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Les préliminaires aux élections en Haïti sont en cours

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Les préliminaires à la saison des élections en Haïti sont déjà commencés. Dans la réalité, cela fait déjà quelque temps que la mise en place se déroulait. Le contrat de DERMALOG en faisait partie, de même qu’une certaine rationalisation de la dynamique des gangs criminels. À cela il faut ajouter l’expulsion de certaines têtes jugées embarrassantes, comme celle de Dimitri Vorbe de la compagnie SOGENER, par exemple. On s’est arrangé pour tenir celui-ci à distance, sans avoir à le jeter en prison, pour quelque raison que ce soit. Ce ne serait pas vraiment une très bonne idée. Mais, tenu au loin, à l’étranger, et, qui pis est, avec une demande d’extradition rendue publique sur les réseaux sociaux, pendant sur sa tête, il y a de quoi occuper son homme et sa batterie d’avocats. Pour faire bonne mesure et bien démontrer qu’il ne s’agirait pas d’une affaire personnelle, on ratisse large. On cible également la veuve de l’ex-président René Préval dont la maison familiale est mise sous scellés. La raison officielle nous renvoie au dossier SOGENER, mais personne n’est vraiment dupe.

Entre temps, le gouvernement s’est donné des émissaires garants du déroulement des éventuelles élections, partout sur le territoire. Il a fait maison nette avec les administrations municipales locales. Les maires sont remplacés par des agents exécutifs intérimaires dont le mandat est très limpide : il faut organiser les votes dans le bon sens, au moment venu. Leur installation s’effectue dare-dare dans 141 communes. Il y a bien quelques mairesses et maires qui échappent au couperet. On se demande pourquoi et par quel miracle ils y ont eu droit. Ce serait le cas du maire de Carrefour qui serait en rébellion ouverte et en pleine défiance de cet Exécutif qui ne voudrait pas de lui. Pourtant, il avait bien joué sa partition et était bien demeuré dans les rangs, que je sache. Ce serait aussi le cas du maire de Delmas qui, d’ailleurs, est déjà sur les rangs. Il aspire à la présidence d’Haïti et en a déjà publiquement fait l’annonce. Mais avec 141 communes sur un total de 145, sous le contrôle des agents exécutifs intérimaires, aux ordres du gouvernement, l’on comprend mieux l’assurance dont faisait preuve le président Moïse, récemment encore. Dans ces conditions, aucun adversaire ne pourrait prétendre gagner des élections arrangées d’avance. Même en concédant une victoire illusoire dans quelques-unes des circonscriptions qui échapperaient encore au contrôle du pouvoir en place, la lutte serait perdue, dès le départ, pour l’opposition qui se garde bien de tomber dans ce piège évident, en y participant aveuglément.

En outre, à en croire les rapports d’organismes de défense des droits humains, le pouvoir se serait allié aussi aux gangs armés qui ne défient pas son autorité et même travailleraient à le renforcer. Par exemple, l’on dit avoir vu un certain Barbecue, chef de file d’un certain regroupement de bandes de bandits armés de la capitale, dénommé G-9 Famille et Alliés, accompagné des agents de police, lors de distributions d’aide, à l’occasion de la COVID-19. Pourtant, il y a bien au moins un mandat d’amener, lancé contre lui. Mais qui s’en soucie? Personne ne semble porter attention à ce dangereux personnage, s’il en est. Finalement, de dignes diplomates, généralement des personnages crédibles et plutôt proches du pouvoir en place, n’auraient pas hésité à réclamer que l’action publique soit un peu plus diligente dans la traque de cet individu et de tant d’autres brigands du même acabit. Un organisme de l’État estime qu’il y aurait, au moins, 95 de ces bandes organisées de malfaiteurs, disséminées à travers le pays, lourdement armés et qui n’hésitent pas à faire un usage indiscriminé de leurs armes, tuant à l’aveuglette, n’importe qui: femmes enceintes ou enfants en bas âge, des vieux, des jeunes ou des bébés. Tout le monde y passe ou risque de l’être. Cette situation est même devenue, paraît-il, une source de préoccupation grandissante de nos tuteurs. À cet égard, les Américains ne font plus dans la dentelle. Ils ont placé Haïti sur la liste des pays à ne pas visiter, au niveau 4, non pas en raison de la COVID-19, mais en raison des risques de sécurité et de criminalité grandissante.

Pour faire bonne mesure, on a aussi entrepris une intimidation criarde d’éventuels candidats plus ou moins redoutables. L’interpellation récente du sénateur Youri Latortue, chef de file du parti politique Ayiti An Aksyon (AAA) en est un exemple évident. Pour le déstabiliser et l’intimider, juste assez, le pouvoir a instrumentalisé une institution de l’État pour monter de toute pièce, paraît-il, un dossier de détournement de fonds aux dépens de l’ONA. Sans connaître tous les détails de ce dossier, il semble évident que le moindrement qu’il y avait anguille sous roche et effectivement matière à incriminer M. Latortue, cela fait un bail que le pouvoir s’en serait servi. Nul n’aurait besoin de tenter de l’assassiner physiquement dans la triste affaire du Café-Trio, au Cap-Haïtien. Il aurait été beaucoup plus commode de le détruire politiquement en l’inculpant, à visière levée et à bon droit. Mais ce sont les gouttes d’eau à répétition qui creusent des canyons. Ces démarches, à terme, aboutissent souvent à l’érosion des caractères qui ne sont pas assez bien trempés pour résister à ces égratignures portées, jour après jour, contre l’âme de l’individu.

