, mais pas dans le cas particulier d’une
insécurité publique, causée par des bandits munis d’armes de guerre, son invitation à la population
pourrait être assimilable, par ces temps difficiles, à une incitation à se faire justice, individuellement. Il

n’y a pas si longtemps, l’ex-commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Me Danton Léger, lors
d’une rencontre publique dans la région des Palmes, en mai 2021, si je me souviens bien, avait évoqué le
même droit à l’auto-défense armée. Il avait brandi et fait la promotion d’une machette, comme arme de
dissuasion et d’auto-défense. Cela n’avait pas pris beaucoup de temps pour qu’il soit interpellé par les
autorités de la justice de l’époque. Il avait été promptement sommé de venir expliquer ses propos au
tribunal à Petit-Goâve. Alors, imaginez que, cette fois-ci, c’est la Ministre elle-même qui invite la
population à se faire justice, sans attendre les forces de l’ordre ou les autorités judiciaires, car les unes
comme les autres n’y peuvent rien ni ne tenteront quoi que ce soit pour venir à son aide. Alors, Mme la
Ministre, à quand la distribution générale des armes à la population pour qu’elle assume sa défense,
quartier par quartier, maison par maison, serait-on tenté de lui demander ? Car, en toute raison, on ne peut
pas s’attendre à ce que la population entreprenne cette tâche à mains nues, quand même? Finalement,
Mme la Ministre serait en train d’apprendre à ses dépens, que la communication ad lib pour la promotion
de sa prose et la communication d’État ne se pratiquent pas de la même façon, et que cet exercice pourrait
se révéler périlleux, si elle confondait les genres, à sa guise.
Le Premier Ministre, Ariel Henry, quant à lui, a renchéri. Pour démontrer qu’il avait les rênes bien
en mains, il est allé visiter le Commandant en chef de l’Armée, pour lui annoncer qu’il allait mobiliser la
FAD’H en entier, pour jeter toutes les forces disponibles du pays, dans la bataille pour restaurer la
sécurité publique iii . À la bonne heure! Que n’y avait-on pas pensé plus tôt? Il était à peu près temps de le
faire. Il faut croire que quelqu’un quelque part roupillait sur les commandes. Et dire que, pendant tout ce
temps, pendant qu’on suppliait les membres de l’ONU et de l’OEA d’intervenir chez nous, nous avions
une armée dont les forces constituées n’étaient nullement mobilisées pour intervenir, en premier lieu, sur
le territoire. Il doit certainement y avoir une raison, une explication, pour ce retard dans cette décision. En
effet, même qu’il y en aurait plusieurs. La première et la plus déterminante, c’est que cette armée, dans
les faits, elle n’existerait que sur papier. En réalité, elle est virtuelle, en devenir, en gestation, mais elle
n’existe pas. Du moins, pas encore. La plupart des «Pays amis d’Haïti» de la Communauté Internationale
ne la reconnaît pas, et pour cause: c’est qu’elle n’existe pas. Elle réunirait à peu près un millier de soldats,
dont environ 500 auraient été entraînés pour, d’après feu le Président Jovenel Moïse, intervenir en cas de
catastrophe naturelle. Entendez par cela, les cyclones, les tremblements de terre, les inondations. Il ne faut
même pas inclure, sous ce vocable, les incendies de forêt comme ceux qui ont eu lieu récemment à Forêt-
des-Pins, au Pic-Makaya et au Parc-La-Visite. Non, cela relève de la milice, je devrais dire, de l’Agence
des Aires Protégées qui n’a pas pu protéger ces sites ni circonscrire le sinistre pendant plusieurs jours,
voire des semaines. Là encore, on n’a eu de cesse de réclamer l’aide internationale pour y faire face. C’est
que l’Agence des Aires Protégées était souvent occupée à protéger des Aires plus politiques
qu’environnementales. Sous Jovenel Moïse, on la déployait contre les manifestants et elle était d’une
efficacité remarquable pour disperser les attroupements menés autrefois par l’Avocat du Peuple, entre
autres. Elle était d’ailleurs assez bien outillée pour mener ce combat, mais peut-être pas assez pour
éteindre les incendies dans nos Aires soi-disant Protégées. Mais, pour en revenir à la mobilisation de
l’Armée du Commandant Lessage, ce dernier aurait pris la peine de dire au Premier Ministre a. i., qu’il
était partant, et son armée aussi, aussitôt que ses troupes auront été équipées pour le faire. Alors,
mesdames et messieurs, surtout ne retenez pas votre souffle, en attendant l’arrivée des renforts locaux non
plus. Les blindés commandés au Canada seraient encore sur la ligne d’assemblage, paraît-il. Et, pour le
reste, en ce qui concerne les munitions (pour la police ou pour l’armée, mais pas pour les gangs), il paraît
que cela aussi devienne une denrée rare, par les temps qui courent. C’est qu’il y a une guerre autrement
plus sérieuse à soutenir au loin, en Europe.
