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«Ayiti, le drame de l'engloutissement graduel d'une nation»

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Plus d’un se demanderait, en cas peut-être de grandes préoccupations pour l’avenir de notre très chère
Ayiti dans le concert des nations, si un État peut disparaître ? Y répondre à l’affirmative entraînerait toute
une suite d’autres interrogations, par exemple : dans quelle situation ? Quelles pourraient bien en être les
causes ? Le processus pour y aboutir ? Et, bien sûr, pour ne nous en tenir qu’au plus important : les
conséquences qui en découleraient?
Il conviendrait donc, de manière conclusive, de signaler qu’Ayiti constitue aujourd’hui l’exemple le
plus illustratif d’un tel fait. L’État ayitien n’est même plus dans sa phase d’incompétence, d’échec total ou
d’inexistence, mais plutôt dans celle de sa non-nécessité et de son inutilité, puisqu’en fin de compte, rien
ne pourra, semble-t-il, freiner son processus de désagrégation et de désintégration, lequel conduira, sans
nul doute, dans un avenir proche ou lointain, à sa dislocation totale. Dans cet ordre d’idée, j’aime à passer
en revue une publication très intéressante de Catherine Colard-Fabregoule, parue dans Mobilité humaine
et environnement, en 2015, pages 69 à 86, traitant de la « Disparition d’États insulaires et caractéristiques
et juridiques de l’État», d’ailleurs titre de l’ouvrage, le «Sort des populations au regard de la nationalité et
du droit des peuples», en sous-titre. Les prémisses évoquées concourent à nous porter à croire qu’il ne
resterait plus d’États présentement à découvrir sur terre, au même titre qu’à priori la notion de la
disparition de l’État, contrairement à la théorie de Karl Max, serait une utopie, en ce sens, qu’il est
physiquement impossible de faire disparaître un État, même en le bombardant, comme ce fut le cas pour
terminer la 2 e Guerre mondiale, si à la géographie on se réfère. Donc, à ce niveau-là, la probabilité de la
menace d’extinction d’un État quelconque s’avère des plus improbables. Cependant, il n’en demeure pas
moins vrai que dans des circonstances particulières, il y a un risque de disparition de certains États, à un
moment donné de leur histoire. J’ai bien peur que ce ne soit le cas de notre chère Ayiti. La configuration
géographique et politique du monde, à l’instar de la notion de l’État, elle-même, depuis son apparition au
XVIe siècle, n’a jamais été, et ce, jusqu’alors, exempte de mutation, que ce soit superficiellement ou
intrinsèquement.
Il existe en effet des facteurs de « modifications étatiques à ne pas exclure, qu’elles proviennent de
phénomènes politiques ou qu’elles soient le fruit de phénomènes « naturels » ou qualifiés comme tels. En
particulier, les menaces environnementales et climatiques majeures qui pèsent sur la terre, les États et
leurs populations, interrogent aussi les sciences juridiques sur la persistance du phénomène étatique, par-
delà des dégradations et les disparitions annoncées ». Plus loin, elle définit tant la nature que les attributs
courants de l’Etat, dans un cadrage de tridimensionnalité, de la manière suivante : « un État demeure
traditionnellement défini par la somme de trois caractéristiques ou éléments objectifs qui lui sont
constitutifs : un « territoire » délimité par des « frontières » et sur lequel est installée une « population »,
le tout étant gouverné par une autorité politique. Cet ensemble est pourvu d’une souveraineté qui constitue
l’apanage de l’État. Les trois éléments sont cumulatifs et l’on sait, en particulier depuis l’avènement des
Nations unies et l’affirmation du principe d’égalité souveraine des États entre eux, que la taille du
territoire et la densité de population ne sont pas déterminantes dans l’existence d’un État…» Il s’agit là d’un
schéma tracé sur mesure, dans le cas de la réalité de l’heure pour Ayiti où, depuis l’arrivée au pouvoir du
régime « Tèt Kale », la notion de l’État s’est vue réduite à sa plus simple expression, l’on assiste à une
fuite totale de la souveraineté nationale, ainsi que des populations, additionné aux châtiments constants
des intempéries dus à la perte de qualité environnementale, à la dégradation sévère de l’écosystème et au
réchauffement climatique qui paralysent, systématiquement, tout élan au relancement de la production
nationale.
