HomeCulture & SociétéComment élit-on le président étasunien ? Quels scénarii post électoraux ?

Comment élit-on le président étasunien ? Quels scénarii post électoraux ?

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Les électeurs étasuniens se rendent aux urnes pour décider qui, de Donald Trump ou Joe Biden, s’installera dans le bureau ovale pour les quatre prochaines années. Le scrutin se déroule sous haute tension, les États-Unis semblent plus divisés que jamais et, quel que soit le résultat, il ne devrait pas passer comme une lettre à la poste. Dans chaque camp, des hordes d’avocats sont déjà prêtes à le contester. Ils chercheront la faille dans ce système électoral particulier où celui qui l’emporte n’est pas forcément celui qui remporte le plus de voix. Pour mieux comprendre les dessous de la bataille qui risque de faire rage au lendemain du vote, l’historien Michel Rosa-Clot, spécialiste des États-Unis, nous décrypte les mécanismes du système électoral US. (IGA)

J’aimerais commencer ces pages avec une longue parenthèse. Je pense qu’elle est nécessaire pour s’orienter dans l’analyse du système de gouvernance et de représentation américain (et donc des élections présidentielles) : la forme de la gouvernance, l’electoral college et le système électoral. Des éléments que nous croyons lire facilement à travers nos outils interprétatifs, mais qui, en fait, ne sont nullement immédiats.

Dès la Deuxième Guerre mondiale, nous les Européens nous nous sommes nourris de culture américaine, surtout la culture pop : nous avons fait une indigestion de films, de musique, de télévision formats, de produits de consommation de masse. Nous en avons tellement consommé que nous trouvons évident qu’il existe une indistincte et homogène « culture occidentale » ; que les États-Unis et l’Europe de fait sont superposables. Mais nous devons nous rappeler qu’il n’en est rien.

Si les moyens de production et leurs conflits ont une dimension supranationale et impériale, de même on ne peut pas lire la culture politique américaine en pensant utiliser les mêmes catégories que nous utilisons pour l’Europe.

Les Européens sont, avec nombreux distinguo et particularités, fils d’un système idéologique né des tensions explosées avec la Révolution française et exportées au bout des fusils par les armées napoléoniennes. Les Européens ont grandi dans le récit des rhétoriques nationales du Risorgimento européen. Surtout, nonobstant qu’au cours des dernières décennies on a tout fait pour en effacer les traces, la culture européenne porte en son sein les luttes du mouvement socialiste, la Commune de Paris, les conquêtes syndicales, l’anarchisme, la pensée et la pratique communiste, la résistance contre le nazifascisme… Qu’il nous plaise ou non, notre culture démocratique moderne est imbue de ce passé dont il faut tenir compte.

La culture politique américaine par contre ignore tout cela, mais naît plus d’un demi-siècle avant l’européenne. Dès les années trente du 19e siècle, pendant que les monarchies européennes se partageaient le monde postnapoléonien, aux États-Unis bouleversés par une révolution économico-marchande d’une échelle inhabituelle, des partis politiques de masse modernes affichaient des électorats avec un suffrage universel (masculin et blanc évidemment) dans des batailles politiques très violentes. Dans le dernier quart du 19e siècle, les conflits syndicaux sanglants ne furent pas combattus sous le drapeau rouge socialiste.

Le système de gouvernement américain

Nous savons tous que les colonies américaines déclarèrent leur indépendance de la couronne britannique en 1776. Ce que nous négligeons c’est de considérer que cette rupture ne fut pas alimentée de valeurs de liberté, égalité, fraternité, mais par une longue et pondérée série de considérations morales qui prenaient racine dans les valeurs républicaines. Non pas dans le sens des valeurs de la République qui naquirent en France 13 années après, mais celles définies par la tradition philosophique qui avait formalisé un concept de liberté individuelle à travers la réorganisation des valeurs de propriété, de taxation et de jurisprudence.

