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Serait-ce encore une autre salve de pétards mouillés?

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Les membres du Conseil de Sécurité des Nations Unies en ont eu la primeur. Lors de cette assise convoquée par la Fédération de Russie, la semaine dernière, ils ont été informés par le Ministre des Affaires Étrangères d’Haïti, M. Jean Généus, qu’un accord historique, dit de Consensus National, venait d’être trouvé avec différents partis politiques et secteurs de la vie nationale, et que le tout serait signé et ratifié incessamment. En fait, il s’agirait plutôt d’une énième tentative de passage en force avec la même recette, maintes fois rejetée par la population haïtienne, les partis et les organisations politiques de l’opposition. Ce disque est rayé, et l’aiguille saute régulièrement, à la même place. Néanmoins, sans relâche, on revient à la charge avec une légère modulation, histoire de leurrer les observateurs mal avertis, distraits ou un peu dans la lune. Toutes les fois, jusqu’à maintenant, ils reviennent bredouilles. Mais ils essaient encore, espérant qu’une bonne fois, ils nous joueront ce tour qu’ils ont mitonné avec soin mais qui n’arrive pas à passer la rampe.

Dans cette lutte à finir, d’un côté se trouve une Communauté Internationale, liguée en un Syndicat du libéralisme économique débridé, jusqu’à proposer l’indécence, comme la fédération de gangs, jusqu’à proposer l’inacceptable, comme le maintien indéfiniment au pouvoir d’un gouvernement totalement inconstitutionnel, tant qu’il acceptera de jouer le jeu, selon les règles que lui dicte le Core Group. Pour jouer ce jeu macabre, ce Syndicat a besoin de pions, des locaux, prêts à servir de Cheval de Troie. Et ils sont légion à vouloir vendre leur âme, sans même faire monter les enchères. Ils se bousculent au portillon. Ils veulent à tout prix être de la partie, comme si leur vie en dépendait. Certains d’entre eux comprennent absolument le jeu auquel ils participent. Ils ne sont pas allés à l’école pour rien, et, leurs diplômes, ils ne les ont pas obtenus en fouillant dans des boîtes à surprise de Cracker Jack. Ô que non! Ce sont des authentiques intellos, férus de leur matière et capables d’épater la galerie de nos semi-lettrés, à coup de citations, les unes plus rares et inusitées que les autres. Certains d’entre eux ont même détenu des chaires dans quelques prestigieux Temples de haut savoir du monde. C’est tout dire. D’autres sont des authentiques fils de la plèbe travaillante, celle qui sue sang et eau pour pousser ses brillants rejetons, jusqu’aux plus hauts sommets de la hiérarchie sociale. Des fils et des filles authentiques, je vous dis, de tante Yaya, la Madan Sara et de Bòs Selòm, ce brave cordonnier du quartier. Ils s’esquintent tous les deux, lui, à vouloir ramollir le rude cuir dont il fera l’empeigne de ses paires de souliers qu’il n’arrive plus à vendre devant la concurrence déloyale des souliers pèpè, autrefois kennedy bon marché, et elle, à trimballer son petit négoce, ici et là, pour le revendre à un profit illusoire et malingre. Ces filles et ces fils de la plèbe besogneuse, pour certains, ils ont pris l’ascenseur social et ne veulent plus en descendre, même si, pour cela, ils doivent faire un tour, auparavant, dans les sous-sols de l’inhumanité, même si, pour cela, ils doivent frayer avec les rats de ces bas-fonds, qui peuvent les mordre et leur inoculer leur peste sociale, même si pour cela, ils doivent courir le risque de devenir des lépreux politiques et sociaux, des pestiférés au long cours. Que leur importe-t-il de nager dans l’opprobre et d’essuyer le crachat de leurs pairs et de leurs parents, pourvu que cela leur rapporte un parfum de pouvoir. Et quel pouvoir! Celui d’obéir sans broncher au diktat des autres…

