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C’est la fête patronale de la Ville de Jacmel Pierre-Michel Augustin

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Il souffle sur le pays un vent d’incertitude qui laisse plus d’un pantois, sans aucun repère, sans aucun clair indicateur de ce que sera demain. Il y a tant de choses à mettre à niveau, tant de brèches à colmater, que je me suis dit qu’il valait autant se pencher sur un sujet qui fait aussi partie de notre actualité régionale et qui s’impose à nous, aujourd’hui, au niveau national. La Cité d’Alcibiade Pommayrac, un des grands poètes jacméliens, parmi tant d’autres, fête le 1er mai 2022, ses Saints Patrons, St-Philippe et St-Jacques. Mais cette dernière année aura été marquée par plusieurs tragédies dont les plus récentes sont survenues la semaine dernière. Jacmel, au cours de cette dernière année, aura été frappée par plusieurs incidents spectaculaires, certains coûteux en vie, d’autres en pertes financières importantes mais toutes relevant de la dégradation générale de la situation du pays. Les Saints Patrons de Jacmel, lui auraient-ils tourné le dos, pour avoir négligé de restaurer la cathédrale qui leur est dédiée, depuis sa fragilisation lors du séisme de 2010?

Comme les autres villes au pays, Jacmel n’a pas été exemptée par la déliquescence administrative et politique qui sévit au niveau national. Certes, elle a été épargnée par le tremblement de terre d’août dernier qui a bouleversé la vie et l’univers de nos compatriotes dans les autres départements du Grand Sud, mais c’est à peu près tout. Tout comme les Cayes, Aquin, Côte-de-Fer et Bainet, Jacmel est devenue une de ces villes dont la presque totalité de ses liens avec la capitale se résume à quelques vols de petits avions, pour survoler l’embâcle meurtrière, imposée par des gangs armés, postés le long du corridor routier entre Martissant et Carrefour, la Route Nationale numéro 2.

La cascade des évènements malheureux, touchant cette ville cette année, a commencé en octobre 2021. Dans la soirée du 19 octobre, un petit avion en provenance de Port-au-Prince, avait dû faire un atterrissage de fortune dans l’espace de l’aérodrome, mais pas sur la piste. Le petit zinc, abandonné dans les hautes herbes sur les côtés de la piste, avait été alors vandalisé, et les autorités, à ce jour, ne se sont pas prononcées de façon officielle sur cet incident. Néanmoins, aucun décès ne fut à déplorer à cette occasion. Le 29 mars dernier, pour imiter le geste combien condamnable de la population cayenne sur un semblable aéronef, des gens de la population de Jacmel mirent à feu la carcasse de cette épave, pour signifier leur ras-le-bol concernant l’embâcle meurtrière à Martissant qui interdit le flux régulier et normal des échanges et des ravitaillements de leur ville, en provenance de la capitale. Cet incident ne fut qu’une semonce, tenant compte de ce qui allait s’ensuivre. 

Dans la soirée du 16 avril, un camion, transportant une «bann rara» (rara Inosan) et quelques-uns de ses supporteurs, a chaviré à la hauteur de Meyer, en banlieue immédiate de la ville de Jacmel. Le bilan est lourd. Quatre personnes sont décédées sur place et une soixantaine sont blessées, plusieurs d’entre elles, très gravement. On s’explique encore mal les causes de ce tragique accident de la route et, tout de suite, on se perd en conjectures diverses. D’aucuns évoquent un possible état d’ébriété du chauffeur. D’autres penchent de préférence pour un excès de vitesse qui aurait causé la perte de contrôle du véhicule. Plusieurs mettent à l’index la surcharge évidente du véhicule tout autant qu’une défaillance du système de freinage du camion. Dans tous les cas de figure envisagés, cet accident ne serait pas arrivé, si, le moindrement, les services publics s’étaient acquittés convenablement de leurs responsabilités, à mon point de vue. En période de liesse publique, comme pour la fête des rara durant la Semaine Sainte, il aurait été normal et tout à fait indiqué de déployer des forces de sécurité routière sur la voie publique pour justement prévenir ce genre de débordement. La circulation de ces véhicules aurait dû être restreinte et contingentée, de manière à assurer la fluidité de la circulation à vitesse réduite, pour tenir compte de la présence possible de fêtards et des «bann rara» sur certaines des artères municipales et départementales. La sobriété des chauffeurs de ces véhicules devrait être également contrôlée par la force publique certes, mais les propriétaires de ces camions qui les confient également à des chauffeurs pour la circonstance, devraient être couverts par des provisions d’assurance-responsabilité civile adéquates, pour garantir le paiement des indemnités aux victimes de ces accidents. Mais je m’égare un peu, en explorant ainsi certaines mesures de mitigation.