Si on se fait pour devoir de suivre l’évolution de la problématique politique qui sévit en Ayiti
depuis des décennies, il convient de se demander, est-ce qu’il n’y a pas une main cachée dans l’ombre des
stratagèmes politiques et économiques internationaux pour que la situation du pays, à tous les égards,
aille de mal en pis, si bien qu’elle profite aux mêmes instigateurs qui se font passer pour des porteurs de
solution ? L’attente, c’est le chaos le plus total pour qu’ils puissent intervenir en sauveurs et en sauveteurs,
tout en courant au secours du peuple livré au triste sort de l’abandon et de l’inexistence de la moindre

structure de l’appareil étatique. À seulement retracer l’historique des flux migratoires des différents groups
sociaux ayitiens à des moments donnés de notre histoire, nous pouvons avoir une idée plus claire d’où
viennent nos problèmes, le plus souvent très simples, mais que nous ne sommes même pas à même de les
appréhender. Si, sous François Duvalier, nous avions connu la première grande fuite de capital humain du
pays avec l’exil d’intellectuels vers la France, le Canada et les États-Unis majoritairement, avant lui et
avec lui également nous avions assisté à « l’exportation et à l’exploitation » à outrance de la main-d’œuvre
paysanne à bon marché vers la République Dominicaine. Durant les trois (3) dernières décennies, les plus
grandes destinations ayitiennes furent les pays de l’Amérique du Sud, dont le Brésil, à l’occasion de
l’organisation de sa dernière Coupe du Monde, le Chili, et tout récemment, le Qatar, organisateur du
Mondial de novembre 2022, pour ne citer que les plus importantes en demande et capacité d’accueil. Et la
classe cible, c’est bien sûr, l’intermédiaire, à savoir la main-d’œuvre qualifiée. En ce sens, il est plus
qu’évident que dans le cas d’Ayiti, les théories de conspiration pour maintenir le pays dans une situation de
marasme économique, de chaos politique et d’éclatement social, ont tous leurs sens.
Si, bien qu’émettre une opinion est de loin une posture de prise de position, mais un élan à la
construction d’une réflexion dont la contribution peut se révéler utile, bien au-delà de toute velléité de
complaisance ou de réfutation de la part d’un groupe ou d’un autre, de ma posture d’un ayitien vivant aux
États-Unis, le devoir m’incombe d’alerter sur les éventuelles intentions ou objectifs cachés du programme
humanitaire de l’administration Biden, en faveur de quatre (4) pays de l’Amérique Centrale et du Sud,
dont Cuba, Nicaragua, Venezuela et notamment Ayiti. Sur le site internet du Bureau Américain de
Services de Citoyenneté et d’Immigration (USCIS) s’inscrit en caractères gras la note officielle suivante :
« à partir du 6 janvier 2023, vous devez soumettre le formulaire I-134A, Demande en ligne pour être un
sponsor et déclaration de support financier, si vous êtes un soutien potentiel d’un : Ukrainien ou un
membre de sa famille immédiate dans le cadre du « Uniting for Ukraine » ( S’unir pour l’Ukraine) ; ou
alors Cubain, Haïtien, Nicaraguayen ou Vénézuélien ou un membre de leur famille immédiate, dans le
cadre des Processus pour les Cubains, les Haïtiens, les Nicaraguayens et les Vénézuéliens. » Par la
présente, le Département américain de la sécurité intérieure (DHS, U.S. Department of Homeland
Security) a annoncé des processus par lesquels les ressortissants de Cuba, d’Haïti, du Nicaragua et du
Venezuela, ainsi que les membres de leur famille immédiate, peuvent demander à émigrer vers les États-
Unis de manière régulière, c’est-à-dire, sûre et ordonnée. Les bénéficiaires qualifiés qui se trouvent en
dehors des États-Unis et qui n’ont pas de documents d’entrée aux États-Unis peuvent être considérés, au
cas par cas, pour une autorisation préalable de voyager et une période de libération conditionnelle
temporaire, pouvant aller jusqu’à deux ans pour des raisons humanitaires urgentes ou un intérêt public
important. Pour participer, les bénéficiaires éligibles doivent :
 Avoir un supporteur aux États-Unis ;
 Se soumettre à un contrôle de sécurité robuste et clair ;
 Répondre à d’autres critères d’éligibilité ;
 Et garantir un exercice favorable du pouvoir discrétionnaire.
Les personnes participant à ces processus doivent avoir un accompagnateur aux États-Unis qui
s’engage à leur fournir un soutien financier pendant la durée de leur séjour conditionnel aux États-Unis.