Il ne faut pas oublier que le moteur de révolution américaine ne résidait pas dans le peuple dans un sens large, mais dans les grands et moyens propriétaires coloniaux et dans les grands commerçants qui avaient besoin de rompre avec la couronne anglaise justement pour protéger leurs intérêts économiques et juridiques. La révolution des colonies américaines ne fut pas faite par des radicaux, mais par des modérés qui bâtirent un système constitutionnel dans le but précis de protéger la propriété et d’éloigner toute tentative possible de subversion politique et sociale.

Républicanisme, donc, pas démocratie : attention !

Dans la démocratie beaucoup de pères fondateurs américains voyaient une catastrophe potentielle : un péril mortel pour la nouvelle Union. Il était impératif de se protéger à tout prix de la démocratie et de ses dangers (tyrannie de la majorité, inconstance, démagogie, chute du système de gouvernance). C’est pourquoi les pères fondateurs créèrent un système républicain fondé sur une prudente et attentive définition de représentativité et de gouvernance ayant pour but de rendre inoffensive la « bête sauvage », la majorité populaire.

Avec la Constitution on met sur pied un système national articulé, composé de pouvoirs séparés qui se contrôlaient l’un l’autre, avec des élections décalées et cadencées. Un système avec une forte inertie et avec des protections internes pour le mettre à l’abri des bouleversements démocratiques. L’évolution politique et économique du 19e siècle a ensuite modifié profondément les équilibres internes du système et a généré le système « démocratique » moderne, mais cela n’a pas changé le système de référence défini par les valeurs constitutionnelles originelles. C’est pour cela que quand un Européen et un Étatsunien parlent de démocratie, souvent ils entendent des choses complètement différentes (un corollaire serait l’ « exportabilité »- et de quel modèle-, mais c’est une autre histoire).

Alors nous rappelons de façon schématique comment fonctionne le système américain.

Les pouvoirs (législatifs, exécutif et judiciaire) sont séparés rigidement, autonomes et en même temps sujets à des contrôles croisés. Leur élection en outre est décalée de façon à assurer une inertie suffisante pour créer un coussinet de sûreté (un buffer) contre des coups de têtes démocratiques.

Le pouvoir législatif est exprimé par un Congrès bicaméral avec une chambre haute (Sénat) et une chambre basse (Houses of Representatives). Le Sénat constitue le corps de la représentation des États et il est composé de deux sénateurs par État, indépendamment de la dimension de l’État (100 Sénateurs en tout). Chaque Sénateur a un mandat de 6 ans et tous les deux ans le Sénat est rénové d’un tiers. La Houses of Representatives représente par contre la population des États. Chaque État a un nombre de représentants proportionnel à sa population. Aujourd’hui les représentants sont 435 et ont un mandat de deux ans. Tous les deux ans la House est complètement rénovée.

Le pouvoir exécutif est incarné par la présidence. Président et vice- président sont élus pour 4 années, depuis 1947 (XXII amendement) ils sont limités à deux mandats. Leur élection se fait d’une façon indirecte à travers l’institution de l’Electoral College.

Le pouvoir judiciaire, en conclusion, est exprimé par la Cour Suprême. Les juges sont nommés à vie, par le président, et soumis au vote de confirmation du Sénat. Le nombre de juges de la Cour Suprême a changé au cours de l’histoire, mais depuis 1866 il est de 9.

La mécanique : Electoral College et système électoral

L’article II de la Constitution décrit la mécanique de l’élection présidentielle à travers l’Electoral College et il établit que chaque État sélectionne un nombre de grands électeurs égal à la somme du nombre de sénateurs et des représentants auquel l’État a droit. Le même article délègue aux États la façon de sélectionner les délégués, avec la seule condition qu’ils n’occupent pas un emploi public. Par conséquent aujourd’hui l’Electoral College compte 538 membres, et la majorité nécessaire à l’élection présidentielle est donc de 270 votes.

