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Statut WhatsApp et identité personnelle : entre mensonge et réalité

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Est-il facile de passer une journée sans utiliser WhatsApp ? L’usage des réseaux sociaux fait désormais partie de notre mode de vie. Il est très difficile de s’en abstenir. Selon une étude réalisée par la firme Satifek Research, à Port-au-Prince en 2017, plus de 94% des utilisateurs de smartphone ont déclaré être connectés à des réseaux sociaux. Ainsi, selon ladite étude, WhatsApp est le réseau social le plus populaire, car environ 85% des utilisateurs ont déclaré en faire usage. Dès son lancement pour la première fois en 2009, son statut faisait déjà partie des fonctionnalités les plus intrigantes que possède l’application. Brusquement, nous nous servons du statut WhatsApp pour faire savoir à nos ami-e-s ce qui se passe dans notre vie quotidienne. Sur ces entrefaites, curieusement, nous nous interrogeons en ces termes : existe-t-il un possible rapport entre ce que l’individu expose sur son statut WhatsApp et son identité personnelle ?

Répondre à une telle question n’est pas naviguer dans un long fleuve tranquille. Un questionnaire a été préparé, plus d’une centaine d’utilisateurs de smartphone, WhatsApp en particulier, étant interrogés sur ce sujet. Mais ce serait peine perdue si nous ne tentons pas d’abord de définir le concept «d’identité», compte tenu de la complexité à laquelle il est sujet.

Parvenir à bien cerner le concept d’identité se veut une entreprise malaisée (Baudry, 2017). Le concept d’identité peut avoir plusieurs sens. L’identité peut être perçue comme le caractère de deux choses identiques. On peut la définir aussi comme étant le caractère de ce qui demeure identique à soi-même. Autrement dit, c’est ce qui permet de reconnaître une personne parmi toutes les autres. Ainsi, on parle d’identité judiciaire, qui consiste à établir l’identité des malfaiteurs. En psychologie sociale, l’identité de l’individu peut être perçue comme la reconnaissance de ce qu’il est, par lui-même ou par les autres. Ainsi, elle correspond à un ensemble d’éléments permettant d’identifier l’individu par rapport à autrui dans le groupe ou dans la société dont il fait partie. L’identité d’une personne se veut le produit de la socialisation. Peu importe qu’elle soit personnelle à l’individu, elle est quand même influencée par son entourage, lequel peut être l’environnement familial ou la société, dans un cadre global. L’individu parvient donc à s’identifier, dépendamment de la connaissance ou de l’idée qu’il se fait de son milieu social. L’identité est ainsi la conscience sociale que l’individu a de lui-même, mais dans la mesure où sa relation aux autres confère à sa propre existence des qualités particulières (Fischer, 2020).

L’identité est donc, dans une large mesure, une actualisation au niveau individuel d’un certain nombre de composantes sociales ; cela implique une définition de soi par les autres et des autres par soi-même, c’est-à-dire qu’il s’agit de découvrir qui on est pour soi-même et pour les autres, et qui sont les autres pour soi (Laing, 1971). Ainsi, selon la perspective de l’interactionisme symbolique, la reconnaissance ou la vérification de l’identité s’accomplit à travers les interactions. C’est un concept très indispensable pour la psychologie sociale, exprimant la résultante des interactions entre l’individu et son environnement social. Autrement dit, c’est l’articulation du psychologique et du social chez l’individu.

À travers cet article, nous allons considérer l’identité comme un processus d’individualisation ou un processus psychologique de représentation de soi qui s’exprime par le sentiment d’exister, en tant qu’être singulier. Aussi allons-nous voir dans quelle mesure les photos, les vidéos ou les textes, qui sont partagés sur les statuts WhatsApp, reflètent l’image des individus qui les ont postés. Nous sommes certains que les lecteurs (trices) avisé-e-s vont se demander d’où vient cet article. Pourquoi Wilems a fait choix d’un tel sujet ? Un auteur n’invente rien ! Le rôle de son imagination est de transformer la réalité de son imaginaire en œuvre d’art, pour paraphraser les propos d’Earl Lovelace. Cet article n’est pas le fruit du hasard. Il est émané d’un constat qui n’est étrange pour personne, qui est le fruit des expériences quotidiennes. Qui n’a jamais vu des gens très misérables poster des vêtements de luxe sur leur statut WhatsApp, on dirait qu’ils leur appartiennent ? Qui ne connaît pas des gens qui n’aiment pas lire et qui ne passent pas un jour sans partager des documents en format PDF ? Pourquoi les gens mentent-ils ? Quelle est la place du mensonge dans les relations sociales ? Peut-on construire une identité sur une base mensongère ?

