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Les gangs font des ravages

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Alors que le pouvoir traque les mouvements de revendications populaires, tue des étudiants, matraque les opposants politiques, les gangs armés font des ravages dans les quartiers populeux, en toute quiétude. Dans le cadre de la résolution 2476 (2019) du Conseil de sécurité, par laquelle a été créé le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), le Bureau doit produire un rapport au Secrétaire Général de l’ONU tous les 120 jours, sur la situation en Haïti et sur la mise en œuvre du mandat du Bureau, alors que la Mission Onusienne achève sa première année d’existence. En voici un extrait.

«Le rapport, au niveau de la lutte contre la violence de proximité ainsi que l’interpénétration entre la violence des gangs et les événements qui rythment la vie politique, a continué d’avoir des répercussions sur le niveau d’insécurité en Haïti. On a pu le voir clairement, ces derniers mois, dans l’agglomération de Port-au-Prince (département de l’Ouest), où les affrontements meurtriers, survenus à Cité-Soleil et Bel-Air, entre bandes se disputant le contrôle de zones populeuses où se concentrent quelques grands marchés publics et d’importants bureaux de vote, ont contraint au moins 298 familles à quitter les lieux et alimenté un sentiment d’insécurité généralisé. Ces faisceaux d’événements, qui invitent à penser que la concurrence entre les gangs s’intensifie à l’approche des élections, ont entraîné des changements dans la constellation des bandes de l’agglomération, avec la formation, le 10 juin, d’une nouvelle alliance, le “G9 an Fanmi” (G9), composée initialement de 9 gangs de Cité-Soleil, de La Saline et du bas de Delmas mais qui, depuis, s’est élargie à 15 gangs.

Le G9, qui aurait été formé à l’instigation de l’ancien policier Jimmy «Barbecue» Cherizier, qui est soupçonné d’avoir été mêlé aux affaires emblématiques de Grande Ravine (2017), La Saline (2018) et Bel-Air (2019), est notoire par la diversité de ses membres, son influence sur de larges portions de l’agglomération de Port-au-Prince, et son image de mouvement social luttant pour l’amélioration des services et des chances offertes à la population des quartiers pauvres. L’apparition de cette nouvelle organisation a suscité des inquiétudes parmi les acteurs de l’échiquier politique et de la société civile, quant à l’impact préjudiciable que les bandes partisanes pourraient avoir sur les institutions de l’État.

La signature, le 22 août dernier, par plusieurs chefs de gang de ce G9, d’une trêve avec leurs rivaux de Cité-Soleil et les informations faisant état de tensions fin août, au sein de l’alliance ont suscité des interrogations sur la solidité de sa cohésion interne. Néanmoins, le renforcement du contrôle du G9 sur certaines parties de l’agglomération semble avoir eu une incidence sur les grandes tendances de la criminalité, au cours de la période analysée. Les homicides volontaires signalés à la police ont diminué de 12 % entre le 1er juin et le 31 août, et ont fait 328 victimes (dont 24 femmes et 9 enfants) contre 373 (dont 9 femmes et 12 enfants) au cours des trois mois précédents. Tout comme dans les périodes précédentes, 74 % de ces cas ont été enregistrés dans le département de l’Ouest, où vit environ 35 % de la population et où la violence en bande organisée est plus répandue. Un examen plus attentif des statistiques révèle cependant une flambée subite en juin (171 homicides volontaires signalés contre 132 en mai) qui coïncide avec la formation de l’alliance du G9 et correspond aux raids les plus meurtriers menés sur le quartier de Pont-Rouge et la commune de Cité-Soleil à Port-au-Prince. Après quoi, on constate un déclin marqué de ces incidents, après le mois de juillet (77 homicides signalés), une fois les alliances reconfigurées. À l’inverse, les enlèvements ont suivi la tendance inverse. Après avoir diminué régulièrement, depuis mars, pour atteindre une moyenne mensuelle de 3,5, le nombre d’enlèvements est passé à 19 en juillet, les gangs étant retournés à des activités plus lucratives après des semaines d’intenses négociations et d’affrontements. Au total, 32 personnes (dont 9 femmes et 3 enfants) ont été enlevées, contre 25 au cours des trois mois précédents (dont 7 femmes et 7 enfants), ce qui représente une augmentation de 28 %. Cette augmentation du nombre d’enlèvements semble toutefois avoir été contenue par les opérations de police menées dans la dernière partie de la période considérée, qui ont conduit à l’arrestation de 53 personnes soupçonnées d’avoir participé à des enlèvements et de 51 autres membres de gang.

Une augmentation notable des incidents provoqués par les gangs a également été observée dans d’autres régions du pays, notamment au Cap-Haïtien (département du Nord) et à Petite-Rivière-de-l’Artibonite (département de l’Artibonite), où l’insécurité limite la circulation sur plusieurs axes importants. Tout comme dans la capitale, la violence des gangs pourrait s’intensifier avec la publication du calendrier électoral. Freiner le développement des gangs reste donc une priorité pour la Police nationale d’Haïti, qui a lancé, le 7 août, une nouvelle opération de police à l’échelle nationale et renforcé sa présence dans les zones sensibles, où ont été construits de nouveaux commissariats, à L’Anse-à-Veau (département de Nippes), Ganthier et Malpasse (département de l’Ouest).

La Commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion a continué à consolider sa position de première institution nationale de lutte contre la violence au sein de la collectivité, malgré des contraintes opérationnelles persistantes. La violence sexuelle fondée sur le genre est restée un problème constant et insuffisamment signalé. Le système national de santé a signalé 457 cas de viol (164 femmes, 235 enfants et 58 hommes) entre le 1er juin et le 31 août, contre 541 entre le 1er mars et le 31 mai. En comparaison, 43 viols ont été signalés à la Police nationale d’Haïti entre le 1er juin et le 31 août, contre 35 au cours de la période précédente. La protection juridique des femmes a évolué, dans la version actualisée du Code pénal, qui comporte désormais des dispositions contre la discrimination et dépénalise l’avortement, mais une loi globale sur la violence contre les femmes n’a pas encore été adoptée, et les réparations décernées aux victimes restent insuffisantes.»

Emmanuel Saintus

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