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TPS: entre fictions et réalités

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Quand notre président, M. Jovenel Moïse déclara: « il n’est nullement question que l’administration Trump déporte environ 60 000 compatriotes haïtiens », dans la salle de conférence à Miami, les applaudissements ne manquaient pas. Grandiloquence ou simplement du charabia ? L’essentiel c’est que beaucoup de nos compatriotes l’ont cru. Ils voulaient, comme toute personne impuissante dans une situation désespérée, une bouffée d’air, un brin d’espoir. M. Jovenel Moïse continua son discours en s’efforçant de calmer les détenteurs de TPS, leur faisant croire qu’il faut qu’ils ôtent de leur esprit cette notion qu’ils auront à quitter les États-Unis, arguant que « Se pa sa ki nan tèt blan an ». Traduit littéralement du créole, «ce n’est pas ce que comptent faire les blancs» (les responsables américains). Il faut avouer que ce fut un discours très prometteur. Je dirais: un exemple clair de fiction mise au service de la politique. Car la réalité est tout autre.

 

«America first»

Le président Donald Trump n’a jamais caché sa politique : « America first ». Quant aux immigrants, dès les premiers jours de sa campagne, il s’est servi du problème des immigrants comme alibi pour cacher ses attachements aux mouvements nationalistes de la droite américaine. Selon lui, les immigrants sont la source de tous les problèmes américains : ils apportent la drogue, les vices, les vols, les viols et les crimes les plus sanglants et inhumains. Ils seraient responsables du chômage de millions d’Américains. Pour les Mexicains, il n’a pas ménagé ses mots. Et plus tard, les Haïtiens seraient traités comme source du SIDA vivant dans un pays sale comme une fosse d’aisance. J’ai utilisé ces mots pour éviter de répéter des expressions plutôt grossières, rapportées comme ayant été proférées par le président américain contre nos compatriotes haïtiens.

M. Jovenel Moïse out of touch

Malheureusement, M. Jovenel Moïse semblait planer dans les nuages de la confusion (fiction) quand lui-même, en grand mégalomane, à l’image de M. Trump, il faisait la leçon aux Haïtiens, leur rappelant de vivre dans le respect de la loi : « si vous êtes aux États-Unis, c’est pour travailler si vous avez une famille, et étudier si vous êtes jeunes… » Sa position démodée et « out of touch » est le modèle de pensées des vieux barons de la politique traditionnelle d’Haïti. Les universités, ce n’est pas pour les adultes, pères et mères de famille responsables. Et le travail n’est pas accessible aux jeunes car ils doivent étudier. Une démonstration flagrante de son ignorance de la réalité des pays développés où on peut être parents, étudiants et travailleurs, en même temps.

 

Ces immigrants inoffensifs qui font peur

M. Trump lui-même avait insinué qu’il allait analyser si les Haïtiens ne posent pas un problème pour la sécurité nationale. Des paroles qui furent rapidement démenties et classées comme discriminatoires car la réalité, c’est que nos Haïtiens ont toujours prouvé qu’ils sont parmi les peuples les plus pacifiques. Aucun attentat aux États-Unis ou chez nos voisins n’a été orchestré ou planifié par un Haïtien. Cependant, ceci n’empêcha point les dirigeants américains d’annuler le TPS pour les plus de 58 000 de nos frères et sœurs haïtiens. Peut-être, dans les coulisses diplomatiques M. Jovenel Moïse sait que la date d’expiration du TPS, le 22 juillet 2019, reste une fiction. En effet, le président américain pourrait revenir sur sa décision avant cette date. On peut toujours décider d’être optimiste et rêveur. Mais la vie oblige des planifications pour les mères et pères responsables du futur de leurs enfants. Quand pourrons-nous savoir si les prédictions et les promesses d’un politicien haïtien sont plus proches de la réalité que les décisions attestées et publicisées par tous les moyens audiovisuels et par voie écrite sur l’annulation du programme de TPS ?