De l’autre côté, je vois un groupe qui se bat, hélas, sans trop savoir comment bien s’y prendre. Il sait bien pourquoi il se bat ainsi, du moins, il pense le savoir. Il sent qu’il le sait, il en est même convaincu. Mais, à ce jeu d’échec, il ne se révèle pas très futé, un bien piètre adversaire, incapable de conjuguer ses forces, souvent dispersées dans des querelles futiles et insignifiantes. Alors, de temps en temps, l’adversaire lui mange un pion ou deux, dont il se servira comme des trophées pour narguer ou corrompre quelques-uns parmi ses adversaires, celles et ceux qui tardent encore à changer de camp mais qui chevauchent quasiment la clôture. Ceux-là serviront de cartouches à brûler, de piétaille et de chair à canon qu’on offrira en holocauste à leurs anciens partenaires de luttes, qui n’ont pas su choisir le « bon camp » et qui traînent encore dans le carrousel des contestations devenues soudain stériles, aux yeux décillés de ceux qui ont été renversés sur le chemin de la Vérité et du Catéchisme de cette nouvelle Démocratie qu’on leur proclame à tous vents.

Des fois, on en achète aussi à crédit. La vérité est une commodité qui se transige bien, auprès des saltimbanques de la Cour aux Miracles. Et, certaines «vérités» se maquillent à souhait, pour fins de transactions, surtout pour consommations internationales. Par exemple, on peut confédérer des bandes de bandits armés pour – tenez-vous bien – augmenter la sécurité et combattre le crime. C’est un peu inédit, mais n’est-ce pas merveilleux? Il suffirait d’y «croire». On peut faire des miracles avec la foi. Ne dit-on pas que la foi peut faire tomber des obstacles… Toutefois, malgré tout, tout le monde n’est pas preneur. Certains poissons refusent carrément de mordre à cet hameçon qu’on voudrait leur entrer de force dans la gorge. C’est qu’ils ne sont pas bêtes, du moins pas tous. La Foi, c’est une chose, mais la crédulité, c’en est tout autre. Et, quand certains incrédules ne sont pas à vendre, parce qu’au jeu de la Borlette, ils s’y connaissent un peu, parce qu’au jeu des étiquettes ils se sont recouverts d’une bonne couche du Téflon que confère la réussite financière et qu’on n’arrive plus à leur coller grand-chose à la peau, alors tant pis. Aux grands maux, les grands remèdes! Ils deviennent alors des Hérétiques dont on se débarrasse prestement. Faites de l’air, mesdames et messieurs, les Hérétiques. De grâce, disparaissez ou restez à couvert. D’autres vous remplaceront avec l’échine plus souple, bien que plus avenante et encore de fière allure intellectuelle. Après, l’on me chantera que l’âge amène la raison! Vraiment ? Et puis quoi encore!