À l’origine les grands électeurs étaient nommés directement par les assemblées des États, mais en 1996 la majorité des États. (à l’exception du Maine et Nebraska) procède à l’élection des grands électeurs. Une fois élus à l’occasion de l’election day (le 3 novembre pour ces présidentielles) l’Electoral College élit le président et le vice- président. Le lundi qui suit le deuxième mercredi de décembre les grands électeurs se réunissent dans leurs assemblées d’État et votent.

En théorie aujourd’hui les grands électeurs ont doivent voter le candidat pour lequel ils se sont présentés. Toutefois les grands électeurs peuvent ne pas obéir à la discipline du parti et, s’ils le désirent, voter pour un autre candidat. Dans ce cas-là ils sont applés Faithless . Seulement 33 États ont des lois contre les Faithless electors (généralement des sanctions pécuniaires). Jusqu’à maintenant aucune élection n’a été chamboulée par leurs votes. À l’occasion des élections de 2016 dix électeurs républicains sont devenus Faithless et ont voté (ou tenté de voter) pour un autre candidat que Donald Tromp, mais comme nous le savons, ils n’ont eu aucun impact sur l’élection finale.

Parlons maintenant du système électoral.

Le système électoral qui prévaut aux USA est le système majoritaire uninominal de collège (connu aussi comme winner takes all). Ce système électoral s’applique à l’élection des grands électeurs et à l’élection des Congrès. Avec ce système électoral chaque État est partagé en plusieurs collèges (ou districts) électoraux, autant que le nombre de représentants à élire, et chaque district a droit à l’élection d’un seul représentant, à la majorité relative : le candidat qui obtient la majorité relative des voix dans un collège donné, représente le collège tout entier. Dans les élections présidentielles, le ticket présidentiel (le couple président et vice-président) qui obtient la majorité relative des collèges obtient tous les votes des États.

Il est important de souligner que dans un système Winner-takes-all le déplacement de quelques votes peut changer radicalement le résultat électoral. Cet effet est tellement précis qu’il représente une forte incitation à contrôler la définition géographique des collèges : une définition minutieuse des frontières des collèges électoraux (gerrymandering) permet en effet le pilotage des résultats d’une élection.

Il faut rappeler en outre qu’ à cause du système électoral majoritaire et du système de l’Electoral College, il se peut qu’un président qui obtient la majorité électorale, a obtenu moins de voix que le candidat vaincu. C’est exactement ce qui s’est produit en 2016 quand Hillary Clinton tout en obtenant le 48.18 % des voix populaires, a obtenu 227 voix électorales alors que Donald Trump avec 46.09% a obtenu la majorité avec 304 voix électorales.

C’est une situation qui s’est produite quatre autres fois dans l’histoire des USA : trois fois au 19e siècle et une quatrième fois en 2000 quand Georges Bush est devenu président avec environ 500.000 voix de moins que son adversaire Al Gore.

Rappelons-nous en outre que les candidats à la présidence sont souvent plus que deux. Par exemple en 2016 les candidats étaient 32, dont 4 dans tous les États : Hillary Clinton (democratic), Donald Trump (republican), Gary Johnson (libertarian), Jill Stein (green). Gary Johnson il a obtenu tout seul environ 3.2% des voix à l’échelle nationale.

Il est donc facile de comprendre que l’on ne doit pas s’étonner si un président est élu avec une majorité relative des voix populaires, soit avec moins du 50%. Ce phénomène est relativement fréquent et il s’est déjà produit 19 fois dans l’histoire des USA.

Qui gagnera ?

À cause de la mécanique électorale décrite plus haut il apparaît évident qu’il ne suffit pas à un candidat d’obtenir le consensus populaire pour gagner les élections. Le résultat final est le fruit d’une alchimie complexe qui doit tenir compte de beaucoup de paramètres. C’est pour cela que la lutte pour la présidence contient beaucoup d’éléments. D’abord, dans les élections de 2016 on a vu à l’œuvre quelques phénomènes qui auront sans doute un rôle dans ces élections aussi.