 

La fin du TPS et les manipulations politiques

Les poursuites en justice contre l’administration Trump, qui qualifient l’annulation du programme humanitaire comme une décision discriminatoire, raciste et inhumaine ont permis avec le FOIA (Freedom Of Information Act) de dévoiler au grand public les manigances et les manipulations internes pour éviter toute extension du TPS pour les pays comme Haïti, Honduras, El Salvador, Soudan et Nicaragua. Dans l’annexe 8 (ou Exibit 8), les contradictions entres les déclarations du Département of Homeland Security et du Département d’État montrent clairement que les raisons pour terminer le TPS pour le Soudan furent incorrectes et mal rédigées. De plus, le Département d’État s’est

 plaint de n’avoir pas eu assez de temps pour entamer des discussions diplomatiques avec les pays d’origine des bénéficiaires du TPS pour leur expliquer l’annonce de l’annulation de cette mesure et pour qu’ils puissent contrôler les possibles réactions et impacts d’une telle décision. Dans le cas précis d’Haïti, Law Robert T, dans son rapport initial, a déclaré que, du point de vue humanitaire, tout porte à l’extension du TPS pour les Haïtiens. Comme réponse, on lui demanda de l’éditer convenablement. Ce qui a été fidèlement fait, et la version « draft du memo » final présenta des recommandations contraires à celles inscrites originalement dans les études préliminaires. Bref, comme le voulait l’administration actuelle, le TPS, en guise d’extension, fut annulé.

 

Je ne prétends pas vous lire et vous traduire toutes les communications internes concernant l’annulation du TPS qui sont aujourd’hui dans les documents annexés à cet article. Toutefois, je crois qu’il est important et urgent pour nos compatriotes de se rendre compte que l’intention de terminer avec le TPS par les dirigeants américains ne fut jamais le fruit de leur imagination. Ce n’est pas et cela n’a jamais été de la fiction. M. Trump veut, par tous les moyens, montrer aux Américains sa ferme conviction de résoudre le problème migratoire, en s’attaquant d’abord aux programmes humanitaires. Plusieurs citoyens provenant de certains pays arabes, par exemple l’Iran, lontemps résidents aux États-Unis, furent interdits de retourner dans leurs domiciles après le « travel ban » imposé comme mesure temporaire qui n’allait pas durer plus de 6 mois. La réalité, presque deux ans après : « l’interdiction de voyage » est encore en place. Dans les décisions contre les immigrants étrangers aux États-Unis, tout ce qui semblait fiction est devenu un cauchemar, un calvaire pour ceux-là et celles-là qui caressaient longtemps le rêve américain.

 

Un avenir sombre pour les détenteurs de TPS

L’annexe 14 présente des recommandations selon lesquelles le congrès américain aura à décider du sort des détenteurs de TPS après l’expiration du programme. M. Trump penche vers une reforme basée sur les mérites des participants. C’est-à-dire, les détenteurs de TPS avec des qualifications professionnelles tels que : les médecins, physiothérapeutes, ingénieurs, etc., pourraient devenir éligibles, grâce à cette soi-disant réforme. Cette possibilité reste encore du côté de la fiction car, après les multiples projets de réformes migratoires ratées par manque de consensus, l’avenir des 58 000 Haïtiens détenteurs de TPS semble déjà très sombre, quand on sait qu’il leur faudra espérer la bonne grâce des politiciens de Washington.

 

Et pour ce qui est d’un retour au pays, les annonces du président Jovenel Moïse selon lesquelles il entreprendrait des préparatifs pour accueillir les milliers d’Haïtiens accompagnés de leurs enfants dont nombreux sont nés aux États-Unis, cela va au-delà de la fiction. Haïti n’a ni les moyens, ni les infrastructures : énergie, distribution d’eau potable, logements, routes, écoles spécialisées, etc. pour recevoir cet éventuel exode de citoyens haïtiens, habitués aux conforts modernes d’un pays du premier monde. Désillusionnés par les fictions provenant des promesses vides du président Jovenel Moïse et apeurés par les menaces de déportation de l’administration Trump après l’expiration du TPS, nos compatriotes ne peuvent qu’espérer un miracle des politiciens de Washington. Dès lors, on comprend mieux pourquoi tant de nos compatriotes se consacrent fidèlement et quotidiennement aux activités religieuses et spirituelles de toutes sortes, implorant les esprits pour provoquer un changement de disposition de l’administration Trump, plus favorable à leur cause.

Rodelyn Almazor

[email protected]

 

Références

  1. https://nationaltpsalliance.org/wp-content/uploads/2018/08/DPP-3186-Ex-8_Redacted-FINAL.pdf
  2. https://nationaltpsalliance.org/wp-content/uploads/2018/08/DPP-3566-EX-14.pdf
  3. https://nationaltpsalliance.org/wp-content/uploads/2018/08/DPP-3349-EX-3.pdf
  4. https://nationaltpsalliance.org/wp-content/uploads/2018/08/DPP-471-EX-1.pdf
  5. https://nationaltpsalliance.org/wp-content/uploads/2018/08/DPP-3139-Ex-2.pdf

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