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«Vers la mise en action du «cogito ergo sum» cartésien, pour endiguer la crise séculaire haïtienne »

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À l’heure la plus cruciale de la crise multiforme et pluridimensionnelle haïtienne, laquelle je qualifie sans langue de bois de «crise d’identité», j’avoue à l’occasion de la célébration du 216e anniversaire de création du Bicolore ayisyen, n’avoir pu empêcher mon esprit d’être envahi par l’unique idée de la quête incessante d’un refuge pouvant me servir de réconfort. Et c’est dans la curiosité intellectuelle, en vue de comprendre la crise haïtienne déjà parvenue au summum de la déliquescence d’un État, que j’ai pu trouver cet havre de paix et de consolation momentanée. Aujourd’hui, en raison du refus systématique de la prise en charge de notre destin par nous-même, filles et fils de cette nation, le pays agonise sous nos yeux impuissants.

De toute évidence, la problématique ayisyèn de gouvernabilité est la résultante d’un long processus de dictamen malveillant de conscience, par la primauté du «moi» et du «je» inconscient et arrogant chez l’homme et la femme ayisyen. Ainsi, j’ai résolu de faire un petit tour d’horizon dans l’univers de la conscience, par une approche dans l’espace intellectuel ayisyen, à travers un cadrage cognitif et perceptuel de l’Ayisyen, très attaché à «l’Étant» sans jamais se soucier de «l’Être», de sa cosmovision, en général, ainsi que de sa perception de lui-même, en particulier, pris en otage dans l’ici et le maintenant, sans aucune capacité ni velléité de sa propre projection vers l’existence identitaire qui, indépendamment de lui, le conditionne.

Pour ce faire, il ne me reste plus aucune autre alternative que: l’exploration de l’univers scientifique et philosophique. La plongée s’exécute dans le «cogito ergo sum». Cette phrase, originellement latine, est souvent traduite en français littéralement par: «je pense donc je suis», de l’approche initialement philosophique de l’un des plus célèbres philosophes français du 17e siècle, en l’occurrence: René Descartes. Comme ce fut le cas pour ce grand philosophe en son temps, pour être honnête, face au constat quasiment impuissant de l’effondrement de la Nation Ayisyèn, extirpée de tout bon sens et dépouillée des notions de souveraineté, de nationalisme, de patriotisme et de dignité, j’avoue me perdre dans ce tohu-bohu, cette cacophonie et cette profanation de notre essence même, en tant que peuple, en tant que nation et, plus encore, en tant qu’État libre et indépendant.

Depuis l’entrée sur scène de nos titans, tant à l’échelle politique que de la création littéraire, ceux qui furent de la trempe du père de la Patrie, Jean-Jacques Dessalines, et de l’anthropologie ayisyèn, entre science et culture, Louis-Joseph Janvier et autres, la nation ayisyèn a été très loin de souffrir de pénurie en matière de pensée scientifique et philosophique. Sans la moindre velléité de choquer personne ni encore moins d’insulter, la question que je me pose, par pur syllogisme inversé, est la suivante: sommes-nous encore en tant qu’individu et peuple, investis de la moindre lueur de raison ? Sommes-nous à même de penser ? Face à la crainte de l’évidence de répondre par la négative, si bien que les faits de par eux-mêmes en témoignent, j’ose, mes très chers compatriotes d’ici ou d’ailleurs, vous demander : puisque apparemment nous ne pensons ni ne raisonnons plus, continuons-nous seulement à exister ?

Même si l’énonciation française: «Je pense donc je suis» se comprend souvent faussement, ce n’est pas sans raison que le «cogito ergo sum» de Descartes exprime l’un des principes philosophiques fondamentaux de la philosophie moderne. Partant de ce constat, de cette certitude d’être, jusqu’à quand continuerons-nous à nous entêter dans l’insignifiance par ces pensées et agissements médiocres, malsains et suicidaires? Il est grand temps que nous nous rendions compte que nous avons déjà atteint le paroxysme de l’ignorance, de l’insouciance, de l’indécence, de l’immoralité, de l’incompétence et de la bêtise. Qu’attendons-nous pour nous rendre à l’évidence que la crise haïtienne n’est plus tout simplement politique, économique et sociale? Elle est aujourd’hui humanitaire. Nous sommes désormais un peuple en proie à sa propre volonté d’extinction.

Je n’ai pas la prétention de faire une étude exhaustive de la pensée de Descartes en soi, mais plutôt je m’applique à calquer la démarche méthodologique du syllogisme qui prévaut dans ses approches, pour une simple question de rigueur épistémologique. Je me ferai le devoir de procéder à une analyse en survol de cette pensée révolutionnaire et novatrice pour son époque. Ainsi, le «je pense, alors je suis», pris dans son contexte grammatical, implique une conséquence, du point de vue de la lexique et de la sémantique française: «je pense, donc je suis». Ce cadrage cognitif de la pensée s’est révélé déterminant pour l’essor de la pensée rationnelle au XVII siècle.