En 2016 les démocrates découvrent avec effroi que la classe ouvrière a arrêté de voter pour leur parti. Massivement. Un événement qui a rompu avec la tradition née dans les années 30 du 20e siècle et qui semblait désormais inscrite dans l’ADN de ces États. En 2016 excepté l’État de New York et de l’Illinois, tous les États symboles du pouvoir industriel américain (appelés aujourd’hui Rust belt : Pennsylvania, West Virginia, Ohio, Indiana, Michigan, Iowa, Wisconsin) et qui depuis des décennies étaient considérés des États démocrates, ont voté pour Trump.

Une autre raison de la victoire de Trump en 2016 a été que la candidate rivale était Hillary Clinton : une candidate qu’une très large partie de l’électorat non républicain considérait non éligible (il suffit de rappeler la gestion catastrophique comme secrétaire d’État de la crise en Lybie, Syrie et Ukraine) et qui a dilapidé en peu de mois de campagne électorale le patrimoine de consensus qui lui venait de l’administration Obama. Face à Hillary Clinton, Trump a facilement joué à faire sienne la réaction anti-intellectuelle et anti-establishment de la classe moyenne appauvrie et désorientée.

Pendant ces quatre ans de présidence, nous avons assisté à une permanence inattendue de la démagogie populiste de Trump. Le Président a répété ad libitum des mots d’ordre obsessionnels en l’absence d’un message politique précis et a convaincu la classe moyenne et la masse croissante des nouveaux pauvres américains. Ses slogans let’s make America great again , l’emploi de messages totalement différents selon la constituency à laquelle il s’adresse, les propos anti-hispaniques, la construction du mur à la frontière du Mexique, les propos vulgaires, politically incorrect, ignorants et insolents ont parlé fort et clair aux tripes des électeurs et à leurs sentiments plus délétères. Le mécanisme n’est pas nouveau et fonctionne très bien.

En même temps autour de la figure du président s’est agrégée une galaxie bariolée composée de nouvelle droite, radicalisme évangélique, identitaire et suprématistes blancs, néonazis et théoriciens du complot. Un ensemble hétérogène, mais solide expression de la partie la plus rétrograde et violemment réactionnaire du pays (en clair, ceux qui tirent avec des armes à feu sur les médecins qui pratiquent l’avortement à l’hôpital, ceux qui massacrent les homeless de couleur, ceux qui, comme le Texas board of education en 2017, ont imposé par la loi des manuels dans les écoles élémentaires publiques purgées du darwinisme qu’on a remplacé par le créationnisme).

Bref, si d’un côté les questions structurelles qui ont amené à l’élection du 2016 n’ont pas changé, de l’autre Trump pour une grande part des 4 années de son mandat, a gardé un consensus suffisant pour rendre très incertains les résultats des prochaines élections.

Tellement incertains que, encore peu avant l’été, personne n’aurait osé parier sur le résultat électoral. Dans les derniers 6 mois, par contre, l’escalation de violence rhétorique et de radicalisation idéologique a bousculé la politique américaine à des rythmes serrés. Aujourd’hui le scénario a changé jusqu’au point que certains sondages donnent un avantage net à Joe Biden et Kamala Harris.

Naturellement, depuis son élection l’opposition à Trump n’a jamais faibli et avait explosé violemment déjà après les élections de 2016, avec une protestation très diffuse contre un président minoritaire. Mais au cours de la dernière année se sont succédé avec une cadence croissante des moments où Donald Trump a perdu une part toujours plus grande de consensus. Leur liste serait trop longue pour qu’elle soit faite ici (et j’en oublierais sûrement beaucoup). Toutefois, j’aimerais en évoquer ici quelques-uns qui, à mon avis, seront déterminants dans les jours qui nous séparent des élections et, surtout, dans les semaines qui suivent immédiatement.

Attentat à la religion civile.

