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«À l’orée du 217e anniversaire de notre Indépendance»

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Les 1ers janvier s’en vont et nous reviennent, chaque année, en ritournelle, comme Pâques en Carême.  Ils se suivent, mais ne se ressemblent pas toujours.  Et ce, pour des raisons multiples et variées.  Si, pour d’autres peuples de la terre, le  1er janvier rappelle à l’unisson la célébration du Jour de l’an, le moment tant attendu et l’occasion parfaite pour échanger des vœux (de santé, de longévité, de bonheur et de prospérité, entre autres), quelque part, dans la mère des Caraïbes, particulièrement au fond de l’archipel des Antilles, Ayiti baigne, le dos tourné vers la terre qui rappelle encore l’arrivée des premiers colons espagnols aux Amériques. 

Nous sommes justement au matin du 1er janvier 1804, réunis au pied de l’autel de la Patrie, aux Gonaïves.  Nos pères fondateurs s’y sont réunis pour jurer, à tout jamais, de vivre libre ou de mourir, par l’Acte solennel de la proclamation de notre Indépendance, après 13 ans (du 14 août1791, à la Cérémonie du « Bwa Kayiman », au 18 novembre 1803 à Vertières) de luttes violentes mais décisives contre la plus terrible armée de l’époque, soit l’armée française, l’armée napoléonienne.  Sous un ton de guerrier redoutable, l’ancien esclave meurtri au plus profond de son âme et de son corps, par les horreurs de l’esclavage, tel un animal sauvage, assoiffé de liberté et qui ne s’est jamais laissé apprivoiser par ses prédateurs, peut désormais avoir gain de cause sur son passé, pour  ainsi renouer avec son destin grandiose.  Par ces propos il s’adressa à son ami intime, son conseiller, son secrétaire et rédacteur de l’Acte de l’indépendance, Louis Félix Mathurin Boisrond : «Boisrond, je te charge d’exprimer au peuple, mes sentiments à l’égard des Blancs. »  Et celui-ci, dans un ineffable crédo traduisit ainsi la pensée du guerrier, Jean-Jacques Dessalines.  « Pour rédiger l’Acte de l’indépendance, il nous faut la peau d’un Blanc pour parchemin, son crâne pour écritoire, son sang pour encre et une baïonnette pour plume. »  Que c’est historiquement beau !  Ces moments de gloire ne peuvent que servir d’engrais à nos champs de souvenirs de peuple guerrier qui, sans égard aucun pour les puissances colonialistes, esclavagistes et racistes, s’est convaincu de renverser l’ordre anormal des choses pour ainsi, à la face des colons criminels, fonder la Première République Noire du monde et la prénommer Ayiti, en hommage aux premiers habitants de l’île, exterminés par la cruauté et la cupidité des Blancs.  Que de gloire, de fierté et de dignité couronnent notre histoire de peuple !

