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Cette fois, le Sénateur du Sud-Est n’aura pas démérité de son surnom

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Hier, c’était la rentrée du Sénat de la République, du moins, pour ce qu’il en reste. Toute la semaine dernière, et encore jusqu’à ce matin, les rumeurs voulaient que le mandat du dernier tiers de la Chambre Haute arriverait à son terme et, qu’en conséquence, les autorités exécutives seraient «contraintes» d’en constater la caducité, pour utiliser le jargon établi en pareille circonstance. Ainsi, il en serait fait de tous les vestiges de la soi-disant démocratie en Haïti, pour rentrer totalement dans ce qu’il conviendrait de désigner plutôt comme une «démocrature». Mais on reviendra sur le sujet, pour dessiner les contours plus ou moins flous de ce concept.

Toute la semaine dernière, aux créneaux se succédaient les partisans de l’un ou de l’autre camp. Les partisans de la Tabula rasa mettaient de l’avant les mêmes arguments qui avaient prévalu pour renvoyer les deux tiers précédents, sans toutefois avoir admis leur applicabilité dans le cas du Président Jovenel Moïse, lorsqu’il en était temps. La règle s’appliquerait bien pour tous, sauf pour ApreDye qui serait bien au-dessus de ses fredaines démocratiques et constitutionnelles. Ce ne serait pas normal qu’il y soit assujetti, toute chose étant égale par ailleurs, comme le dit la formule. Les partisans du maintien du mandat des dix derniers sénateurs ne sont pas non plus à une incohérence près, de leur côté. Ce sont quand même ces mêmes sénateurs, qui avaient accepté d’entériner la décision boiteuse de l’ex-Président Moïse aux dépens de leurs collègues, qui, aujourd’hui, contestent l’applicabilité de cette même logique, cette fois-ci sur eux-mêmes. Ce qui est fascinant dans toute cette situation, c’est que tous les tenants de ces discours contradictoires sont, pour la plupart, des doctes membres de la basoche et des férus de notre Constitution. Certains, comme Me André Michel, du Secteur Démocratique et Populaire, auraient même flirté avec les deux versants de cette controverse. Il faut croire que quand on tord suffisamment le cou à la Loi ou à la Constitution, on parvient, paraît-il, à leur attribuer n’importe quelle interprétation. Comme quoi, il suffit juste de forcer la donne un peu pour fausser considérablement la note. Au diable alors, les principes ! Les opportunités du moment seuls dicteraient leurs discours.

Dans le crescendo de cette campagne, on avait fait circuler une fausse lettre de démission et d’appel à la démission de ses collègues restants, en provenance du Sénateur Dumont à qui plus d’un concèdent un statut de pureté quasi angélique et d’honnêteté presque proverbiale, parmi bon nombre de ses collègues du Grand Corps dont la réputation serait plus ou moins douteuse. Toutefois, Pépé l’a démentie vertement et reste bien dans les rangs du dernier tiers des sénateurs qui revendiquent un mandat dont la fin n’arrivera qu’en début de 2023. Puis vint le kidnapping de trois membres du cortège de sécurité rapprochée du Sénateur Lambert. Il ne s’agissait pas de n’importe quels agents de police. En effet, ce seraient des membres d’unités d’élite de la Police que des vulgaires bandits, sans entraînement tactique quelconque, seraient parvenus à enlever sans difficulté, au hasard de leurs pérégrinations, à la recherche d’un bon coup qui leur rapporterait un butin vite fait. Du grand art, n’est-ce pas ? Ce que le hasard peut tomber pile ! Il n’en fallait pas plus pour attribuer à ce dernier exploit un caractère d’intimidation adressée au Président du Grand Corps. Sans indexer personne, surtout pas l’autre camp, le Sénateur Lambert se cabre alors dans une posture de défi et maintient la convocation des membres du Parlement, des employés de cette institution et des forces assignées à la protection de celle-ci, pour le lundi 10 janvier, à l’occasion de la rentrée officielle. Mieux encore, il tient parole et livre même un discours officiel à la Nation, du haut de la tribune du Sénat de la République. Le gant est donc jeté. À l’autre de le relever et de constater la caducité du mandat du dernier tiers du Sénat, s’il a les moyens de ses velléités ou le courage de ses ambitions politiques.

