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L’UEH: un laboratoire de crises et de victimes interminables

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Ce serait une quête interminable, si je cherchais à faire l’historique des crises auxquelles a fait face l’Université d’État d’Haïti, depuis sa fondation. Sans plus tarder, nous sommes tous censés savoir ce qu’est l’UEH. En fait, fondée par un décret du 16 décembre 1960, qui fixe le cadre de son organisation, elle est considérée comme le plus grand centre d’enseignement supérieur et de recherche en Haïti, et regroupe onze (11) facultés éparpillées, sept (7) écoles de droit, des sciences économiques et de gestion, dans des grandes villes différentes et un (1) campus à Limonade. Entre employés, professeurs, cadres administratifs et même le rectorat, avec les facultés et les autres écoles, l’Université d’État d’Haïti nage dans des crises interminables.

L’UEH, dont l’une de ses missions est de fournir un enseignement scientifique répondant aux besoins du pays et du monde, nous laisse perplexe, quant à l’enseignement même qu’elle dispose. On peut juste se demander à quels besoins du pays et du monde que cet enseignement répond. Ou encore, si cet enseignement est scientifique. À dire vrai, l’ensemble des crises de l’UEH et de la société pourrait constituer de multiples réponses à ces deux questions. D’ailleurs, l’UEH est elle-même un laboratoire de crises.

D’abord, le journal en ligne Ayibopost, tout récemment, avait fait la lumière sur un ensemble de dérives qui se passent au sein de l’UEH. Pourrais-je dire: je fais suite à ce travail. En effet, l’Université d’État d’Haïti traverse des crises multidimensionnelles dans chacun de ses embryons, et certaines arrivent, depuis quelques années, à se transformer en de grands mouvements de revendications:

– Les professeurs et les employés, pour l’ajustement salarial, la nomination, et parfois de meilleures conditions de travail;

– Les étudiants, dont les revendications ne cessent de s’empiler, réclament, entre autres, une réforme en profondeur, notamment un cursus standardisé, des bibliothèques (spécialisées), des laboratoires, des cafétérias, la nomination des normaliens, l’évaluation des enseignants (es), la reconstruction des bâtiments de certaines facultés, etc. Ils réclament donc une meilleure condition d’apprentissage, pour une garantie de leur avenir.

En retour, ces grands mouvements, qui ne sont pas sans conséquences, se sont confondus avec les crises elles-mêmes, et font des victimes d’une manière ou d’une autre. L’UEH, cette université aux facultés éparpillées et aux règles distinctes, qui n’arrive même pas à résoudre ses propres crises, à la prétention irréaliste de s’occuper de l’ensemble des crises du pays et du monde. Sans vouloir toucher l’ensemble des crises, pour me faciliter la tâche, je fais état de quelques-unes, des plus récentes, et des plus médiatisées pour des raisons que je ne cherche pas à savoir.

En dehors des mouvements pour la réforme universitaire, en novembre 2012, ce fut l’assassinat de l’étudiant Damaël D’Haïti, lors d’une fête d’intégration, au local de la Faculté de droit et des sciences économiques de Port-au-Prince. Cet assassinat a donné lieu à un vaste mouvement où de nombreuses revendications, notamment un meilleur cadre d’apprentissage. Ce vaste mouvement qui a souvent dégénéré en des échauffourées avec la Police, n’a apporté aucune amélioration aux conditions de vie estudiantine, en général. Environ huit (8) ans après, ces revendications sont inchangées. D’ailleurs, à titre de rappel, chaque faculté a son lot de revendications.

Des victimes de l’UEH, étudiants et professeurs, sont nombreuses. Bastonnade par des autorités policières, des violences verbales et psychologiques, des assassinats, des arrestations arbitraires, sont autant de conditions auxquelles s’exposent, en réalité, le corps de l’UEH. Ronel, Gourgueder, Chedlet, Grégory, Professeur Dorval et Ibolele, ainsi connu, sont des cas restreints des victimes de l’UEH. Je pourrais dire, pour exagérer, que chaque étudiant de l’UEH est une potentielle victime ou carrément une victime. Des formations inadaptées ou qui ne répondent pas aux besoins du marché, des conditions d’apprentissage précaires, l’employabilité ou l’intégration socio-professionnelle incertaine des étudiants, sont le résumé de ceux et celles qui font choix ou qui sont dans l’obligation de se «former» à l’UEH. Qu’attend-on d’une Université qui génère ses propres crises sans pouvoir les résoudre?

En somme, les crises que génèrent l’UEH sont multiples. L’affaire Gourgue-Blot du 12 juin 2017, et, fraîchement encore, l’assassinat de l’étudiant Grégory Saint-Hilaire par un agent de l’USGPN, alors qu’il ne réclamait que sa nomination à un poste, témoignent de la question. Avec, entre autres, une réforme toujours dans l’impasse, le fonctionnement au ralenti de certaines facultés, des facultés sous des tentes ou dans des abris provisoires mais qui deviennent permanents, en raison de l’absence et/ou du manque d’infrastructures adéquates, et les professeurs absentéistes, négligents, avec une méthode d’enseignement désuète/inappropriée, la non-nomination des professeurs et des normaliens supérieurs, il est incontestable que l’Université d’État d’Haïti est un laboratoire de crises et de victimes interminables. Retenons tous que l’éthique n’est pas de la liste des valeurs de l’UEH.

Quelle sera la prochaine crise au sein de l’UEH? En serez-vous la prochaine victime?

Job Pierre Louis

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