Nombreux sont des auteurs et auteures (sociologues, anthropologues, psychologues, physiciens et mathématiciens) qui essaient d’expliquer l’impact des mensonges dans la communication quotidienne et d’étudier leurs motifs. Selon une étude, les mensonges sur les réseaux sociaux se veulent un élément substantiel, permettant le maintien de la virtualité des relations entre les gens. Ainsi, selon un article intitulé « Effects of Deception in Social Network », il existe deux types de mensonges sur les réseaux sociaux : les mensonges blancs ou prosociaux et les mensonges noirs ou antisociaux. Les mensonges blancs ont une connotation positive et innocente, alors que les mensonges noirs ont une connotation nocive et offensive. Selon une revue titrée « Proceedings of the Royal Society », les mensonges blancs ou prosociaux peuvent équilibrer et unir la société, en offrant une diversité d’opinions et en aidant à maintenir des relations sociales plus larges. Les mensonges noirs, de leur côté, ne font que favoriser la méfiance et briser les liens. Cependant, selon une autre étude, les personnes qui sont totalement honnêtes courent le risque d’être isolées. Elles n’ont pas beaucoup d’ami-e-s. De ce fait, d’un point de vue social, l’honnêteté est, certes, une vertu, mais elle n’est pas toujours idéale. La vie en société oblige donc les gens à être menteurs. Puisque ces derniers sont en interaction constante avec des groupes, ils sont obligés d’utiliser le mensonge pour tirer le meilleur profit, sur le plan social. Essayons de poser cette question : quelle est l’identité des personnes utilisant les réseaux sociaux ? Peut-on construire une identité sur une base mensongère?

Pour poursuivre notre petit bonhomme de chemin, il nous paraît nécessaire de mettre en exergue les deux formes d’identité suivantes : l’identité virtuelle et l’identité agissante. L’identité virtuelle caractérise ce que l’individu fait sur internet à travers une vie projective virtuelle, c’est donc ce que l’on projette de nous. Cela n’a rien à voir avec notre vie réelle. En revanche, l’identité agissante caractérise ce que fait la personne sur internet, reflétant sa vie réelle (Lycée Victor Hugo, Gaillac). Comme nous l’avons dit au début, oser traiter un sujet combien original nécessite un travail impeccable. Conscient de cette exigence, nous avons choisi l’entretien semi-directif comme technique d’enquête. Ainsi, nous avons mené cette enquête auprès d’un échantillon de 100 individus qui utilisent WhatsApp. Les résultats ont révélé qu’environ 70% de ces utilisateurs (trices) partagent des photos, vidéos et textes sur leur statut WhatsApp ne reflétant pas leur identité, ce qu’ils sont réellement. Aussi, il n’y a pas que les partages sur statut qui sont sujets à l’identité virtuelle. Il y a des individus affirmant également qu’ils affichent des comportements différents lorsqu’ils se tiennent derrière leur smartphone. Nous avons pu également remarquer, sur plusieurs groupes WhatsApp, des gens qui sont très sages quand ils se trouvent dans un espace physique, affichant des comportements antisociaux quand ils participent à une discussion sur un groupe WhatsApp. Cette étude montre que la tendance est plus du côté de l’identité virtuelle que de l’identité agissante. Mais il faut dire qu’il existe des individus qui gardent toujours leur identité réelle à travers les réseaux sociaux. La majeure partie de ces gens-là, qui conservent leur identité réelle, sont pour la plupart des chrétiens (ennes), des jeunes professionnels et des étudiants en sciences humaines et sociales, bien qu’il ne soit pas chose facile d’appréhender l’identité d’un individu dans un monde immatériel. Voilà un problème important que nous avons rencontré dans le cadre de ce travail.

Nous n’arrivons pas à confirmer l’hypothèse selon laquelle la vie en société oblige les gens à mentir. Mais nous avons découvert que l’identité personnelle se compose d’une portion mensongère. Même si les interactions sociales se veulent la condition sine qua non pour se faire une idée de l’identité d’autrui, elles se révèlent insuffisantes pour l’appréhender dans toute son intégralité. Peu importe qu’elle soit réelle ou virtuelle, l’identité ne peut s’abstenir du mensonge. Lorsque nous sommes sous le regard de quelqu’un, c’est-à-dire dès que nous sommes en coprésence avec un autre interactant, notre comportement a une signification que l’autre interprète : on transmet une image de soi (Goffman). C’est ce qu’on appelle «face» en sociologie. Selon Goffman, la face est une chose sociale qui n’est rien d’autre que la personnalisation de la société dans un corps et dans une situation. Moun lan pa p kite w wè anba l

Par Wilems Joseph

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