Un élément qui a tout de suite caractérisé cette présidence a été la déconstruction violente de la sacralité de l’institution de la présidence, ce qui aux USA, où la religion civile a un poids tout autre qu’en Europe, a un impact idéologique important.

Évidemment personne aux USA n’ imaginerait de débattre aujourd’hui de valeurs républicaines ou de vertus civiques, mais dans la narration « démocratique » du Pays (chaque Pays a la sienne) l’institution présidentielle revêt encore aujourd’hui un certain degré d’autorité symbolique. Avec le temps la figure de Trump a commencé pour une partie de l’électorat américain moins idéologiquement flou et d’ultra conservateur misogyne, violent et arrogant, mais perçu comme principal véhicule de renouveau) il a assumé très clairement le caractère de féroce, incompétent et vulgaire destructeur des libertés civiles américaines et il est qualifié par certains journaux de tyran : un mot qui pour les USA est très significatif.

Violence, law and order

Un de ces moments a été sûrement ce qui est arrivé entre fin mai et début juin. Le 28 mai de cette année quand Trump menaça d’utiliser la Garde Nationale contre le mouvement Black Lives Matter et les désordres éclatés à Minneapolis, Minnesota suite à l’assassinat de Georges Floyd par la police. Ce jour-là le désormais fameux tweet « When the looting starts, the shooting starts » est tout de suite effacé par Twitter pour incitation à la violence.

Le 1er juin, dans un discours aux journalistes dans la roseraie de la Maison-Blanche il accuse le mouvement Black Lives Matter de terrorisme et les Gouverneurs Démocrates des États théâtre des violences de connivence. Dans son discours il exprime à nouveau le concept exprimé 4 jours auparavant : (si les Gouverneurs démocrates ne sont pas en mesure de mater les rébellions) « then I will deploy the United States military and quickly solve the problem for them ».

Pendant que Trump parlait, une foule de manifestants qui s’était réunie devant la Maison-Blanche en protestant pacifiquement est dispersée avec des lacrymogènes et des grenades étourdissantes (flash grenades) pour permettre au Président de rejoindre peu après une église pour un reportage photographique avec la Bible.

Un refus systématique de condamner les suprématistes et les groupes d’extrême droite.

Son refus répété et grossier de prendre publiquement les distances de ces mouvements lors du premier des trois débats en direct à la télévision. Au contraire, Trump s’est adressé directement aux « Prouds Boys » (un groupe armé d’extrême droite dont les membres ont été condamnés à plusieurs années de prison pour avoir assailli des manifestants de gauche) avec la phrase : « Prouds Boys, stand back and stand by ! But I’ll tell you what , somebody’s got to do something about antifa and the left. » Un message dans un parfait style du milieu et extrêmement dangereux.

Mais il ne s’agit là que de la pointe de l’iceberg, de l’acte médiatiquement plus obscène. En fait, tout le mandat de Trump est parsemé de clins d’œil, d’envois de messages même pas tellement transversaux et de déclarations de louange pour une pléthore de groupes entre la criminalité et le néofascisme qui vont de la droite évangéliste la plus intégriste aux défenseurs de Q-Anon – une théorie du complot délirante qui voit dans le parti démocrate un groupe de pédophiles satanistes qui se prépare au coup d’État et qui se drogue au sang d’enfants (sic!).

Vote par courrier: « This is going to be a fraud like you’ve never seen » (Donald Trump, first presidential debate).

Dans un pays comme les USA avec environ 250 millions d’électeurs potentiels et où votent à peine plus que la moitié, avec un territoire énorme et avec une extraordinaire mobilité intérieure, le vote par courrier est devenu un moyen normal. Évidemment, comme toutes les autres dispositions sur les mécaniques électorales, les normes qui le guident varient d’un État à l’autre.