Par ailleurs, il est bruit qu’Antonio Sola, le gourou du PHTK, serait passé voir ses poulains pour s’assurer que tous les ingrédients de leur victoire prochaine étaient bien en place et, peut-être, en profiter pour majorer son cachet. Après tout, il avait bien livré la marchandise, deux fois plutôt qu’une. Peu importent les conditions calamiteuses de la vie infernale que mènent nos concitoyennes et nos concitoyens. La vie chère ne serait qu’une espèce de fiction colportée par une opposition en mal de sensationnel. Les gangs criminels et armés aussi. Tout cela ne serait que chimère pour faire peur aux crédules, comme les histoires de Tonton-macoute du temps de Papa Doc ou de Baby Doc. Sola se fera fort de revendre une bonne salade à l’Internationale qui ne demanderait pas mieux qu’on applique un peu de maquillage à notre démocratie adolescente et un peu turbulente. Toujours sur le volet international de nos préparations électorales, notre président était allé dimanche dernier en République Dominicaine, pour assister à l’installation du nouveau président dominicain. Nul ne sait de quoi ils ont pu s’entretenir à la suite des célébrations publiques. Notre président a profité de cette occasion pour échanger un peu avec Mike Pompeo, Secrétaire d’État américain aux Affaires étrangères. Sans doute qu’ils ont parlé d’élections. Mais lesquelles, on ne le sait pas vraiment. Par les temps qui courent, on ne sait pas vraiment qui des deux serait le demandeur de faveur. D’une part, deux présidents devraient aller devant leur peuple respectif pour leur demander leur vote de réélection, pour l’un, ou de prolongation de régime via un autre poulain, pour l’autre. Et, comme disait Lafontaine, «on a parfois besoin d’un plus petit que soi». Allez donc savoir qui a besoin de qui, dans l’immédiat… Tout peut donc se négocier, même si la disparité entre ces partenaires peut paraître si évidente qu’on serait porté à octroyer un avantage qui est loin d’être une certitude pour l’un comme pour l’autre.

Le 3 novembre prochain, les États-Unis d’Amérique iront aux urnes. D’une façon ou d’une autre, cela rejaillira sur nos élections à venir. Des dettes politiques encourues pourraient alors être remboursées par la suite, et je soupçonne nos dirigeants de miser là-dessus. Mais, certes, ils ne mettent pas tous leurs œufs dans le même panier. D’où tout ce déploiement de moyens pour s’assurer la victoire aux urnes, coûte que coûte. La Police, la soi-disant armée, la logistique des votes, le réseau diplomatique en place, les agents de la fonction publique en général, tout sera mis à contribution pour assurer une continuité à ce régime qui aurait trop à craindre en cas de défaite électorale classique. Aussi, ne la jouera-t-il pas à la régulière. Il usera de tous les stratagèmes, de tous les coups bas, de la fraude, de l’intimidation, jusqu’au meurtre ciblé et au massacre aveugle pour éviter qu’il en soit ainsi.

Le problème pour lui, c’est qu’il ne contrôle pas tout à fait ce peuple retors. Jusqu’à ce moment de notre histoire, personne n’a pu le faire que seulement pour un temps. Les mensonges, même les mieux enveloppés, les plus savants, finissent par s’émousser, et la sagacité de ce peuple parvient toujours à percevoir les rayons de vérité, malgré les nuages épais de promesses ronflantes et de contre-vérités dont on l’assomme régulièrement. Les armées de doctes étrangers, mercenaires à diplôme, des corsaires d’un nouvel âge, ne pourront pas toujours administrer leurs rapines psycho-sociales indéfiniment. Quelque part, à un moment donné, leur magie n’opèrera plus et tombera à plat, sans pouvoir désarçonner un peuple désormais aux aguets, à l’affut des leurres et des trompe-l’œil qui nous ont trop souvent bernés pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Mais tout cela étant dit, nous sommes bel et bien engagés dans un entonnoir qui nous conduira, inéluctablement, vers une autre période trouble, la fameuse croisée des chemins dont on n’a pas cessé de nous rabattre les oreilles, à maintes occasions, par le passé. Débouchera-t-on sur une autre imposition par les urnes, sans considération pour nos propres préoccupations et sans égard pour nos choix? Ou bien, parviendrons-nous à faire échec aux diversions et aux agressions sous des formes diverses pour forger notre propre voie, nos propres décisions, avec ou sans l’aide des autres? Là demeure encore l’inconnu. Mais les préliminaires sont bel et bien engagés, ne nous en déplaise, et l’un des marqueurs qui en influencera l’issue finale se disputera à l’étranger, le 3 novembre prochain. Cela ne veut pas dire que son impact sera irréversible et incontournable, car un peuple uni et déterminé obtiendra ce qu’il veut, au bout du compte. Mais le prix à payer, les sacrifices à endurer pour y parvenir seront plus ou moins grands, selon que l’écueil qui se trouve aujourd’hui devant nous, est ou non balayé par celles et ceux qui pourraient être des partenaires qui n’ont jamais été au rendez-vous de l’Histoire, pour fraterniser avec d’autres peuples sur ce continent ou ailleurs, comme ils le prétendent haut et fort dans leur texte fondateur.

Pierre-Michel Augustin

le 18 août 2020

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