Tel que ci-avant mentionné, ne s’agissant aucunement d’un désir délibéré de cadrage philosophique de la problématique de gouvernance haïtienne, peut-être que je pourrais me passer de toutes ces considérations, nuances et susceptibilités philosophiques, scientifiques voire métaphysiques et poser le problème le plus simplement du monde. Cependant, il m’a été crucial de problématiser dans plusieurs sphères des connaissances humaines, en vue d’une bien meilleure appréhension de la situation. Les indices, à mon sens, sont plus que révélateurs et concluants. Au fait, je ne cherche qu’à avoir une idée plus claire quant à l’origine, à la nature et au mode de fonctionnement ayisyen, en vue de déceler les véritables causes et composantes de cette polémique et/ou problématique tant de gouvernabilité que de gouvernance haïtienne. Dans quelle dimension s’inscrit-elle, cette crise séculaire et intestine qui mine le pays, telle une pandémie qui veut décimer toute une population ? Elle n’est pas que politique, économique, sociale et, aujourd’hui, humanitaire. Elle est anthropologique et surtout, fondamentalement et crucialement, liée à l’absence en Ayiti de la pensée technique scientifique, pilier de changement et d’idées novatrices et l’essor même des plus grandes civilisations humaines, à travers l’histoire de l’humanité, sur la base d’une culture dûment enracinée dans le terroir. Car, la pensée scientifique requiert une certaine rigueur d’esprit et un recul conscient par rapport à soi-même, en vue de toute son application technique dans la quête de la satisfaction, non seulement des besoins personnels, mais aussi et surtout collectifs. En dehors d’une telle posture, aucune politique, ni économique, ni sociale, ni culturelle, ni encore moins d’aucune autre nature ne vaut la peine d’être poursuivie. Elle est donc condamnée à faire de l’organisation de la vie dans la Cité, tel que c’est le cas en Ayiti, une course effrénée vers sa propre perte où prévaut l’anarchisme, comme véritable et authentique système politique, jusqu’à la consécration du dépérissement de l’État, tel que prévu dans «Le Capital» par Marx et Engels.

La direction d’un pays, au sens propre du terme, à savoir sa gérance, est loin d’être l’affaire d’amateurs, d’improvisateurs, d’affairistes, de jouisseurs ou de profiteurs. Elle relève plutôt, au premier abord, d’une capacité aiguë et avérée d’organisation, d’institutionnalisation, d’administration de la chose publique, au bénéfice de tous, et tout ceci, en symbiose avec une volonté manifeste de sa propre élévation, par le dépassement de soi, à la hauteur des intérêts collectifs supérieurs, en vue de la défense de la souveraineté nationale, le développement endogène et durable, le droit au bien-être pour chacun et pour tous indistinctement. Pour ce faire, il faut, je le réitère, la résurgence d’une nouvelle génération d’hommes et de femmes, conscients de la taille des défis de l’heure, par la quête impérissable des voies et moyens pour remédier, sans épargne du don de soi et du sacrifice des intérêts mesquins de caste, de classe et de race, et ceci, avec intelligence, vision, clairvoyance et bienveillance.

L’intelligence en politique ne consiste point en la soif insatiable du limogeage, sous quelque forme que ce soit, et ce, à tout prix et à tout bout de champ de son ennemi, en vue de régner en maître et seigneur. Elle relève plutôt, de la fusion de notre habilité et habileté à tout simplement, faire d’un rival de conviction mais digne de foi et d’honnêteté, un allié politique, en dépit des divergences de point de vue et des intérêts individuels ou de classe. Ainsi, notre capacité à privilégier les plus hauts de la Nation aux dépens des plus terre-à-terre de caste, de classe et de race, à garantir l’intégrité nationale, à chercher le bien-être commun, à maintenir la paix publique et l’équilibre sociale, le développement endogène durable de nos communautés dans un environnement sain, voilà ce qui distingue un homme politique de caractère, visionnaire et progressiste, d’un narcissique corrompu, obscurantiste et apatride.

La renaissance d’Ayiti passe obligatoirement par une sorte d’introspection volontaire de l’homme et de la femme ayisyen, en vue d’éradiquer le traumatisme de l’esclavage des nerfs, de guerre et de division qui nous minent du dedans, en l’occurrence : la soif du pouvoir, la cupidité et le rejet systématique de nos valeurs cardinales face à l’enrichissement à tous les coups, à tous les coûts, pour tous les goûts et le manque de probité à tous les points de vue chez les citoyens et citoyennes ayisyen.

Jean Camille Étienne

19/05/2019, Cray.

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