Les mesures migratoires préférentielles des Américains à l’égard des Ayitiens est la preuve tangible de la
mise en marche du projet de dépeuplement et de repeuplement d’Ayiti. Comme des articles de vente dans
une usine, ils font le dispatching, selon les destinations. Puisqu’ils se sont assurés de faire de nous des
estropiés sans défense, politiquement, économiquement, et de surcroît par la dégradation du climat
sécuritaire à l’échelle nationale, leur projet d’accueil pour nous aider à fuir le monstre avant qu’il ne nous
dévore, vient comme une manne tombée du ciel. Bien malheureusement, ce stratagème d’exil voulu,
courtoisement imposé, aucun politologue ayitien sensé ne l’a vu venir. Que les fourmis me servent de
témoins, si Hadès me fait l’honneur de son trône, avant que cela ne se produise, si nous ne réagissons pas
conformément à cette attaque à l’existence même de notre nation et de notre patrie commune, il arrivera
un moment où avec des larmes aux yeux nous dirons, comme pour raconter un conte de fée à nos petits et
arrière-petits-enfants: «Il était une fois, Dieu décida de créer Ayiti, avec tout ce qu’il y avait d’approprié

pour en faire un paradis sur terre, au cœur de la mer des Caraïbes. Alors, Il a vu que c’était bon. Mais pour
rompre avec la monotonie et parfaire Son œuvre, Il dit : « créons par la suite les politiciens et oligarques
ayitiens corrompus, pour parallèlement y faire régner l’enfer, au point qu’aucun de ses habitants ne veuille
continuer à y vivre. » Et toutes les prouesses de nos ancêtres, pour la liberté et la dignité humaine, nous
ayant hissé au sommet des luttes de libération et de dignité des peuples qui ont fait de nous la Première
République Noire du monde, ne constitueront qu’une réminiscence de l’histoire universelle.
Je veux bien rappeler à nos bourreaux, qui se font passer pour nos amis, bienfaiteurs et sauveurs
qui, aujourd’hui, après nous avoir coupé les pieds, nous donnent des béquilles et des fauteuils roulants, en
vue de garantir, rien que pour la galerie, nos déplacements limités et contrôlés, qu’Ayiti n’a ni besoin de
pitié, ni de charité de quiconque, mais de jouir pleinement du droit à l’autodétermination, de redressement
de l’économie nationale et du rapatriement de la souveraineté nationale, en vue de prendre son destin en
main et de continuer sa marche irréversible vers la fierté et la dignité nationale, l’indépendance politique
et économique, condition sine qua non pour son développement endogène et durable.
Que cette décision qui s’inscrit dans une dynamique d’aide humanitaire temporaire, mais
renouvelable, vienne comme Pâques en Carême, soit pour nous les cibles, en raison bien sûr de la
dégradante situation, socio-économique, politique et sécuritaire qui mine ces pays et particulièrement
Ayiti dont les populations sont aux abois et ne savent plus où donner de la tête, ce serait donc indécent,
voire méchant de dire à un Ayitien de ne pas profiter de cette « ouverture » qui lui est offerte pour émigrer
légalement à ces pays d’accueil, puisque les États-Unis ne sont pas les seuls. Cependant, faisons preuve de
conviction d’attachement à Ayiti, notre pays d’origine, dans notre acte de « prostitution » patriotique, au
cas où, à l’avenir, nous nous trouverions dans l’obligation de nous naturaliser. Car, en dernier ressort, nous
ne serions qu’un Ayitien, en plus d’être détenteur d’un passeport américain ou autre, avec tout ce que cela
implique comme obligations et « avantages ». Tâchons donc d’adopter la posture de Joseph dans la Bible,
pour profiter de cette opportunité et, dans le futur, servir notre pays. Renonçons effectivement mais
définitivement aux vieilles pratiques ayitiennes de haine, de marronage, de malice, de tromperie, de
méfiance, de division, de commérage et de destruction de l’autre. Attelons-nous cette fois, comme l’ont
déjà fait d’autres nations, à construire une diaspora ayitienne unie, ambitieuse, dans le bon sens du terme,
organisée, en vue du grand retour auquel nous aspirons tous, avant même notre départ. Puisque nos
adversaires sont de taille et que nous ne pouvons en aucun cas leur faire face, l’heure est à l’application de
la stratégie louverturienne. «Soyons leurs amis, embrassons-les, mangeons, buvons, régalons-nous avec
eux. Jusqu’à l’heure du grand revirement, en vue d’ouvrir la voie à la Nouvelle Bataille de Vertières, pour
aboutir au Nouveau 1804, en vue de l’application, dans toute son intégralité, de l’Idéal dessalinien. »
Joyeux 219 e de l’Indépendance à tous mes compatriotes disséminés de par le monde. Plus que
jamais, la Renaissance d’Ayiti est à notre portée, si nous savons bien profiter des circonstances. Surtout,
ne l’oublions jamais, « la chance qui passe, la chance à prendre. » Pour conclure avec une note positive, il
me plaît de citer mon ami et frère, l’ingénieur civil, Stanley Evans Daniel : « Depi w ka reyisi nan lakou
sa a, w ap fè l je fèmen nan gran lakou, depi w gen volonte ». Additionnellement, tâchons de suivre toutes
les recommandations prodiguées en créole ayitien sur le compte officiel de YouTube de l’ambassade
américaine en Ayiti par le Chargé d’Affaires Eric Stromayer, concernant les marches à suivre pour
appliquer au programme humanitaire d’urgence. En attachement le lien y relatif : Humanitarian Parole
message from Chargé d’Affaires Eric Stromayer.
Jean Camille Étienne,
Architecte et MSc. en Politique et Gestion de l’Environnement
9/1/2023

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