Entre-temps, l’Exécutif qui planifiait une réunion du Cabinet des Ministres, hier, la reporterait sans une date précise à l’agenda. Il ne semblerait plus trop sûr de vouloir avancer sur ce terrain qu’il ne contrôle pas tout à fait. Mais le temps presse pour lui. Il sait qu’en laissant passer l’échéance du 10 janvier, sans bloquer le Sénat, il se retrouvera confronté à une autre: celle du 7 février 2022. Ce serait, de l’avis de plusieurs, la date de la fin du mandat que se reconnaissait le défunt président et que d’aucuns croient que l’actuel Premier Ministre de facto serait en train de compléter. De sorte qu’au 7 février 2022, on serait en droit de demander à ce dernier de remettre sa démission. Et, devinez qui serait appelé à assumer le pouvoir, le cas échéant ? Je vous le donne en mille… L’on comprend alors que le jeu soit aussi corsé et que les deux camps fassent très attention à protéger leurs arrières, sans toutefois trop se ménager. Il est clair que l’Exécutif actuel souhaiterait, par tous les moyens, priver les membres du tiers actuel du Sénat de son aura de légitimité comme «seuls élus du peuple», ultimes vestiges de notre démocratie moribonde. Ceux-ci, de leur côté, s’érigent, à tort ou à raison, comme les derniers remparts contre cette «démocrature» qui nous menace et dont l’avènement sonnera le glas de nos institutions, de notre Constitution et le parachèvement de la déconfiture totale et irréversible de notre pays.

Mais ce n’est pas tout. Comme on le sait bien, un des acteurs prédominants de notre scène politique locale s’appelle: la Communauté Internationale, et il ne se prive pas de peser de tout son poids dans la balance. Depuis l’extradition de Palacios Palacios, du Panama vers les États-Unis, et depuis l’arrestation du nommé Jaar en République Dominicaine, la fronde semble monter de plus en plus contre Ariel Henry, désigné par plusieurs comme un co-conspirateur ou, à tout le moins, comme un complice de ceux qui ont comploté pour réaliser l’assassinat de Jovenel Moïse. Les sources sont de plus en plus précises et diverses. Le nommé Jaar, le RNDDH et même Daniel Foote y font allusion. La pression qui s’exerce sur lui, arrive de toutes parts. Et lorsque ces deux accusés (Jaar et Palacios) se seront mis à table pour copieusement collaborer à l’enquête internationale sur l’assassinat de Jovenel Moïse, il n’est pas dit que l’actuel champion de la Communauté Internationale en Haïti conservera longtemps ses faveurs. Généralement, la Communauté Internationale, notamment les États-Unis d’Amérique, est connue pour se défaire aisément de partenaires devenus des colis encombrants, sans aucun état d’âme. La déferlante, cette fois, risque d’emporter tous les débris sociaux et politiques, accumulés durant cette dernière décennie, sur la terre d’Haïti. Leurs avatars s’en seraient bien rendus compte et certains chercheraient à se réinventer. Cela risque d’être assez difficile pour eux, car leur donneur d’ordres habituel aurait son plat rempli à ras-le-bord. Il doit composer à la fois avec une morosité économique, une pandémie meurtrière et un défi ostensible à son statut hégémonique par un challenger autrement plus crédible, économiquement et même militairement, que son ennemi très utile pour le succès de sa politique intérieure, au temps de la guerre froide. Alors, pour Haïti et son cortège habituel de problèmes politique, social et surtout économique, il n’a ni le temps ni l’appétit de s’y attarder outre-mesure. Il risque fort de nous laisser aller, cette fois-ci, jusqu’au bout de notre spirale destructrice, et en découdre pour de bon avec nos vieux démons.