Il ne faut pas croire que la partie gouvernementale détient le monopole absolu des déclarations
farfelues. Le Leader de UNIR, M. Clarens Renois, ne donne pas sa place, non plus. Je l’ai toujours perçu
comme un personnage assez particulier, bon chic, bon genre. Il se fait généralement l’Apôtre de la raison,
du consensus et du dialogue en rond, même quand il a assez de vécu, comme leader de son parti, pour
comprendre qu’il se fait rouler dans la farine. Mais cela ne semble pas le déranger outre-mesure. Il joue le

jeu du gentil qui se veut l’antithèse du radical. Il se positionne pour être bien perçu par la Communauté
Internationale, comme un acteur sur lequel celle-ci pourra compter, le cas échéant. C’est important de
s’assurer d’avoir une roue de secours sous la main, en cas de panne. On ne sait jamais. Toutefois, devant
la débandade du gouvernement, en matière de sécurité publique, M. Renois aura voulu sans doute prendre
une posture plus pro-active, cette fois, en lançant un défi aux nantis du pays pour faire une campagne de
collecte de fonds entre eux, pour amasser assez d’argent pour doter notre armée du barda nécessaire pour
aller mater les bandits à la place de la PNH, somme toute, inapte pour ce genre de mission. Il demande à
la confrérie des nantis, tout simplement de se substituer à l’État, après avoir contribué, pour une bonne
partie d’entre eux, à la situation que nous vivons aujourd’hui. Et, devinez à qui appartiendra de plein droit
cet État, après coup, s’il en reste? Je ne pense pas qu’il se soit attardé une seconde à y réfléchir. Sans
doute que, sur le coup d’une révélation lumineuse, à brûle-pourpoint, lui est-il venu cette idée de Konbit
financière entre nantis. On étendrait ensuite cette noble initiative aux Madan Sara, aux travailleurs, aux
chauffeurs de taxis-moto et aux petites bourses, éventuellement. Ainsi, tout le monde mettrait la main à la
poche pour la libération du pays. Pourquoi pas? Cela pourrait bien marcher, après tout. Et, pour ce qui a
trait à la gestion de ce crowdfunding, on trouvera bien quelqu’un, on créera un autre comité de bénévoles
qui s’y dévouera comme pour des petits projets de développement. Et puis, Eurêka! Comme dirait
Archimède. Cela me fait penser à un avion qu’on serait en train de construire en plein vol. Il ne faudrait
pas s’étonner, après, des problèmes à l’atterrissage, si jamais il tient jusque-là. Les passagers de ce
coucou seraient bien à plaindre.
