HomePerspective & Politique37 ans de brigandages politiques et de défaites démocratiques

37 ans de brigandages politiques et de défaites démocratiques

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7 février 1986, départ du Président Jean-Claude Duvalier pour l’exil et chute du régime
dictatorial des Duvalier après 29 ans de règne. Ce jour-là, le pays se lève dans un élan
démocratique et d’allégresse, aux cris de: vive la liberté, Haïti libérée, vive une deuxième
indépendance! Un Conseil National de Gouvernement (CNG) est installé á la tête du pays
avec le Général Henry Namphy, Président du CNG, du 7 février 1986 au 7 février 1988.
Après l’avortement des élections de novembre 87, le 7 février 1988, on a remis le
pouvoir au Professeur Leslie F. Manigat qui, en un peu de temps, avait redressé la
gouvernance du pays et avait mis le cap vers le développement durable et la stabilité socio-
économique. Malheureusement, 5 mois après, Manigat était renversé du pouvoir par les
Forces Armées d’Haïti et Namphy était nommé Président provisoire pour une deuxième fois. 3
mois plus tard, l’armée renversait Namphy du pouvoir, au profit du général Prosper Avril,
nommé Président provisoire du 17 septembre 1988 au 10 mars 1990.
Le 13 mars 1990, pour la première fois dans toute l’histoire contemporaine d’Haïti, le
pays allait être dirigé par une femme, Madame Ertha Pascal Trouillot, du 13 mars 1990 au 7
février 1991, qui arrivait à faire la différence en organisant la plus belle et la plus grande
élection démocratique en Haïti, le 16 décembre 1990. Cette élection a été remportée haut la
main par le leader charismatique de Saint-Jean Bosco, le Père Jean Bertrand Aristide, «Ti Pè
a».
Le président démocratiquement élu n’allait pas passer longtemps au pouvoir, le 30
septembre 1991, 7 mois après son investiture, un coup d’État militaire le renversa du pouvoir
et Jean Bertrand dut prendre l’exil durant 3 ans, et le pays fut placé sous un embargo
commercial. M e Joseph Nérette fut nommé président provisoire du pays, de 1991 à 1992.
Cette période du coup d’État 91 était très dur pour le pays sur les plans économiques et
politiques, avec une résistance populaire favorable au retour à l’ordre constitutionnel.
Le 19 juin 1992, on remettait le pouvoir à l’économiste haïtien de renommée
internationale, Marc L. Bazin, parce qu’il avait des grandes relations et de bonnes expériences
avec la communauté internationale et qu’il avait travaillé durant des années au FMI. C’était un
«blanc noir», mais très apprécié par les élites du pays. Avec les mobilisations populaires et
des crimes en série commis par l’Armée d’Haïti et le groupe FRAPH de Toto Constant, Émile
Jonassaint fut nommé Président provisoire pour calmer la tension populaire, de 1993 à 1994.
Le 15 octobre 1994, la prière de la population haïtienne est exaucée, le retour à l’ordre
constitutionnel devient une réalité, Aristide est de retour au pays, escorté d’une force militaire
étrangère de 20 000 hommes. «Nou pèdi 3 zan, n ap tire 5 kan nan mouda kokorat yo». C’était
la chanson tube du Carnaval 1995 du Samba lavalassien, King Kessy, du groupe Koudjay.
Les élections de 1995 eurent lieu, Aristide remit le pouvoir à son marassa, son ancien
Premier Ministre, René Garcia Préval, de 1996 à 2001, pour un mandat complet. Mais, il faut
dire clairement que le premier mandat du Président Préval était un gouvernement de doublure,
dirigé dans l’ombre par le baron de Tabarre. En novembre 2000, une mascarade d’élection a
été réalisée et, malgré les contestations politiques, Aristide est réélu Président de la
République d’Haïti. Du coup, une série de mobilisations politiques a vu le jour dans le pays au
nom de Mouvement GNB, pour contester la présence du leader Lavalas au pouvoir. Le pays a
connu 3 années consécutives de bouleversement politique. Le fameux projet de Jean Bertrand
Aristide, de commémorer en grandes pompes le bicentenaire de l’indépendance d’Haïti, fut
bafoué et boycotté par les GNBistes qui étaient dans les rues, même le premier janvier 2004,
le jour J. du bicentenaire de l’indépendance d’Haïti.
Il faut signaler, qu’à l’époque, l’opposition avait installé dans l’ombre, Me Gérard
Gourgue, comme président de transition, en face du Président constitutionnel, Jean Bertrand
Aristide, qui allait être destitué du pouvoir, avec l’aide de la Communauté internationale,