La différence, aujourd’hui, c’est l’apparition de cet acteur étrange, au sein même du personnel de ce voisin imposant, associé à notre dossier; une espèce rare d’ornithorynque politique, s’il en est. Les positions publiques et assumées de Daniel Foote, cet ex-émissaire américain sur le dossier d’Haïti, en rupture ouverte et fracassante par rapport à la position officielle du Département d’État, sont une première qui déconcerte bien des observateurs. À quoi peuvent bien rimer ces chahuts persistants, ces tweets en contrepointes et en porte-à-faux qui dénoncent tant La Lime, Merten et Blinken sur le dossier d’Haïti ? Serait-ce, pour une fois, une brise authentique de franchise, de sincérité et d’amitié envers nous, concernant les transes et les convulsions provoquées, parfois imposées même à notre petit pays? Ou Bien serait-ce une réédition de l’épisode du professeur brésilien, Ricardo Seitenfus, qui, après avoir embrassé la cause d’Haïti dans ses interventions publiques et ses dénonciations des agissements de la Communauté Internationale envers notre pays, avait fini par supporter, Ô surprise, le projet de Constitution néo-duvaliériste du PHTK. Allez savoir ! J’ai pour mon dire que lorsque cela paraît trop beau pour être vrai, il faut prendre garde à la camelote qu’on essaiera de nous passer en douce, après avoir endormi notre sagacité et notre vigilance, à coups d’aménité planifiée et intéressée.

Pendant que j’écris ces quelques réflexions, j’observe en parallèle l’évolution de la chose politique. Finalement, du moins pour le moment, Ariel Henry aurait sursis à sa velléité de constater la caducité du Parlement et aurait reculé devant la confrontation directe avec le tiers du Sénat, tout particulièrement avec l’actuel Président du Grand Corps qui avait résolument fait monter les enchères avec sa prestation d’hier. Certains esprits plus pondérés de son entourage et son naturel prudent auront prévalu, pour le moment, sur la tentation de se défaire tout de suite et une fois pour toute de cet adversaire politique affirmé et pleinement assumé qu’est celui que l’on appelle: l’Animal Politique. Pour le moment, Ariel Henry a d’autres préoccupations plus urgentes. Il voit arriver, dans ses rétroviseurs, deux autres menaces tout aussi dangereuses, sinon plus même, pour ses options et pour sa survie politique. D’un côté, les tenants des Accords dits de Montana et de PEN, qui travaillent à fusionner leur démarche, progresseraient tranquillement et pourraient devenir, éventuellement, une option de rechange intéressante pour celles et ceux qui entendent piloter à distance notre destinée de peuple. Avec ces franges de la classe politique, une entente serait encore possible pour lui, en vue de négocier une participation de son équipe ou une fusion partielle avec elles, avec une possible amnistie contre des recours judiciaires le visant personnellement. Du moins, il jonglerait avec cette perspective. De l’autre, les révélations sulfureuses de Palacios Palacios, jumelées à celles du nommé Jaar, tous les deux aux mains de la justice américaine, pourraient éventuellement conduire à une fin abrupte de sa carrière politique, pour s’ouvrir sur une autre très différente que celles que lui offrirait sa formation ou ses accointances politiques. On comprend, dès lors, qu’il temporise un peu, pour le moment, du moins. Mais la fuite en avant demeure encore tentante et reste dans ses plans, pour une utilisation éventuelle.

Dans le round qui vient de se jouer sur la scène politique, force est de convenir qu’Ariel Henry vient de perdre un peu la face. Cela fait deux semaines consécutives que cela lui arrive. Décidément, l’année 2022 commence bien mal pour lui et pour ses alliés. D’abord, il se fait sortir en catastrophe de la Cathédrale des Gonaïves, sous le feu des bandits, sans avoir pu prononcer son discours solennel à la Patrie, sur la Place d’Armes où nos fiers aïeux l’avaient fait avant lui, consacrant ainsi, s’il en était encore besoin, qu’il ne maîtrise nullement la situation sécuritaire au pays, même du point de vue personnel. Ensuite, il avait lui-même lancé des ballons d’essai quant à un renvoi possible du dernier tiers du Sénat, ce qui lui paverait une voie royale vers un contrôle absolu du pouvoir politique. En cela, il avait été suivi par son nouvel allié, Me André Michel du Secteur Démocratique et Populaire, qui avait assuré que la fin du mandat des derniers sénateurs était bien fixée au 10 janvier, à l’occasion de sa déclaration d’appui à rebours, quant à la garantie de la sécurité du Sénateur Lambert. Ces revers, coup sur coup, n’augurent rien de bon pour la suite des choses, quant à sa fortune politique. Pour cette fois, en tout cas, le Sénateur Lambert s’est montré à la hauteur de son surnom. L’Animal Politique aura gagné cette bataille. Mais qu’en sera-t-il de la guerre à finir entre ces deux hommes ? Il n’est que d’attendre, et la suite pourrait ne pas tarder à venir.

Pierre-Michel Augustin

le 11 janvier 2022

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