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Justice et Remède pour le Pouvoir judiciaire en Haïti

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La Constitution de la République d’Haïti affirme que les trois pouvoirs constituent le fondement de la souveraineté nationale. Il est ainsi dans tous les pays ayant fait choix de la Démocratie comme système de gouvernance politique. Cependant, il n’en demeure pas moins que le pouvoir Judiciaire consacré par la constitution en son article 60 comme un Pouvoir indépendant des deux autres dans ses attributions qu’il exerce séparément, demande Justice et Remède, car il est à la fois contrôlé et malade.

Le Pouvoir judiciaire crie pitié mais personne ne l’entend. Il demande seulement à être pris en compte et qu’on le laisse respirer, mais les dirigeants font semblant de ne rien comprendre. Pourtant, sont nombreux les naïfs qui rêvent encore à une certaine indépendance surtout après la création du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) par la loi du 20 Décembre 2007 et consacré en date du 3 Juillet 2012. En dépit de tout cela, son indépendance est trop souvent piétinée. L’Exécutif le contrôle comme le fond de sa poche.

Le Pouvoir judiciaire veut que les deux autres le laissent jouer son rôle d’application de la loi. Et qu’il soit réellement la Femme aux yeux bandés qui frappe son glaive pour dire le mot du droit. Il réclame justice pour qu’en retour il donne justice à qui justice est due. S’il est placé pour rendre justice, il ne doit pas avoir les mains liées par un pouvoir exécutif qui le retient en servitude.

Pourquoi même après la création de la loi portant statut de la magistrature publiée le jeudi 20 Décembre 2007, la loi relative à l’École de la Magistrature et de la loi créant le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, ce Pouvoir judiciaire n’est toujours pas capable de respirer? C’est sans doute parce que l’Exécutif garde encore ses genoux sur le cou de ce dit Pouvoir. Le fait que la loi confère au Président de la République le pouvoir de signer les commissions des juges après avis favorable du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire ne l’autorise pas à les manipuler comme bon lui semble.

Mais comment ne pas les manipuler quand ils sont gardés dans la crasse la plus complète! Il faut les contrôler. Il faut pouvoir les acheter. Donc ils doivent être dans le besoin. La logique est simple. D’ailleurs, le Pouvoir judiciaire est beaucoup moins bien payé que les deux autres. Il suffit de regarder le dernier budget. On verra les sommes attribuées à chacun des Pouvoirs. Les magistrats qu’ils soient debout ou assis, croupissent dans la misère. Et pour faire face au coût de la vie, nombreux sont ceux qui acceptent la corruption comme cheval de bataille ou comme roue de secours. Nombreux sont ceux qui ternissent l’image de ce Pouvoir, situation oblige. Nombreux sont ceux qui hypothèquent leur honnêteté pour de l’argent ou pour de la promotion. Ces magistrats demandent justice, car ils aimeraient recouvrer leur honnêteté et leur indépendance.

Le pouvoir judiciaire demande justice, car il veut sortir sous l’emprise des politiciens qui le prostituent. Le pouvoir judiciaire si on peut l’appeler ainsi ne demande que des moyens pour mieux remplir sa mission qui est l’administration de la justice. Beaucoup de magistrats ne disposent pas de véhicules pour se rendre sur des lieux où une enquête est nécessaire. Les tribunaux non plus. Les rares magistrats à qui un véhicule est attribué en fonction des relations privilégiées avec les responsables ne le partagent pas. Ils considèrent ces véhicules comme leurs biens privés. Qu’aucune enquête ne soit menée, que la justice est faussée, ce n’est pas grave. Il suffit que leur véhicule soit à l’abri de tout vandalisme. Le Pouvoir judiciaire dans ce contexte est gravement malade. Il a besoin d’un vaccin.

Il est malade car il est trop dépendant des autres Pouvoirs. L’Exécutif, le Législatif interviennent trop souvent auprès du Judiciaire pour des combines inacceptables. Le Pouvoir judiciaire demande justice parce qu’à l’heure de la modernisation et de la technologie bon nombre de tribunaux sont logés dans des taudis, ou dans des zones où des bandits règnent.

Le Pouvoir judiciaire demande justice parce que certaines nominations laissent souvent à désirer; ce qui fragilise le système et le rend malade. Quand un magistrat n’est pas promu sur la base de l’honnêteté et de compétence, ses mains sont liées. Le système demande justice parce qu’il est traité en parent pauvre et demande à ce qu’il exerce ses attributions en toute indépendance. Il est vrai que la Constitution indique clairement que le pouvoir judiciaire est indépendant, que le juge ne répond qu’à la loi, mais en réalité le juge n’est pas à l’abri des pressions politiques.

