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Kidnapping collectif : l’urgence d’une politique de tolérance zéro

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Si, dans notre histoire, le kidnapping collectif des Noirs et le pillage du continent africain portaient le nom commercial de la «Traite négrière», de nos jours une nouvelle forme de cette terreur sociale sévit dans nos villes et détruit les bases économiques de toute une classe.  Les quartiers pauvres d’Haïti, les ghettos, sans présences des services de base, sans écoles publiques, sans hôpitaux publics et sans présence des forces de l’ordre, sont livrés aux bandits.  Ces derniers n’hésitent pas à rançonner leurs proches et leurs voisins pour les services de base rarement disponibles, comme l’accès à l’eau potable et à l’électricité.  Ces petites raquettes n’apportent pas suffisamment de revenus pour entretenir des dizaines de miliciens armés.

Les politiciens corrompus, parfois, viennent au secours des délinquants.  En fait, dans les périodes électorales, il y a des politiciens qui investissent de lourdes sommes dans des gangs pour s’assurer d’une victoire, peu importe comment.  Le problème, c’est que les élections ne s’organisent pas toutes les semaines, tous les mois ni chaque année non plus.  Dans ce cas, à part quelques dons généreux sous forme d’aides humanitaires de certains politiciens au pouvoir ou dans l’opposition politique, les bandits ne reçoivent pas assez de fonds pour s’équiper en armes et payer leurs soldats.  Alors, ils vont trouver toujours un moyen d’encaisser des billets.

Kidnapping collectif

Le kidnapping collectif des membres intégrant cette couche sociale qu’on l’on appelle classe moyenne, semble représenter la meilleure solution pour financer les activités délinquantes des gangs armés.  Pris entre les miséreux des ghettos et l’élite économique minoritaire, traditionnellement connue sous l’épithète des bourgeois, les paisibles citoyens danseurs, commerçants, chanteurs, musiciens, professeurs, ingénieurs, médecins, etc., deviennent des proies faciles. Sans aucune organisation, sans aucune solidarité, comme des moutons, ils se dirigent tous les jours vers ces abattoirs humains, dans les quartiers dangereux ou le prix de leurs vie est négocié par des bandits sans foi ni loi.  Une fois entre les mains des ravisseurs, les victimes sont transportées dans des zones inaccessibles aux forces de l’Ordre.  Rappelons que la dernière opération de la police, à Grand Ravine, date de 2017 et le bilan fut catastrophique.  Au Village de Dieu, la police, malgré, ses nouveaux chars blindés, ne pouvait pas pacifier la zone.  Il fallait attendre un traité de paix entre les bandits rivaux pour arriver à une situation apparemment calme dans la zone.  Plusieurs gangs s’affrontent périodiquement dans l’Artibonite et un peu partout dans la République de Port-au-Prince.  De façon spectaculaire, le gang des 400 Maroseaux, de la Croix-des-Bouquets ne fait aucun quartier aux policiers.  Ses membres gèrent et contrôlent leur zone, en maîtres et seigneurs.  La police observe de loin.  Récemment, à Morne Lazare, de nouveaux cas ont démontré que la police a le dos au mur.  Les interventions parfois musclées finissent avec les arrestations de beaucoup de citoyens qui n’ont rien à voir avec les bandits.  Ce qui augmente le malaise entre les citoyens et les forces de l’ordre.  En peu de mots, la police est mal vue dans les quartiers populaires et, de fait, les policiers rarement peuvent compter sur le support des habitants de la zone.  De plus, les maigres moyens logistiques mettent la police en désavantage face aux bandits qui montrent une certaine organisation, une certaine hiérarchie et qui disposent des armes qui font d’eux des milices plutôt que des gangsters.