Entre temps, la cohorte des signataires de l’Accord Montana semble avoir fait le deuil de leurs
ambitions. C’est bien dommage. Et, comme leur bateau n’a jamais pu larguer les amarres, le Premier
Ministre élu de cette structure, l’ex-sénateur, Steven Irvenson Benoît, quitte le pont. La lutte pour la
sauvegarde de ce pays en aura épuisé plus d’un, sur le parcours de cette course à obstacles. Certains en
sont morts, d’autres en sont meurtris mais nul n’en sortira indemne, pas même celles et ceux qui se
réfugient dans l’abstention absolue, dans la stricte non-participation aux affaires terrestres. Ils seront eux
aussi victimes collatérales et parfaitement ignorées par les manchettes et les unes des journaux du monde,
peu importe leur nombre, au demeurant bien plus élevé que celles et ceux qui sont tombés récemment en
Ukraine, s’il faut en croire les rapports des Nations Unies. Toutefois, le silence des signataires de
l’Accord Montana tranche, après les tintamarres et après tant de conférences auxquels jadis on a eu droit.
Ils n’auront sans doute pas su trouver la parade à l’usure.
Tout le monde semble perdu dans cette vague de tristesse et d’égarement qui afflige le pays. Tout
le monde, sauf peut-être l’ex-président Jean Bertrand Aristide dont l’analyse cinglante, à l’occasion de
cette autre remise de diplôme à la dernière cohorte des gradués de l’UNIFA, retentit et claque comme
l’éclair qui annonce l’orage. Mon Dieu, il était si tranquille pendant tout ce temps, aurait-il voulu se faire
oublier? Et pourquoi maintenant sortir de sa réserve? Il se fait déjà si tard… Peut-être pas trop tard. Ne
dit-on pas qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire? Et puis, bien faire et laisser dire, aura-t-il
finalement résolu. Car ses propos, si justes puissent-ils être, dans les circonstances, lui vaudront
certainement une autre volée de bois vert, comme d’habitude, par certains secteurs qui n’ont de cesse de
le démoniser. Oh! Entendons-nous bien, ce ne fut pas un ange. Mais, un démon, ma foi, on en a vu
d’autres. Sauf qu’il n’a pas tout à fait tort d’imputer nos malheurs nationaux, comme il le fait, aux
évènements de 2004, de blâmer les acteurs de l’époque et de relever les motivations qui ont sous-tendu
les complots qu’ils ont ourdis, des fois, à visière levée, contre le pays. Et s’il disait vrai? Posons-nous la
question.
Franchement, pour ma part, je dois avouer qu’à observer nos actualités, j’y perds mon latin, un
peu plus chaque jour. Les bandits, de plus en plus, prennent de l’assurance. C’est qu’ils ont compris
l’imposture de nos dirigeants et de nos élites. La menace de mobilisation de l’Armée ne semble pas les
émouvoir outre-mesure. De même, ils savent que l’appel de fonds, lancé par le leader de UNIR, n’aura
aucun écho. Et, si d’aventure cela devait fonctionner, peut-être même qu’ils en bénéficieraient un peu. La
ministre Prophète-Milcé s’est quelque peu enfargée mais ils savent que ses propos sont vains et ne

tiendront pas la route. D’ailleurs, la ministre de la Sécurité Publique l’aurait avoué tout candidement: ne
comptez pas sur elle, pour aller risquer sa vie sur la route de Martissant. Quant au discours de l’ex-
président Aristide, les bandits n’y prêteront aucune attention et ne sont pas touchés par ses pointes
d’éloquence. Ils savent bien où loge le pouvoir. Il faudrait que quelqu’un reconquiert assez d’autorité,
pour mobiliser une action décisive contre ces malfrats. Pour le moment, ils ne le perçoivent pas. Et puis, à
dire vrai, moi non plus, j’ai beau scruté notre horizon, je ne vois personne qui pourrait s’imposer comme
le leader qui prendrait en mains la destinée du pays. Certainement pas ces hurluberlus (es) qui nous font
régulièrement la démonstration publique de leur incompétence, au timon des affaires de l’État.
Pierre-Michel Augustin
le 27 mars 2023
1 (101) entrevue Mme Manigat, le 7 mars 2023, Panel Magik – YouTube www.youtube.com
2 (101) La ministre de la Justice Emmelie Prophète Milcé sur l’insécurité – YouTubewww.youtube.com
iii (101) Visite du Premier ministre Dr Ariel Henry aux Forces armées d’Haïti – YouTubewww.youtube.com

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