Prenons un exemple simple ! Le tribunal de Première instance au Cap-Haïtien ne fonctionne pas depuis des semaines. Le barreau des avocats de cette ville conteste la nomination d’un juge d’instruction au poste de doyen ai. On peut se poser la question suivante: Le barreau, est-il en droit de se comporter ainsi? Nous ne sommes pas des experts en la matière, nous n’osons pas répondre à cette question. Mais il parait étrange que des avocats s’opposent à une nomination.

Mais pourquoi le doyen titulaire a été mis en disponibilité? A-t-il commis une erreur ou un geste de corruption? Mais aussi pourquoi celui qui est nommé, monsieur Jean Ralph Prévost, n’est pas accepté par les avocats? Est-il trop sérieux ou est-il trop paresseux comme on le prétend? Une autre question qui brûle: Pourquoi le juge Henri Claude Adhémar, le plus ancien, n’est pas nommé doyen a.i? Ne répond-il pas au critère de choix du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire, à savoir: L’honnêteté et l’intégrité? Serait-il corrompu?

Est-ce que dans cette institution, on ne trouve que de paresseux et de corrompus? Celui qui n’est pas corrompu est paresseux. Celui qui n’est pas paresseux est corrompu. Est-ce une réalité? Si oui, pourquoi les responsables n’ont pas sévi? Le Pouvoir judiciaire haïtien est malade.

 

Le système judiciaire haïtien est à revoir

Dans la loi portant sur le statut des Magistrats, la carrière de ces derniers n’est pas garantie. Le renouvellement des mandats des juges n’est pas automatique en vertu de l’article 15 de la Loi du 20 Décembre 2007. D’autant plus, les magistrats debout communément appelés les parquetiers dépendent directement du Ministère de la Justice, une branche de l’Exécutif dans le judiciaire. Ceci dit, si vous n’êtes pas aligné au Pouvoir exécutif, votre mandat est hypothéqué. Combien de commissaires qui sont révoqués pour n’avoir pas défendu un proche du Pouvoir? La liste peut être longue. Partout au pays, on vit la même situation. Les commissaires sont considérés comme des fusibles du Pouvoir. Ils peuvent être sautés à n’importe quel moment. D’ailleurs, la composante du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ) ne favorise pas l’indépendance du pouvoir judiciaire, le Président de cette institution qui est aussi président de la Cour de Cassation est nommé par le Président de la République. Qui pis est, deux Commissaires du Gouvernement siègent au sein de ce dit conseil qui administre le pouvoir judiciaire. On se demande perplexe pourquoi un autre Pouvoir détient le pouvoir de nommer les membres d’un autre Pouvoir dans un pays si corrompu comme Haïti? Dans les pays avancés, cela se fait. Le Président de la République ou le Premier Ministre nomme des juges qui vont garder leur neutralité. Mais en Haïti, la nomination est conditionnée, sinon, le mandat risque de ne pas être renouvelé. Beaucoup de juges vivent cette inquiétude. Pour avoir maille à partir avec certains hauts gradés du Pouvoir en place, comme des délégués, ces juges ne seraient pas reconduits.

 

Le pouvoir judiciaire demande justice

Malgré la récente grève organisée par les différentes associations des magistrats haïtiens pour l’amélioration de leurs conditions de vie et l’indépendance du système judiciaire, le problème reste et demeure entier. Les différentes rencontres avec l’exécutif ont accouché que de belles promesses. Il a été constaté que l’indépendance du pouvoir judiciaire n’est pas pour demain, C’est pourquoi le pouvoir judiciaire demande justice. Un juge de Première Instance gagne un salaire misérable. Comment garder son honnêteté dans de telles conditions! Seuls les plus justes sont sauvés!

En général, la justice doit être mise à l’abri des besoins matériels et doit être exempte des pressions politiques. Un Juge ne doit dépendre que de la Loi et de sa Conscience. Sous aucun prétexte, il ne doit pas rendre un jugement injuste envers un citoyen.

Donc, si on veut construire un État de droit qui est la base de tout État démocratique, de grâce: Respectez l’Indépendance du Pouvoir judiciaire. Et apportez du remède nécessaire au système, car trop de corrompus l’exploitent. Un juge avec l’équivalent de moins de 500 dollars américains par mois qui paie des études à l’étranger pour ses enfants suscite des interrogations sur son honnêteté. Les avocats le savent. C’est pour cela qu’ils prennent le malin plaisir à vouloir corrompre les juges.

Joe Antoine

7 Juillet 2020

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