Le président Jovenel Moïse, il y a quelques semaines, avait menacé de mobiliser les forces armées d’Haïti pour affronter et neutraliser les bandits, kidnappeurs et assassins.  «Nou pral mete lame nan bouda yo».   Cette déclaration explosive allait faire la polémique, selon lui, à cause des mots qu’il considérait lui-même inappropriés.  Contrairement aux attentes du président, ce qui dérange le plus avec ce genre de déclaration, c’est le vide et l’oubli qui les accompagnent. Aucun soldat n’a été mobilisé.  Encore une fois, le gouvernement Jouthe-Moïse semble afficher une totale indifférence aux souffrances des victimes quotidiennes des violences et des actes de kidnapping.  En témoignent les attaques, à moins de 2 kilomètres du Palais National, dans les quartiers du Bel-Air et bas-Delmas, qui avaient causé des pertes en vies humaines et aussi des dégâts matériels.

Victime du kidnapping? La sympathie ne viendra pas des couches les plus défavorisées.  Le problème de kidnapping est le moindre de leurs soucis car ils savent qu’ils n’ont pas des dizaines ou des centaines de milliers de dollars américains à payer en rançon.  Parfois, les habitants de ces quartiers jouent le rôle de complices, collectant des informations sur les victimes qui peuvent être leurs propres cousins, leurs voisins, avec espoir de recevoir leur part du butin.  Non plus, cette couche sociale ne saurait compter sur l’aide de l’élite économique qui voit ces jeunes entrepreneurs, ces commerçants fougueux et intellectuels comme des potentiels remplaçants.  On dit chez nous: «Lanmò bourik ranje mal chen». Ces grannèg et boujwa ont eux aussi leurs propres priorités.  Ainsi, pour protéger leurs intérêts, ils se solidarisent et forment un bloc imperméable.  Les kidnappeurs ne les attaquent que par accident car ces gens de biens appliquent radicalement cette devise: «manyen youn, manyen tout».

Si les policiers fantômes avaient obtenu la libération de leur confrère, si nous avons les syndicats des bandits et alliés, si nous acceptons les syndicats des patrons, les syndicats des diplomates (CORE GROUP), il est temps de constituer une organisation massive des victimes des violences des gangs armés.  Les habitants des quartiers populaires doivent s’unir à leurs sœurs et frères des classes moyennes car ils sont tous victimes du chaos et des crimes organisés.  Un entrepreneur kidnappé peut entraîner la fermeture d’une entreprise et le renvoi des dizaines d’employés.

Personne n’est en sécurité ni dans les rues ni dans nos propres maisons.  Les bandits n’hésitent pas à nous kidnapper et à assassiner en plein midi au vu et au su de tous.  Alors, au lieu de se demander qui sera la prochaine victime, la classe moyenne, nous devons passer à l’action.  En vérité, les prières de nos parents, les cris des femmes violées et des pères de famille torturés, les supplications des enfants qui demandent pitié ne feront pas fuir les bandits.  Au contraire, plus on est faible, plus on attire les assassins.  La Constitution veut bien que nous soyons solidaires. Dans nos maisons et dans nos quartiers, organisons-nous pour créer un périmètre de sécurité. Protégeons nos familles, nos propriétés et nos investissements. Dessalines définit l’Haïtien comme un bon père (une bonne mère) et surtout un bon soldat.  De plus, l’État reconnaît au citoyen le droit à l’auto-défense.  Pourquoi rester les bras croisés pendant que ces vaut-rien nous dérobent tout?

Sachez que le paiement d’une forte rançon ne garantira pas votre libération.  Nous avons affaire avec des monstres, donc il faut les traiter aussi comme tels.  Tout comme nos ancêtres, en s’armant de courage, de machettes, de fusils, de tout ce qui pourrait aider à leur défense, le peuple pourra un jour déclarer persona non grata tous ces bandits criminels et les mettre hors d’état de nuire.  En fait, la stratégie pour combattre le kidnapping collectif pourrait se résumer en deux mots: ZĒRO TOLĒRANCE.

Rodelyn Almazor

Culture & Société

Ecrivain – Poète

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