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Que Dit la Loi ? Des décharges pour les comptables des deniers publics

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Par un simple arrêté, le 4 juillet 2021, Jovenel Moïse a pris une décision d’accorder décharges pleines et entières à un ensemble de hauts fonctionnaires de l’État, tous ayant été ministres, de 1991 à 2017. Cette décision, pour le moins politique, a provoqué des remous, tant du côté de la société civile, que du côté des hommes politiques. Quelle est la portée d’une telle décision ? Quelle est la valeur d’un document de décharge accordée à celui qui était haut fonctionnaire, par le président de la République ? Enfin, quelle est la valeur juridique d’un tel document?

La décharge étant un acte administratif libérant un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire de tout doute qui pourrait exister concernant sa gestion des affaires de l’État, au cours d’une période bien définie, la Constitution prévoit les procédures selon lesquelles elle est accordée. En effet, la Constitution de 1987 prévoit deux catégories de fonctionnaires. Si la loi ne définit pas encore la notion de haut fonctionnaire, pour la décharge, nos constituants ont su faire le distinguo entre ceux qui ont besoin de décharge et ceux qui n’en ont pas besoin. Pour ceux qui en ont besoin, la Constitution les divise en deux catégories : ceux qui sont soumis au seul tribunal administratif (Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif), et ceux qui sont soumis au verdict du Parlement.

À l’exception des ministres qui sont soumis au contrôle du Parlement, tous les autres fonctionnaires sont soumis à la décision de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif. L’article 200 de la Constitution nous dit : «La Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif est une juridiction financière, administrative, indépendante et autonome. Elle est chargée du contrôle administratif et juridictionnel des recettes et des dépenses de l’État, de la vérification de la comptabilité des entreprises de l’État ainsi que de celles des collectivités territoriales.»

À comprendre cet article, tous les gestionnaires des fonds publics sous soumis au contrôle de la Cour Supérieure des Comptes. Cependant, pour les ministres, nos constituants ont su partager cette tache entre la Cour et le Parlement. Et c’est l’article 233 de la Constitution qui dit : «En vue d’exercer un contrôle sérieux et permanent des dépenses publiques, il est élu au scrutin secret, au début de chaque session ordinaire, une commission parlementaire de quinze (15) membres dont neuf (09) députés et six (06) sénateurs, chargée de rapporter sur la gestion des ministres pour permettre aux deux Assemblées de leur donner DÉCHARGE»

Il est clair que la seule instance habilitée à accorder décharge à un ancien ministre, c’est le Parlement. Toute décision de la part d’un autre organe pour donner décharge à un ministre, est nulle et non avenue. On n’a même pas besoin d’entamer une procédure en annulation. Elle est nulle de par elle-même. Elle n’a aucune portée et ne peut servir de rien. D’autant que les pouvoirs du président de la République sont déjà limités par la section B du Chapitre III de la Constitution à travers ses articles 136, 137 et suivant, 138 jusqu’ à 149. A noter que l’article 150 de cette même Constitution précise qu’en dehors de ces pouvoirs à lui accordés, il n’en a pas d’autres.

Sur le plan juridique c’est encore pire. Une décharge accordée par un président de la République, ne peut autoriser à la DGI de radier l’hypothèque des biens d’un ancien ministre. Une telle décision expose le responsable à des poursuites judiciaires pour abus de fonction. Car au regard de l’article 233 de la Constitution, UN DOCUMENT DE DÉCHARGE ACCORDÉ PAR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE N’A AUCUNE VALEUR JURIDIQUE.

Me Inseul Salomon

Avocat, Sociologue.

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