Pendant des mois Trump a essayé d’une façon obsessionnelle de miner la légitimité, la validité et la crédibilité du vote par courrier en invoquant l’impossibilité pour le service postal de gérer le volume de correspondance pendant la crise Covid, ou bien des truquages organisés par le Parti Démocrate, etc…

Naturellement Donald Trump et ses collaborateurs savent parfaitement que les statistiques électorales disent qu’une très large partie des votes par courrier est exprimée par des électeurs démocrates. Par conséquent, le fait de déclarer ces votes douteux ou truqués signifie mettre une limite aux résultats de ce parti-là.

À ce propos il est intéressant de signaler que le 15 juin Trump a nommé un nouveau postmaster general (directeur général des postes) : Louis Dejoy. Dès sa nomination, le zélé Dejoy s’est tout de suite affairé pour introduire une série de changements (élimination des heures supplémentaires, élimination des machines pour la gestion mécanisée du courrier…) qui ont créé un ralentissement général et préoccupant du système. Ah, j’oubliais : Mr Dejoy est un super donateur du Parti républicain et de Donald Trump.

Cour Suprême

Le 26 septembre, à un mois des élections environ, le Président Donald Trump nomme la juge de la Cour d’Appel Amy Coney Barrett à la Cour Suprême en remplacement de « RBG » Ruth Bader Ginsburg, disparue une semaine auparavant (le 18 septembre).

La mort de la juge Ginsburg a représenté pour toute la partie démocrate et libérale des USA une perte incalculable. Ginsburg était, en effet, une icône des droits civiques et des droits des femmes, un pilier juridique des dernières décennies.

La mort de la juge Ginsburg sera une perte incalculable aussi parce que, si Barrett est confirmée par le Sénat (ce qui est par ailleurs désormais certain) la Cour Suprême se retrouvera solidement conservatrice avec une majorité de 6 juges conservateurs contre 3 juges progressistes.

Barrett en effet, est issue des groupes conservateurs et anti-avortement qui font pression pour revoir la sentence historique Rose v. Wade qui a légalisé l’avortement. En outre la nomination de Barrett va dans le sens du plan, déclaré, de Trump qui vise à déclarer inconstitutionnel, l’Affordable Care Act (ACA) du président Obama.

Pour conclure, la chose de loin la plus urgente pour Trump.

Au cas où les élections du 3 novembre exprimaient un résultat de parité avec des accusations de truquages et d’irrégularités (voir par exemple plus haut la question du vote par courrier), la Cour Suprême devrait s’exprimer comme elle l’a déjà fait en 2000 avec la sentence Bush v. Gore. On comprend donc la force et l’acharnement avec lesquels Trump essaye de blinder et d’accélérer de toutes les manières la nomination De Barrett, en négligeant les accusations d’hypocrisie, de boucherie institutionnelle et de correction formelle.

Pour conclure, évidemment la question du Covid et de la gestion de l’émergence. Il s’agit d’un argument qui dans l’opinion publique a dépassé même le négationnisme de Trump sur le changement climatique (argument qui était très apprécié au départ par les électeurs). Désormais le sentiment général de l’opinion publique dans un Pays avec 8 millions et demi de cas et plus de 215.000 morts (respectivement en 10e et 12e position au niveau mondial en pourcentage sur la population) est que le négationnisme du début et la gestion confuse et contradictoire qui en a suivi, sont un fait gravissime qui mine la crédibilité personnelle et institutionnelle du Président.

La réaction populaire, politique et médiatique à ce qu’on a décrit précédemment a consolidé une opposition populaire contre Trump qui a commencé à croître en tonalité et en volume, surtout autour du sénateur du Vermont Bernie Sanders. Puis le 13 avril, pendant les primaires démocrates, Sanders se retire et déclare l’ endorsement pour Biden. Alors Biden a commencé à porter, avec de plus en plus d’insistance et visibilité, le rôle de l’opposition à Trump.