spécialement de la France, pour avoir osé soulever l’épineuse affaire de la dette de
l’indépendance d’Haïti à travers le slogan: «Restitution et Réparation», de 150 millions de
francs or, en 1825, et qui était évaluée en avril 2003 par Jean Bertrand Aristide à 21 685
135 571,48 dollars américains. Ce montant a fait peur à la France et a coûté un deuxième coup
d’État à Jean Bertrand Aristide, en date du 29 février 2004, et un gouvernement provisoire a
été installé avec M e Boniface Alexandre, comme Président provisoire, et Gérard Latortue, un
autre «blanc noir», comme Premier Ministre. Ce dernier détenait tout le pouvoir et opérait
toutes les manœuvres politiques. À noter qu’une force d’intervention étrangère avait été établie
dans le pays pour garantir la paix et la stabilité durant la période de transition.
2006, les élections ont eu lieu dans le pays, René Garcia Préval est réélu président aux
dépens du Professeur Leslie F. Manigat qui fit alors une déclaration très mal appréciée par le
gros de la population, à savoir: «le chien retourne à ses vomissures.»
2010, à la fin du mandat présidentiel de Préval, un terrible tremblement de terre de
magnitude 7,2 a ravagé considérablement le pays, faisant 300 000 morts, 1,5 million de
déplacés internes et a détruit tous les principaux bâtiments publics de la région métropolitaine
de Port-au-Prince et de la commune de Léogâne qui était l’épicentre du séisme. Pour la
première fois, Haïti allait bénéficier d’une solidarité agissante de la communauté
internationale qui a jugé bon de reconstruire Haïti, avec une enveloppe de près de 11 milliards
de dollars US. Malgré la situation humanitaire et catastrophique du pays, les élections ont eu
lieu, la communauté internationale a imposé Joseph Michel Martelly comme président de la
République aux dépens de Madame Mirlande Manigat.
Avec l’arrivée du régime PHTK de Michel Martelly au pouvoir, c’est l’effondrement
total des valeurs morales et républicaines du pays et l’instauration de la corruption et du
gaspillage des fonds publics, comme mode de gouvernance, sans pouvoir ni vouloir organiser
des élections pour le renouvellement de la classe politique du pays.
À la fin du mandat du Président Martelly, l’opposition se déchaîne et les mobilisations
gagnent les rues. Le 7 février 2016, le Président Martelly remit le pouvoir au Président du
Sénat à l’époque, Jocelerme Privert, qui organisa une élection du second degré, en sa faveur.
Il resta au pouvoir de février 2016 au 7 février 2017. Lors des élections de 2016, malgré les
protestations et les séances de vérification des fraudes électorales, le poulain de Michel
Martelly, Jovenel Moïse, est élu président d’Haïti avec environ 500 000 voix. Tout le
quinquennat de Jovenel Moïse était le théâtre de mobilisation populaire anti-gouvernementale,
à partir du 1 er et unique budget 2017 – 2018 de la République de Jovenel Moïse, surnommé
«Budget Criminel», à cause de l’augmentation du prix du carburant. 6 – 7 juillet 2018, des
milliers de gens ont gagné les rues pour protester contre le budget criminel et ce fut la
malédiction du régime de Jovenel Moïse qui allait connaître un quinquennat de manifestation
non-stop, surtout avec le Mouvement Petrochallenger qui demande des comptes sur
l’utilisation des $ 4,2 milliards US des fonds PetroCaribe. Malheureusement, les rapports de la
commission d’enquête et d’anti-corruption du Parlement et de la Cour Supérieure des
Comptes ont mentionné, près de 69 fois, le nom du Président Jovenel Moïse, dans des cas de
corruption et de dilapidation du fonds PetroCaribe.
Après une baisse de régime du mouvement Petrochallenger, pour une raison ou une
autre, l’opposition politique fixait la fin du mandat constitutionnel du président au 7 février
2021 mais l’équipe au pouvoir ne partageait pas cet avis. La raison du plus fort est toujours la
meilleure. Dans la nuit du 6 au 7 février 2021, le gouvernement fomenta un coup d’État et
procéda à l’arrestation des paisibles citoyens dont l’inspectrice de la PNH, Marie
Antoinette Gauthier, le Juge Ivickel Dabrésil, etc… Pour banaliser l’évènement, le président
Jovenel se rendit le même jour au Carnaval de Jacmel.
Pour faire passer la honte, le secteur de l’opposition démocratique procéda à
l’installation du juge le plus ancien de la Cour de Cassation, M e Joseph Mécène Jean-Louis qui

ne pouvait même pas se tenir debout pour prononcer un discours de deux phrases, en cette
circonstance. Malheureusement, au même titre que M e Gérard Gourgue en 2001, M e Mécène
Jean-Louis resta dans les tiroirs, sans pouvoir devenir le président réel de la transition, même
après l’assassinat crapuleux du président Jovenel Moïse, en sa résidence privée, à Pèlerin 5,
dans la nuit du 6 au 7 juillet 2021.
Depuis lors, le pays est dirigé par un régime monocéphale, avec un PM de facto, Dr
Ariel Henry, qui se comporte comme un monarque à la tête de l’État qui est totalement
délabré, sans un président, avec un pouvoir législatif inexistant et un pouvoir judiciaire en
lambeaux. 37 ans après, Haïti est totalement en faillite avec la mort flagrante de la démocratie
et de toutes les institutions républicaines du pays.
On peut dire, tout simplement, 7 février 1986 – 7 février 2023, 37 ans de gaspillages et
de bamboches politiques, sans aucune leçon apprise.
Smith Prinvil

Creator: DERRICK CEYRAC
|Credit: AFP/Getty Images
Copyright: 2011 AFP

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