Célébrons donc, aujourd’hui encore, malgré nos désarrois et nos déboires, avec fierté, le 217e  anniversaire de notre Indépendance.  Toutefois, pour éviter de profaner l’esprit de cette date symbolique, je ferais plutôt usage de l’anglicisme « In dépendance »,  ce qui signifie : dans la dépendance, en lieu et place d’indépendance, vue l’état de délabrement et de honte dans lequel se trouve ce pays qui nous appartient tous et pour lequel se sont sacrifiés tant de monde, pour nous léguer, non seulement une portion de terre mais un pays, une patrie, la fierté de toute une race.  Il ne fait aucun doute que le 1er janvier 1804 rappelle la première grande prouesse de la race noire de l’histoire moderne, acte transcendantal de hauts faits d’armes de libération des jougs de l’esclavage de toute une race.  Après la mise en déroute de l’armée la plus redoutable de l’époque, nos ancêtres ont pu fonder une nouvelle nation, un nouveau peuple, la Première République Noire du monde, Ayiti.  Oui AYITI, l’un des noms de cette terre mystérieuse dont la définition diverge de la part de ceux qui nous ont arrachés d’Afrique pour nous y rendre esclaves.  On nous aura beau apprendre à l’école primaire, dans les livres des Frères de l’instruction chrétienne (FIC), que dans la langue  des Taïnos,  Ayiti signifierait :« terre des hautes montagnes » ou « la montagne dans la mer », ou « âpre terre », cependant, à force de grandir, notre curiosité et notre esprit critique nous ont poussé à aller prendre à la quête de la découverte de la vérité historique, celle qui nous affranchira désormais et définitivement de la servitude psychologique et mentale.  Ainsi, l’exploration d’autres sources d’information nous ont aujourd’hui clairement  démontré l’existence de définitions plus exactes de tous les noms désignant des coin de terre des plus merveilleux et singuliers.  Hervé Fanini-Lemoine, dans ces travaux minutieux d’authentification des différentes dénominations d’Ayiti intitulé «Face à face autour de l’Identité Haïtienne», offre, au grand public, une nomenclature de noms et de définitions de cette terre qui nous a vu naître, parmi lesquels les suivants : Ayiti (Aï-ti), «Terre des dieux» ou «Terre sainte» (en Arawak-taino).  En effet, sur fond d’une anthropologie sociale et culturelle, et d’un héritage culturel non assumé ni exploité, visant à recouvrer cette composante indigène de l’Identité et de la culture ayitienne, FACE À FACE, à travers des recherches documentées, met, en exergue, « une analyse critique de la pensée haïtienne, amalgamée à l’idéologie coloniale et raidie dans l’oubli du patrimoine ancestral.  Des informations documentées y sont fournies pour aider le lecteur à comprendre la dynamique» de ce travail de recherche, hors du commun, autour de l’identité ayitienne.  Plus loin, cette insistance sur l’importance du renouement de l’homme ayitien et de la femme ayitienne, avec leur identité et leur culture, se raffermit pour mieux se consolider et se refléter dans notre train-train quotidien, en toute âme et conscience.  « Au 21e siècle, l’enseignement et l’instruction sont un passage obligé pour gravir les échelons de la connaissance.  Un changement sans précédent se déroule sous nos yeux et l’éducation, empreinte d’inspiration et d’espoir, doit être envisagée sous un nouvel angle.  Cette éducation doit être basée sur la connaissance et non sur la culture du plus fort, comme cela a eu lieu jusqu’à présent.  La vision collective doit être modifiée et le savoir individuel doit être adapté à cette fin, en vue d’un affranchissement personnel.  Il s’agit d’abord de préparer nos éducateurs pour que, à leur tour, ils puissent mettre l’accent sur la préparation des plus jeunes, les adultes de demain.  Il faut donc reconsidérer les principes établis et porter les ajustements nécessaires à cette fin.»  Bien que ces parenthèses, ces digressions, puissent paraître pas tout à fait appropriées à l’idée initiale de la présente réflexion, tout compte fait, elles ne sont aucunement hors sujet, dans la mesure où la synergie entre les différents éléments de l’identité et de la culture des différentes tribus africaines, réduites pendant environ cinq siècles en esclavage en Amérique, furent contraints de réaliser des travaux forcés, sans aucun traitement humain approprié.  Cela avait, en effet, constitué un tournant sans précèdent, dans l’accomplissement du processus des guerres de libérations, dont, en tout premier lieu, l’émergence de cette langue hybride, au cœur des colonies, les différents créoles, qui ne constituait qu’un outil de communication codifiée, non accessible et appréhensible aux colons.  Bien que la tendance générale est de ne pas avoir en mémoire le rôle déterminant des premiers habitants de l’île, les Tainos, dans le processus d’éradication de l’esclavage complété par les esclaves africains, dans la réalité, furent les premiers à dire non à l’esclavage, à leur manière.  Qui ne se souvient de la bravoure du cacique Caonabo qui mis en feu le fortin de la Nativité, la première construction européenne en Amérique, à cause des mauvais comportements des soldats espagnols, restés sur place durant le retour de Colomb en Espagne?  Qui n’a pas appris les prouesses du Cacique Enriquillo (Henri en espagnol), aussi connu sous le nom Guarocuya, avant qu’il ne soit baptisé, mais qui se révolta contre les Espagnols de 1519 à 1533 et fut pendu par le gouverneur espagnol, Nicolás de Ovando?  L’histoire de Guarocuya, dit Henri, est l’une des plus extraordinaires, jamais racontée dans son authenticité, tout comme d’ailleurs notre histoire de peuple, dans son intégralité.  Apres sa rébellion contre la tyrannie de son maître qui l’éduqua dans la culture européenne, il s’enfuit dans les montagnes de Bahoruco où il est rejoint par les premiers marrons Noirs, avec qui il a collaboré jusqu’à sa capture qui s’est soldée par sa pendaison.  « Ainsi le Cacique Henri est devenu le trait d’union, le “ciment” reliant cultures Taïnos, européennes et africaines, posant les bases de l’Haïtien d’aujourd’hui. »  Comme l’a si bien souligné le blogueur, innovateur social et cinéaste chez Hive Global Leader, Max Jean-Louis, dans sa publication en date du 29 juillet 2018 qui en porte d’ailleurs le titre, « Le Cacique Henri, précurseur de l’identité haïtienne multiple, passe le flambeau de la terre d’Ayiti aux esclaves venus d’Afrique. »  Honneur et gloire pour toujours à nos ancêtres Taïnos, dans le combat pour la dignité humaine.