Cela fait huit ou dix ans que l’on tente la même recette, et elle trouve encore moyen de fonctionner avec certains. On ne me fera pas croire qu’ils sont tous devenus bêtes à manger du foin, toutes celles et tous ceux qui tombent encore dans le panneau. Chaque fois, quelques illuminés pensent avoir trouvé la faille à l’armure et, sous-estimant la rouerie de l’autre camp, s’y rallient, dans l’espoir, comme dirait le Professeur, de regrettée mémoire, de parvenir à faire quelque chose comme une grande «percée louverturienne» qui les propulsera en orbite politique, en compagnie des grands. Et, en cette auguste compagnie, on trouve rarement des gueux. Juste à s’y frotter un peu, on gagne en train de vie, en fortune et en respectabilité. Pour la plupart, dans ce genre d’aventure, plusieurs ont laissé un peu de leur lustre académique, pour celles et ceux qui en avaient, un peu de leur superbe, chaque fois qu’ils se sont laissé allécher par cette équipée périlleuse mais combien tentante. C’est cette idée fixe qui les afflige de cette vision de tunnel politique qui les rend presqu’aveugles et sourds, incapables de faire leurs, les leçons dont l’Histoire les abreuve pourtant généreusement. La filouterie et le marronage politique ne durent jamais longtemps. Ils peuvent contribuer à remporter des escarmouches, voire quelques vraies batailles, mais jamais de guerres de tranchées, classe contre classe, comme celles qui font rage actuellement au pays, par bandits proxys interposés. C’est une parmi les leçons apprises. Les ogres, à l’appétit vorace, ne se laisseront pas abuser par quelques ruses et quelques stratagèmes. Ils savent ce qu’ils veulent et ils y mettront le prix, sauf si l’adversaire est prêt, lui aussi, pour la surenchère, sauf si, comme partout ailleurs, les proxys finissent par se rendre compte qu’ils y laisseront leur peau tandis que les barons locaux et leurs donneurs d’ordre étrangers en tireront les seuls profits. C’est une deuxième leçon qu’il nous faudra retenir. Alors seulement, ceux-ci y penseront à deux fois et peut-être voudront-ils traiter leur adversaire avec le respect auquel il a droit. Mais pour cela, il faudra que cet adversaire le mérite et qu’il le gagne de haute lutte, comme c’est le cas partout ailleurs dans le vaste monde. Ce sera difficile, car, comme des loups, ils agissent en meute, ils s’organisent en Core et encore, pour que la proie exsangue ait moins de chance de s’en tirer toute seule, et pour que d’autres proies ne se hasardent pas à lui porter assistance, de peur d’attirer sur elles leurs convoitises scélérates, à leur tour.

Ils reviennent donc sans cesse à la charge. La stratégie est claire et limpide, comme de l’eau de source. Il y a, chez nous, un irritant qu’ils ne peuvent plus blairer. C’est cette Constitution qui empêche, qui contrarie leur propension irrésistible à s’accaparer du peu de ressources encore tapies dans nos sous-sols. Le Président Préval voulait jeter un peu de laisse, en modifiant la Constitution, juste un peu. Mais ce ne fut pas assez donné. Cela n’a pas suffi. Ils en voulaient encore plus, beaucoup plus. Et il faillit être jeté, lui-même, par-dessus bord, presque rendu au terme de son mandat. Mais, si on se ravisa in extrémis et qu’on lui laissa terminer non sans peine son mandat, on ne lui pardonna quand même pas son manque d’initiative, sa trop grande frilosité, sa roublardise même. Aussi, son poulain désigné, Jude Célestin, en paya-t-il le prix, deux fois plutôt qu’une. On désarçonna carrément celui-ci, bien qu’il fût le gagnant de la compétition, le choix clair et incontestable des urnes, à la régulière. Alors, on eut recours à la démocratie asymétrique, à géométrie et à paramètres variables! Maintenant, on veut améliorer le régime pour ne plus avoir l’air de fausser les règles en cours de route. On veut y installer, désormais, des biais systémiques en amont, à même la Constitution que l’on rerédigera en conséquence. Les textes sont déjà prêts, il y manquerait juste quelques corrections à apporter, ici et là. Quelques constitutionalistes du dimanche s’y étaient déjà penchés récemment. Leurs doctes travaux manqueraient un peu de lustre, et, ne parlons pas de rigueur. Mais, qu’à cela ne tienne! Il lui suffira d’obtenir la bénédiction de quelques constitutionnalistes patentés pour une onction finale, un parfum d’acceptabilité. Ah! L’intelligence, cela se monnaie, en temps et lieu. La renommée aussi. Suffit-il juste de savoir attendre son tour? Au diable alors tous les scrupules? Banalités?

