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Société: Haïti dans sa conception de la Démocratie

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La gouvernance d’un État ou d’une Nation exige l’adoption d’un régime politique. Par politique, on entend la gestion de la Cité. C’est ainsi que des théories se développèrent, autour des modèles de gouvernance ou des formes de gouvernement. Tout se rapporte à l’organisation politique, économique et sociale d’un État. Les autorités haïtiennes, depuis près de 30 ans, se réclament du régime démocratique, et n’hésitent pas à le rappeler à tout moment. Alors, à quoi font-elles allusion?

Depuis après la proclamation de son indépendance, en 1804, Haïti a connu différentes formes de gouvernement et, jusqu’en 1987, après le départ du Président Jean-Claude Duvalier, héritier de son père, François Duvalier, dont les régimes ont cumulé près de 29 ans de pouvoir, elle dit être démocratique. En fait, l’existence d’une Constitution et le droit de vote font croire ou ne font que renforcer cette illusion démocratique en Haïti. Peut-être, dirais-je plutôt, qu’Haïti a sa propre démocratie.

En effet, le régime démocratique que clament haut et fort les autorités haïtiennes, exige un ensemble de critères, sur lesquels, des États qui se vantent d’être très avancés, ceux d’Europe occidentale en particulier, trébuchent encore. Dirions-nous alors que la Démocratie est un idéal? Sortons du pessimisme! En effet, la démocratie est caractérisée, entre autres, par: l’existence d’une Constitution, le respect des droits fondamentaux, la séparation des pouvoirs, le pluralisme idéologique et politique, les élections dans les normes, l’état de droit et la bonne gouvernance. Tout ceci, non exhaustif, résume les fondements d’une démocratie, et, à force de leur application difficile, on se demande quel État est réellement démocratique.

D’une mise en œuvre très compliquée, chacun des critères du régime démocratique requiert le déploiement de grands efforts et de lourds moyens financiers et techniques. Et pour le respect des droits fondamentaux des individus, minoritaires ou non, l’État s’attend à la satisfaction même des droits qui n’ont pas encore été évoqués. Un dilemme! En effet, dans une Démocratie, le citoyen ou la citoyenne est au cœur du pouvoir, en se faisant représenter, par la voie des élections. Le peuple, disons donc, fait le choix de ses dirigeants et dirigeantes, et de ce fait, il élit lui-même les responsables du fonctionnement de l’État. C’est sur ce critère que les autorités haïtiennes se penchent pour parler de la démocratie, sans tenir compte, entre autres, de ce qui suit: les élections doivent se tenir dans le délai constitutionnel prévu, et elles doivent être libres et transparentes. En fait, les autorités haïtiennes s’accrochent, grosso modo, à la réalisation des élections, et quelles que soient les circonstances de leur réalisation.

Aucun État n’atteint un degré de démocratie parfaite, car les revendications sont trop nombreuses, et les moyens techniques et financiers ne sont pas toujours disponibles. Mais certains, reconnaissons-nous, sont plus légitimes à en parler que d’autres. Des efforts de mise en œuvre de la démocratie sont remarquables. Ils sont dans une quête permanente d’organisation d’une société juste et équitable. Ils sont pour le bien-être collectif. Par contre, la République d’Haïti, qui s’enfonce de plus en plus dans des crises structurelles, et ne peut même pas résoudre les problèmes sociaux les plus élémentaires, notamment l’accès à l’eau potable, à l’électricité, à la scolarisation et à l’éducation, aux loisirs, à la sécurité, etc., se cache derrière un semblant de démocratie, pour masquer les irresponsabilités de ses responsables politiques, pour faire plaisir à la communauté internationale, pour casser les mouvements populaires, et surtout, pour inviter à voter pour une continuité dans la corruption et le renforcement de nos misères. C’est ainsi qu’Haïti pense être démocratique, ironiquement.

En somme, si dans cette situation de misère, de corruption, d’injustice, de vulnérabilités environnementales, d’instabilité socio-politique, de dépendance économique et politique, les autorités haïtiennes se vantent que la République est démocratique, en se référant seulement à l’existence d’une Constitution bafouée et à des élections truquées, alors, osons théoriser sur une «démocratie à l’haïtienne» ou acceptons tous, une fin de la démocratie.

Toujours est-il que, sans être gênées le moindrement de ne pas pouvoir adresser les défis sociaux auxquels nous faisons face, ce 15 septembre 2020, nos autorités tiendront pompeusement un discours ronflant, porté sur la Journée Internationale de la Démocratie. Avouons qu’elles ne manquent pas d’un certain culot pour oser ainsi galvauder un tel concept politique.

Job Pierre Louis

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