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«La population d’Haïti ne peut se passer de travailler»

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Haïti compte plus de 1 000 cas de personnes infectées par le coronavirus et 30 décès, et ce sont là des chiffres qui augmentent rapidement. Lautaro Rivara, journaliste et sociologue argentin, membre de la brigade internationale ALBA Movimientos en Haïti et correspondant de TeleSUR, nous explique comment la pandémie est vécue dans ce pays pauvre des Caraïbes.

 

Haïti a été l’un des derniers pays de l’hémisphère Sud qui a officiellement informé sur le nombre de cas de coronavirus. Comment a évolué la pandémie et à quoi doit-on s’attendre dans les semaines à venir?

Lautaro Rivara: Oui, en effet, Haïti a mis du temps à informer sur le nombre des infections et des décès, et cela est dû au fait que ses relations avec d’autres pays soient peu nombreuses. Ces relations ont lieu par le biais du personnel international d’ONG or, il se trouve que de nombreux responsables de ces fondations, ces agences, voire ces églises, avaient déjà quitté le pays, en raison de la crise politique, sociale et économique que connaît Haïti, au moins depuis le milieu de l’année 2018.

Toutefois, après le début de la pandémie, dans le contexte haïtien, des cas de contagion intracommunautaire se sont multipliés et, dans ce cadre, le système de santé haïtien est extrêmement fragile, souffrant d’une pénurie de moyens matériels pour faire face à une pandémie de cet ordre. On a découvert, notamment, que l’État ne disposait que de 20 lits pour accueillir des patients en soins intensifs et qu’il ne disposait pas de fournitures de base pour le nettoyage et la désinfection, sans parler d’appareils plus complexes, tels que des respirateurs. Il est donc très difficile, dans ces conditions, de savoir le nombre exact des personnes infectées et des personnes décédées à cause du coronavirus, étant donné que les statistiques de l’État ne sont pas très crédibles. En outre, tout dernièrement, alors que le nombre des infections augmentait, le gouvernement national de Jovenel Moïse a tout simplement décidé d’arrêter les tests pour occulter les informations et minimiser les effets de la pandémie. Ce que nous savons, c’est que l’épicentre de la pandémie, le plus évident, ce sont les vastes quartiers populaires, notamment dans la capitale, Port-au-Prince. Nous parlons, là, de masses de gens entassées dans des espaces réduits et avec des conditions d’accès à l’eau potable et à l’hygiène vraiment très mauvaises. On doit donc s’attendre à ce que l’impact de la pandémie continue de croître de plus en plus.

 

Le rôle de la communauté internationale, en Haïti, est très discutable, par exemple, après le tremblement de terre de 2010. Quel rôle jouent ces agences internationales face à cette nouvelle pandémie ?

Lautaro Rivara: En Haïti, les intérêts géopolitiques et économiques de toute une série de puissances occidentales sont représentés par le dénommé Core Group qui regroupe les principales ambassades et organisations internationales telles que l’OEA ou l’ONU elle-même. Par égard à ce conglomérat de nations occidentales et dominantes, le gouvernement haïtien a pris une série de mesures qui tendent bien plus à répondre aux standards de ces nations-là qu’à satisfaire les besoins de sa propre population. Son seul objectif est de capter des subsides.

Par exemple, les dispositions d’isolement social ne sont pas du tout adéquates dans un pays dont l’économie est absolument informelle, à cause de l’impact de décennies de politiques néolibérales. Pour les couches de la population les plus précarisées, l’économie est une urgence à résoudre au jour le jour, et l’immense majorité de la population ne peut pas passer un, cinq, dix, trente jours sans travailler, car elle n’a pas la moindre épargne ni aucun autre type de ressources pour affronter une crise telle que celle-ci. Dans ces conditions, décréter une quarantaine sans aucun soutien pour les populations les plus vulnérables c’est décréter lettre morte. Dès le début, les gens ont commencé à se mobiliser dans les quartiers populaires avec le slogan «Plutôt mourir du coronavirus que de faim».

 

Quel est le contexte politique actuel ? Depuis le milieu de l’année 2018, le pays était en pleine ébullition, connaissant sans cesse des manifestations de masse contre la hausse du prix du carburant, l’état pitoyable des services publics, la corruption du gouvernement. Quelles sont les effets de la COVID-19 sur cette situation?

Lautaro Rivara: La situation est actuellement tendue en Haïti, à cause des circonstances exceptionnelles qu’impose la présence de la pandémie dans le pays, mais aussi à cause d’une crise politique, sociale et économique de longue date. Si nous examinons l’histoire récente du pays, nous voyons l’expression, au cours des deux dernières années, d’une énorme demande sociale qui exige la fin des politiques néolibérales dans le pays, la fin de l’ingérence des États-Unis et des autres puissances occidentales dans la souveraineté de la nation et qui réclame aussi la solution de la crise économique qui ne cesse de s’aggraver.

La pandémie amène d’autres questions à l’ordre du jour, mais la situation dans le pays, avec ou sans coronavirus, n’a cessé d’empirer. Dans ce cadre, il est important de souligner que le gouvernement de Jovenel Moïse est, à ce jour, un gouvernement anticonstitutionnel, puisqu’il n’a pas de Premier Ministre et qu’il gouverne sans le moindre type de budget approuvé par les assemblées législatives. Les élections législatives prévues en janvier de cette année n’ont pas eu lieu non plus. Et ce qui aggrave encore la situation politique et démocratique dans le pays c’est le fait que le gouvernement ait proposé de prolonger d’un an le mandat du président, jusqu’en 2022, et il a immédiatement reçu le soutien de l’OEA. Cela tend à nous faire suspecter une intervention des États-Unis et de l’OEA dans la formulation de cette proposition avancée, sous prétexte du caractère exceptionnel de la situation, mais pour faire en sorte que le gouvernement actuel reste au pouvoir.

https://www.investigaction.net/fr

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