Mais, au détour, il reste encore quelques irréductibles qui osent dire encore: NON! Ceux qui invitent à tous vents, d’investir le pays avec armes et bagages, sous prétexte de venir le pacifier des monstres lâchés exprès dans nos contrées, ne prennent même pas la précaution d’y mettre quelques balises, quelques exclusions, à tout le moins. Et, à cela, quelques consciences retorses n’arrivent tout simplement pas à se taire et à consentir d’y adhérer. Non, c’est NON! Surtout pas des bottes des forces armées dominicaines. Quand même! Ni d’ailleurs de celles des corps expéditionnaires français, non plus! Nos dirigeants actuels auraient pu trouver la décence, à défaut de la force, de murmurer ces conditions minimales à cette invitation à tous les pays qui le peuvent, d’envoyer une force robuste non onusienne, faire le ménage, sans balise et sans garde-fous, dans notre pays. Mais, la reptation, paraît-il, n’est pas très adaptée à esquiver les terrains minés et à éviter la fange vaseuse. C’est un mode qui sied bien à ceux-là dont la colonne est en option.

C’est la énième fois que ce pouvoir, remétamorphosé, utilise l’artifice de l’Accord Consensuel, travesti d’un paquet d’adjectifs, les uns plus ronflants que les autres. Un Accord n’est consensuel que si les autres, ceux qui ne sont pas du même côté de la table dès le départ, y consentent et y adhèrent, parce qu’ils y gagnent aussi quelque chose. Un Accord n’est rassembleur que s’il parvient à obtenir la signature d’un large ensemble d’acteurs, pas seulement tous ceux et toutes celles qui se rassemblent généralement à la même mangeoire. Et si, à l’occasion, une hirondelle déboussolée et affligée par le malheur, prend abri dans une tanière humide, cela ne fera pas d’elle un habitant des lieux, un troglodyte à demeure. Aux premiers rayons de soleil, elle fuira cette engeance insolite pour égayer, de ses chants, un horizon plus vaste et plus propice à l’écouter. Du moins, c’est souhaitable. Sinon, elle finira, comme bien d’autres avant elle, comme hors-d’œuvre, au festin des gloutons.

Cela fait si longtemps qu’on en parle et qu’on en reparle. Des problèmes d’Haïti, les autres en ont soupé. Il s’installe, dans certains pays, une grande lassitude, une fatigue d’entendre parler de nos sempiternelles crises. Le monde est prêt à en finir, et pas nécessairement en prenant des précautions d’usage, ni les méthodes appropriées. Une médecine de cheval, à forte dose même, pour éviter la récurrence, c’est de cela qu’on parle. Ou bien, on tourne la page, et l’on fait comme si de rien n’était. Ou bien, l’on peut faire comme si ce dernier accord d’Ariel Henry et de son gouvernement, ce dernier accord fomenté, sans doute, à l’instigation du Syndicat diplomatique, était absolument authentique. Il tombe pile, tout à fait opportunément, au moment des délibérations onusiennes sur une intervention non onusienne en Haïti. Une fois cette formalité reconnue et attestée aux yeux du monde, il ne restera plus qu’à mettre plein les gaz et à engager les ressources, une bonne fois, une autre fois, pour mater Haïti et son peuple. Et, comme cela coûtera des sous, on ne nous fera pas de cadeau. Les pacificateurs accourus à notre aide et à notre demande officielle, pourront, à l’avenir, se rembourser leurs frais encourus, à même les ressources du pays, bradées en toute légalité, grâce à une nouvelle Constitution, revue, corrigée et formatée, en adéquation avec nos capacités démocratiques. Même si le nouvel Accord Consensuel de M. Henry pourrait n’être qu’un autre pétard mouillé, dans les faits, il pourrait quand même en résulter un changement majeur de paradigme. Et pas nécessairement pour le meilleur. Il aura pavé la voie pour un bradage et une mise à sac en règle de la République d’Haïti, et cela, en tout respect de nos lois et de la Constitution en vigueur. Alors, que ceux, qui consentent à y souscrire et à inscrire leur nom au bas du texte pour le parapher, se le tiennent pour dit.

Pierre-Michel Augustin

le 27 décembre 2022

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