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Société : quand la jeunesse haïtienne est prise en otage par des slogans

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La jeunesse constitue une étape dans la vie où on essaie de prendre des responsabilités, se concentrer sur des choix, tout en cherchant à faire des expériences. Se situant dans la fourchette de l’adolescence vers l’âge adulte, elle est le moment où l’on cherche à se construire une identité, à s’engager davantage, à chercher à avoir accès à des biens matériels ou à l’indépendance matérielle. La jeunesse est, en effet, un symbole d’autonomie, d’engagement et de responsabilités.
Faisant l’objet d’un débat sur le classement d’âge, elle est comprise dans la limite de 15 ans, et n’excède pas 29 ans. La réalité sociale dans certains États, comme par exemple en Haïti, pourrait bien amener à des questionnements infinis. Considérée comme moteurs du changement socio-économique et politique, en Haïti, aujourd’hui, la jeunesse est prise en otage par des slogans. Porter un discours se référant à la jeunesse devient une appropriation de combats, et tout ira bien. Donc, on lance plus de slogans qu’on ne mène des actions concrètes. «Bat bravo pou lajenès*», «jenès la bezwen travay**» et «jeunocratie***» sont, entre autres, des slogans et des expressions qui tentent de placer la jeunesse au cœur de mouvements d’organisations politiques. Se faisant, la jeunesse est considérée comme la seule catégorie d’âge qui peut apporter le changement tant souhaité, pour sortir Haïti de la misère, pour lutter contre la corruption, pour avoir l’énergie pour travailler, etc. Elle devient, en ce sens, l’unique force vive de la société, dont l’intégration sortirait le pays de son marasme multidimensionnel. En effet, tous les slogans et discours, soit portés par la jeunesse ou qui la mentionnent, seraient un signe présumé de changement, dans toute sa globalité. Entre arnaques, illusions et discours vides, la jeunesse haïtienne se croit une jeunesse forte, tout en contemplant sa situation de faiblesse et de dénuement de tous ordres. Les seules choses de positif avec cette jeunesse ne sont que les slogans dont on l’abreuve. D’ailleurs, le fait de brandir la jeunesse, inconsciente, comme ultime possibilité de progrès social et économique, n’est qu’un signe illusoire, car, en définitive, c’est la politique qui fait bouger les choses. Or, cette jeunesse se retire en majorité de la politique, et, paradoxalement, se veut un changement qui doit passer par la politique. En conséquence, les hommes et les femmes politiques, dans leur discours, ne font que semblant de donner une place importante à la jeunesse. De ce fait, on continue à marcher de slogans en slogans.

La jeunesse, une force vive, oui! Mais avec que des slogans, cela devient très dangereux. Car c’est faire de la jeunesse un moteur de changement et de développement, sans qu’elle ne dispose des moyens nécessaires pour les mettre en œuvre. La jeunesse du pays est effectivement un réservoir de force vive parce qu’elle représente 22,7% de la population, est comprise entre 15 et 24 ans, et que plus de la moitié de la population avait moins de 21 ans en 2013, selon ce que révèle le rapport sur l’indice de Développement Humain (La jeunesse haïtienne, une majorité digne d’attention, publié le 18 juin 2013 sur le www.ht.undp.org). Mais cette situation peut se révéler très dangereuse, parce que cette tranche démographique n’est pas consciente de sa force, de fait, elle accepte de ne pas se battre pour intégrer l’espace décisionnel, et se contente donc d’une lutte de slogans.
Des slogans font rêver la jeunesse haïtienne de parvenir à atteindre des échelons supérieurs du développement. Ils touchent son égo et soulignent à grands traits son utilité, son énergie et le bien-fondé de ses revendications. Toutefois, les slogans utilisés pour attirer et endormir cette jeunesse peuvent aussi causer sa frustration, son refus de soumission, sa soif de changement et amplifier sa lutte contre la corruption, car le mouvement «PetroCaribe» était d’abord revendiqué par des jeunes. Pour des fins électoralistes, on fait des slogans. Un courant ou une idéologie politique s’approprie l’idée que le changement sera porté par les jeunes. Dans l’ensemble, avec ces slogans, on veut faire de la jeunesse haïtienne, par une tentative d’auto-proclamation, l’intelligentsia, l’élite qui réfléchit pour apporter des solutions magiques à tous nos maux. Donc, la jeunesse haïtienne devient toutes les solutions possibles et imaginables pour garantir le bien-être de la nation. Et bizarrement, cette jeunesse s’enferme dans ces slogans creux, vides et sans consistance. On l’utilise ainsi afin qu’elle rejette la participation de toute autre catégorie sociale au processus de changement. C’est en fonction de tout cela, qu’on peut dire que la jeunesse est prise en otage par des slogans.
*Applaudissez la jeunesse
**La jeunesse a besoin de travail
***Son sens est que le pouvoir est à la jeunesse
Job Pierre Louis
[email protected]

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