Ensuite, quand le 11 août Joe Biden a annoncé comme candidate à la vice-présidence la Sénatrice Kamala Harris, les sondages électoraux ont commencé à révéler une avance en faveur des démocrates. Aujourd’hui la plupart des sondages donnent un avantage à Biden avec plus de 52% des votes populaires, Trump obtenant un peu plus de 42%, mais comme on a vu plus haut, il faut rappeler que cela ne se traduit pas automatiquement en une victoire au sein de l’Electoral College.

En conclusion ce que nous pouvons attendre c’est une élection combattue jusqu’au dernier vote, perçue par l’opinion publique américaine comme « l’élection la plus importante des dernières 50 années. » Une définition peut-être exagérée, mais très répandue qui se traduit dans une affluence énorme de early voting et qui est un signal clair sur le niveau du conflit, l’augmentation potentielle de la participation électorale, et nous fait entrevoir les transformations futures de la culture politique américaine.

Trois scénarii possibles en guise de conclusion

La question maintenant n’est pas vraiment qui gagnera, mais ce qui arrivera après les élections. Théoriquement il y a seulement 3 scénarii: la victoire d’un candidat, la victoire de l’autre ou bien une situation controversée qui doit être résolue par le Congrès et/ou par la Cour Suprême. Tout doit trouver une solution avant le 20 janvier 2021 à midi, date que la Constitution fixe pour l’installation à la Maison-Blanche du président élu (XX amendement) et tout cela dans des conditions normales.

Mais cette élection-ci ne se présente pas comme une élection normale et Donald Tump a déjà déclaré en direct à la télévision qu’in n’acceptera pas l’éventuelle victoire de son rival et refusera d’assurer une transition pacifique des pouvoirs. Nous savons aussi que les deux candidats ont préparé d’énormes équipes d’avocats en vue de conflits dans les tribunaux qui caractériseront sûrement les semaines qui nous séparent du 20 janvier 2021 (conflits qui ont déjà débuté comme par exemple à la Cours Suprême de l’État de la Pennsylvanie sur la question du vote par courrier).

Malheureusement, nous savons que Donald Trump, entre les lignes de ses interventions n’a pas exclu le recours à la violence et la presse américaine s’interroge depuis des semaines sur les scénarii possibles et la crainte d’une issue violente augmente.

Toutefois, du point de vue constitutionnel Trump, tout en étant commandant-chef, il ne peut employer l’armée pour des problèmes internes : les problèmes d’ordre public sont de la compétence des États. Les exceptions sont strictement réglées par la loi et prévoient cette éventualité seulement si elles sont demandées expressément par le Congrès ou par les États.

Dans tous les cas, après les incidents du 1er juin, des représentants des forces armées ont déclaré clairement que l’armée ne doit en aucune façon intervenir contre les manifestants et que les conditions ne sont pas réunies pour faire des exceptions.

Mais l’armée n’est pas le seul sujet en mesure de manipuler la violence organisée. Il existe aussi des milices autogérées des groupes extrémistes. En particulier, Trump pense à Black Lives Matter et aux Antifa, mais la plupart des observateurs et commentateurs politiques pensent tout de suite aux suprématistes blancs, aux néonazis et aux Proud Boys.

Et les armes ne manquent certainement pas. Les USA sont le premier pays au monde pour ce qui concerne la diffusion d’armes légères parmi les civils. Des statistiques récentes disent qu’aux USA il y a 120,5 armes légères pour 100 habitants, indépendamment du sexe et de l’âge. En outre nous savons que des armes d’assaut et lourdes aussi sont largement répandues parmi les civils.

Tout le monde évidemment souhaite qu’on ne recoure pas à la violence, mais la rhétorique quotidienne de l’administration Trump dans les dernières 4 années n’a pas été dans la direction d’une pacification nationale. Nous assistons à un test historique pour le système démocratique américain et les éléments qui se profilent dans ces semaines définiront longtemps la politique américaine.

Michele Rosa-Clot

Notes pour une conférence, 21 octobre 2020-10-25

Traduit de l’italien par T. Leoni

Source: Investig’Action 2 Nov 2020

https://www.investigaction.net/fr

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