Nous voici donc à l’orée d’une nouvelle célébration de notre Indépendance, mais aujourd’hui « In dépendance », c’est-à-dire : dans la dépendance la plus totale et la plus abjecte, comme jamais avant ! Cependant, pourquoi assistons-nous aujourd’hui, impuissants et surtout nonchalants face à la décadence d’un si grand, puissant et glorieux empire, conquis au prix de notre sueur et de notre sang, que sur le feu ardent de la révolution nous avions construit ?  Que s’est-il passé ? Comment en sommes-nous arrivés là ? Devrions-nous tous et chacun nous demander, personnellement et collectivement : à qui la faute ? À nous ou au Blanc ?  Qu’avions-nous fait et que sommes-nous en train de faire jusqu’à maintenant, pour sortir du labyrinthe historique et du marasme économique, politique et social, ainsi que de cette crise identitaire, dans lesquels nous nous fourvoyons de plus en plus ? Il s’agit donc d’autant d’interrogations auxquelles, si nous ne pouvons pas aujourd’hui répondre, en ce 217e anniversaire de notre Indépendance, nous risquons de rester pour toujours dans l’ «  In dépendance », avec tout ce qu’elle implique.

Ne l’oublions jamais, ce n’est pas sans raison que la révolte des esclaves de Saint-Domingue fût à l’origine de la création de la République d’Ayiti qui devient en 1804, la première République indépendante de population majoritairement noire, après l’abandon forcé de l’île par l’armée de Napoléon Bonaparte.  N’oublions pas non plus, que ce n’est pas par accident que nous soyons aussi le seul pays francophone indépendant des Caraïbes, le premier pays Noir, à prendre son indépendance, sans bénéficier d’une aide extérieure et à en souffrir, jusqu’au tréfond de nos entrailles et de notre âme, les conséquences.  La vérité c’est qu’on ne nous a jamais permis de construire ce pays.  L’indépendance a ses prix, mais je demeure convaincu qu’Ayiti en  a déjà payé bien trop cher, le prix de la sienne !

Seuls 36 ans séparent l’indépendance des États-Unis d’Amérique de la nôtre.  Et comment comprendre ce contraste si flagrant entre ces deux États ?  Est-ce parce que nous avons un chromosome de plus ou de moins, comme la théorie de certains racistes l’a voulu faire croire, à savoir que nous sommes des anormaux ?  La réponse est simple : c’est, qu’à l’origine, nous avons été agressés, bloqués, mis à l’écart, discriminés, trahis et, de surcroit, amendés et indemnisés.  On se servait de nous au besoin et à volonté.  On n’a pas voulu que nous donnions le véritable exemple que vivre dans la dignité, en toute liberté, égalité et dans la fraternité, c’était possible. Car, définitivement, le Blanc a en horreur d’être défié.  Il adore la soumission.  Ainsi, faute de sombrer dans la plus totale déception, il utilise la compromission et la corruption, comme seules voies de résolution et d’accomplissement de ses sordides missions.  À force de tellement nous déconstruire, ils ont fini par nous détruire, littéralement.

Aussi paradoxal que cela puisse vous paraître, je suis «d’avis» que les États-Unis, de concert avec le Core-Group se mettent d’accord sur une liste des candidats de leurs préférences pour les prochaines joutes électorales, et convoquent le peuple en ses comics, que dis-je ? en ses comices, je m’en excuse, pour choisir celui à qui il voudra bien confier la gouvernance du pays, pour les cinq prochaines années.  Par cet acte d’ingérence concertée, au moins le peuple pourrait participer et ainsi, dans une certaine mesure, il pourra prendre son destin en mains.  Car, depuis l’élection de René Préval, 2ème version, c’est l’International qui décide et impose sa volonté, en fonction de qui peut le mieux garantir ses intérêts. Donc, une fois de plus, Ayiti aura fait une nouvelle invention, celle de la notion du suffrage universel interposé et imposé par voie d’ingérence oligarchique et internationale.

De quoi pour te chérir davantage mon pays, ma Patrie, ma très chère Ayiti, pour ta singularité.  À l’orée de cette grande festivité, préparons-nous donc à célébrer la liberté, la dignité humaine, l’origine des droits humains, l’égalité des races, le principe d’autodétermination et la coopération d’égal à égal entre les peuples, et ce, avec orgueil, fierté en ce 217ème anniversaire de la seule révolution d’esclaves ayant abouti à la création d’une nouvelle nation, dans le concert des nations.

29/12/2020

Jean Camille Étienne, (Kmi-Lingus )

Arch.Msc.en Politique et Gestion de l’ Environnement

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