Le mardi 19 avril, au petit matin, vers les 4 heures, un incendie s’était déclaré au marché public communal de Beaudoin. C’est le plus vaste et le plus récent marché communal du Sud-Est. Il est composé de deux quartiers commerciaux dont celui dit du Brésil, et celui dit du Chili. Le premier a été totalement consumé dans les flammes, et les articles qui y étaient entreposés sont une perte totale. Rejointe au téléphone, la Coordonnatrice de l’organisme «Fanm Deside», à Jacmel, Mme Marie-Ange Noël, a confié que les pertes sont énormes, de l’ordre de 73 millions de gourdes environ, selon les premières estimations. Quelque 300 marchandes et étalagistes auraient perdu la totalité de leurs commerces, pour la plupart, entrepris au moyen de prêts consentis à grande peine par des institutions financières locales ou des projets de micro-crédit. La rumeur principale place la source de cet incendie dans des initiatives imprudentes qui consistent à brûler des immondices que les pouvoirs publics municipaux négligent de ramasser régulièrement, pour assainir les environs et les locaux du marché. Depuis le mois de novembre 2021, les employés municipaux qui n’auraient pas été rémunérés depuis plusieurs mois, (42 mois disent certains, incroyable!) auraient cessé de faire la collecte des déchets. Et pour éviter d’en être submergés et de devoir se battre en plus contre toute sorte de vermine que leur présence occasionne, les occupants du marché auraient pris l’habitude, depuis quelques temps, de les brûler eux-mêmes, sans trop prendre les précautions d’usage. Cette fâcheuse et dangereuse habitude aurait été à l’origine d’incendie de plusieurs marchés municipaux au pays, ces dernières années. Ce serait la cause la plus plausible. Mais d’autres rumeurs courent également, à l’effet qu’une main, ou même que plusieurs mains criminelles pourraient avoir allumé ce feu. Une commission d’enquête est d’ailleurs constituée pour aller au fond de cette autre tragédie. Entre temps, on nettoie le site de l’incendie, à grands coups de bulldozer et de machinerie lourde, et l’on ramasse les débris pour les envoyer quelque part dans un site d’enfouissement du côté de Premier Pont, à l’entrée de Jacmel ou dans la zone de Bois-Bœuf, non loin du Cap-des-Maréchaux, en banlieue est de la ville, avec tous les risques à l’environnement que cela peut comporter.

Puis, le 20 avril, un avion à destination de Jacmel, tombe du ciel, à Carrefour, sur la Route des Rails, à quelques kilomètres de son aéroport de départ, tuant, sur le coup, ses cinq passagers, mais aussi faisant des victimes dans la population à terre. Officiellement, l’OFNAC «rapporte» que ce petit aéronef privé n’avait pas de permis pour effectuer des vols avec des passagers publics, pour un. De plus, l’OFNAC «rapporte» que l’avion aurait décollé de Port-au-Prince à 15h44 et aurait lancé des appels de détresse à 16h04, soit 20 minutes après son départ. Or, nous savons que la durée d’un vol entre Port-au-Prince et Jacmel est d’environ 15 minutes. Comment comprendre alors que l’avion tombe des airs, sur la Route des Rails, à environ 3 minutes de son aéroport de départ, sans avoir eu la possibilité, durant tout ce temps, de rallier sa destination ? Mystère et boule de gomme! Pour leur malheur, trois Jacméliens d’origine, selon Mme Marie-Ange Noël, dont deux en provenance du Canada, en visite au pays, perdront la vie dans cette aventure marquée au coin de la négligence d’État, au coin de la déliquescence des institutions de l’État. Comment se fait-il que des aéronefs puissent prendre les airs sans la certification requise, sans les autorisations dûment obtenues des autorités en place? Pour information, la Route des Rails est à proximité des terminaux de carburant de Thor, que dis-je, elle les longe entre la rue Romaire et le Rond-Point de Thor 12. Sans parler de l’usine d’électricité non loin, non plus. Voilà une zone de haute sensibilité stratégique, avec un potentiel explosif considérable, installée en plein cœur d’une population dont la densité avoisine 3 096 personnes au kilomètre carré, dans une agglomération de plus de 511 000 habitants, exposée au survol d’aéronefs privés de fortune, pilotés sans autorisation par des casse-cous, sans considération pour la vie d’autrui. On aurait pu essayer un amerrissage, à moindre risque pour la population locale et pour les infrastructures importantes dans les environs. Mais le pilote aura préféré risquer la vie d’autrui et la destruction potentielle de dépôts de carburants, pour tenter de sauver sa vie, en pure perte d’ailleurs. Vous l’aurez deviné, après ce tragique accident qui a coûté la vie à au moins 6 personnes, « une enquête a été diligentée » par les autorités en place. Mais ne retenons pas notre souffle pour autant, car on risque d’en attendre longtemps le rapport et, encore plus, des mesures pour éviter la répétition de tels accidents et pour mieux protéger la population et nos infrastructures. La Providence y pourvoira sans doute pour nous, à défaut de nos gouvernants.

Cette pluie de catastrophes dont certaines, encore toutes chaudes, n’a pas empêché les célébrations de la fête patronale de la Ville de Jean Métellus de se dérouler, un peu comme si de rien n’était. À la messe, célébrée en l’honneur des Saint Patrons de la Ville, on pouvait voir le gratin politique du Sud-Est, «Papa Tounen» lui-même, l’actuel Président du dernier tiers du Sénat, M. Joseph Lambert, ainsi que l’ex-Premier Ministre de facto, M. Jean-Michel Lapin, en première ligne des officiels, salués à tour de rôle par le défilé des officiants qui ont à peine fait mention de cette situation exécrable que vit la métropole du Sud-Est. Tout va très bien dans la République, puisque le Sénateur, lui, a pu traverser les lignes mortifères des bandits de Martissant et de leur chef, Ti Lapli, ou que son avion a pu atterrir, lui, sans encombre. Les célébrations avaient démarré dès le 28 avril, et des bals se tenaient aux quatre coins de la ville. Du moins, c’est ce que nous rapporte Le Petit Fûté. Le Festival de Jazz de Jacmel a eu quelques performances en présentiel et quelques-unes virtuelles, dont celle du Camerounais, Étienne Mbape, selon ce que rapporte Marcia Moïse de Impulse Web Média, dans sa parution du 2 mai.

Comme quoi, la vie suit son cours, presque normalement, en dépit de cette pluie incessante de catastrophes, les unes plus sévères que les autres. La vie continue. Elle frétille, tel un petit poisson attaché à l’hameçon, qui se débat éperdument avec l’espoir de s’en libérer et de retrouver le refuge liquide dont il vient d’être extirpé. On chante des cantiques, on invoque l’intervention du Tout-Puissant dans le gâchis que nous nous évertuons à créer et à empirer. On vaque invariablement à nos occupations, sans prendre le temps de comprendre et de corriger les travers qui nous condamnent invariablement aux mêmes catastrophes. Des feux à répétitions qui consument nos marchés publics, parce que nous ne prenons pas la peine de ramasser les immondices qui s’y accumulent pour les amener à une décharge publique, avant de les brûler avec précaution; des petits avions qui tombent du ciel, parce qu’ils prennent les airs sans autorisation, sans inspection, en faisant fi des réglementations de sécurité publique, normalement applicables en la matière; des bandits qui bloquent des voies publiques et qui en interdisent l’accès à nos commerçants et à nos Madan Sara qui sont obligés de se rabattre sur des expédients de fortune… Et l’on s’attend à mieux, sans prendre aucune action… À la grâce de Dieu… Et la vie continue, comme si de rien n’était. D’aucuns appellent cela de la RÉSILIENCE. Vraiment? Un peuple bon enfant, avec parfois quelques sautes d’humeur, mais qui se laisse tondre la laine sur le dos, mais qui se laisse saigner, dévorer debout par des chacals en veston et cravate, acoquinés à des petits malfrats qu’ils arment à ses dépens, à nos dépens. RÉSILIENCE, dites-vous? INCONSCIENCE, peut-être. Navrante inconscience, comme celle de l’ivrogne qui roule à tombeau ouvert sur une route étroite, serpentant le long d’une falaise abrupte, oui! INSOUCIANCE, DÉFAISTISME, FATALISME, sans doute… Et puis, après les pleurs, après les catastrophes en cascade, les mêmes comportements, les mêmes je-m’en-foutismes, sans rien apprendre des erreurs du passé, de celles d’hier qui se répètent aujourd’hui et qui surviendront encore demain, à Dieu ne plaise.

Mais, tout de même, c’est la fête patronale de la Ville de Jacmel, la fête de St-Philippe et de St-Jacques. Elle coïncide avec la fête de l’Agriculture et du Travail et auxquelles est greffé, depuis quelques années, un festival de Jazz, fort prisé, malgré les circonstances. Puisse, quand même, la métropole du Sud-Est connaître des jours prospères et paisibles. Mais, par-dessus tout, puissent ses filles et ses fils se réveiller de cette torpeur qui la laisse s’enfoncer dans son déclin et sa décrépitude, tout comme, d’ailleurs, le reste du pays. Jacmel, une si belle petite ville, lovée dans cet écrin naturel, fait de mer bleue, agitée et de montagnes encore plus ou moins verdoyantes qui la parent encore mieux, et pourtant si maltraitée…

Pierre-Michel Augustin

le 2 mai 2022 

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